Face aux défis climatiques et à la nécessité d’un bâti plus respectueux de l’environnement, les matériaux biosourcés s’imposent comme des solutions innovantes dans les territoires ultramarins. Dans le cadre du projet BIOTOOL, un guide composé de 10 fiches techniques a été élaboré par Qualitropic, le CAUE de La Réunion, le CIRBAT et l’ADEME.
Parmi ces matériaux, la fiche 4 est consacrée à la ouate de cellulose, un isolant issu du recyclage du papier et reconnu pour ses performances techniques, environnementales et sa capacité d’adaptation au bâti tropical.
—
Qu’est-ce que la ouate de cellulose ?
La ouate de cellulose est un isolant thermique et acoustique composé à 85 % de papier recyclé, 5-10 % de carton et 5 % d’additifs. Sa fabrication repose sur un processus industriel peu énergivore et ne nécessite ni eau, ni combustion. Issue principalement de déchets de journaux et cartons, elle contribue activement à la réduction des déchets tout en proposant une solution d’isolation performante pour les bâtiments.
À La Réunion, malgré un potentiel important, la ouate de cellulose reste peu utilisée, avec une mise en œuvre annuelle d’environ 250 tonnes. Deux entreprises locales, Bourbon Isolation Écologique et Austral Isolation, assurent néanmoins la pose de ce matériau, principalement par soufflage ou projection humide.
Performances techniques : Une isolation adaptée au climat tropical
La ouate de cellulose offre des performances techniques qui en font un isolant particulièrement adapté aux besoins des bâtiments situés dans des climats chauds et humides comme celui de La Réunion :
- Conductivité thermique (λ) :
Avec une conductivité thermique de 0,039 à 0,042 W/m.K, la ouate de cellulose limite efficacement les transferts de chaleur par les parois, garantissant une isolation performante en été comme en hiver. Elle se compare avantageusement à des matériaux conventionnels comme la laine de roche (0,034-0,045 W/m.K) et le polystyrène (0,019-0,028 W/m.K). - Déphasage thermique :
Le déphasage thermique de 9 à 11 heures constitue un atout majeur pour le confort d’été. En ralentissant le passage de la chaleur, la ouate de cellulose maintient les intérieurs frais pendant la journée, ce qui réduit considérablement le recours à la climatisation dans les bâtiments tropicaux. À titre de comparaison, la laine de roche offre un déphasage de 6 heures tandis que la laine de verre atteint seulement 4 heures. - Atténuation acoustique :
Grâce à l’enchevêtrement de ses fibres naturelles, la ouate de cellulose présente une atténuation acoustique de 40 à 45 dB pour une épaisseur de 15 cm. Elle limite efficacement les nuisances sonores provenant de l’extérieur et améliore le confort acoustique des habitations. - Classement feu :
La ouate de cellulose bénéficie du classement B-s2, d0 (difficilement inflammable). Ce traitement ignifuge, obtenu grâce à des sels minéraux comme le sulfate de magnésium, répond aux exigences de sécurité incendie des bâtiments d’habitation et des ERP (Établissements Recevant du Public).
Un impact environnemental réduit et des atouts pour l’économie circulaire
La ouate de cellulose se distingue par son faible impact environnemental, comparé aux isolants traditionnels comme la laine de verre :
- Faible empreinte carbone :
- Émissions carbone (kg CO2 eq) : -8,49 (contre 6,58 pour la laine de verre). La ouate de cellulose contribue ainsi à un bilan carbone négatif grâce à la séquestration du carbone issue du papier recyclé.
- Carbone séquestré : 2,16 kgC/m², un atout majeur pour la lutte contre le changement climatique.
- Ressources non renouvelables :
Avec une consommation énergétique de 94,3 MJ contre 211 MJ pour la laine de verre, la ouate de cellulose présente un processus de fabrication beaucoup moins énergivore. - 100 % recyclable :
En fin de vie, la ouate de cellulose peut être réintégrée dans le processus de fabrication sans perte de performance. Cela en fait un matériau idéal pour des chantiers visant le zéro déchet.
À La Réunion, la production locale de ouate de cellulose représenterait une opportunité majeure pour valoriser les 30 kT/an de déchets papier/carton actuellement peu recyclés. Cela permettrait non seulement de réduire l’empreinte carbone liée à l’importation, mais aussi de créer une filière économique locale et durable.
Techniques de mise en œuvre : Soufflage et projection humide
La ouate de cellulose est posée selon deux techniques principales, adaptées aux besoins des bâtiments tropicaux :
- Le soufflage en comble perdu :
- Réalisé avec une machine pneumatique permettant de maîtriser la densité d’isolation.
- Normé NF DTU 45.11, le soufflage assure une pose homogène et performante pour des épaisseurs de 25 cm, garantissant une résistance thermique R > 5 m².K/W.
- La projection humide pour parois verticales :
- Technique moderne utilisant une soufflerie cardeuse couplée à des buses de pulvérisation d’eau.
- Adaptée pour les murs, plafonds rampants ou inclinés.
- Après mise en œuvre, la ouate de cellulose ne nécessite aucun entretien, offrant ainsi une solution durable pour les bâtiments tropicaux.
Perspectives pour La Réunion : Développer une filière locale
Bien que performante, la ouate de cellulose reste peu utilisée à La Réunion en raison de son importation coûteuse depuis l’Europe. Pourtant, le territoire dispose d’une ressource abondante en papier et carton.
Créer une filière locale de production de ouate de cellulose permettrait de :
- Réduire l’empreinte carbone liée au transport.
- Favoriser l’économie circulaire en valorisant les déchets locaux.
- Créer des emplois dans la collecte, la fabrication et la mise en œuvre du matériau.
Un isolant d’avenir pour le bâti tropical
Grâce à ses performances thermiques, acoustiques et environnementales, la ouate de cellulose représente une solution innovante et durable pour les projets d’écoconstruction en Outre-mer. Le projet BIOTOOL met en avant son potentiel dans le bâti tropical, en invitant les acteurs locaux à s’engager pour une adoption plus large de ce matériau.
Investir dans la production locale de ouate de cellulose à La Réunion permettrait non seulement de répondre aux exigences climatiques et économiques, mais aussi de s’inscrire dans une dynamique d’innovation et de développement durable.
Consulter la fiche 4 – Isolant Vrac Ouate de Cellulose, issue des 10 fiches sur les produits du Bâtiment Biosourcés – BIOTOOL