« De nouvelles opportunités pour l’accession sociale à la propriété », la Journée du Logement 2024 a mis en avant des initiatives innovantes pour encourager l’accès à la propriété en Martinique. Cette deuxième conférence a rassemblé un panel d’experts et d’acteurs clés du secteur immobilier et du logement à la Martinique, avec pour objectif de présenter des solutions concrètes adaptées aux spécificités locales. Dans un contexte économique marqué par des difficultés croissantes, les dispositifs présentés visent à offrir aux ménages modestes des voies réalistes pour devenir propriétaires, tout en prenant en compte les enjeux sociaux et financiers de notre territoire.
Une problématique récurrente en Martinique
L’accession sociale à la propriété est un enjeu de taille sur le territoire martiniquais. Avec une population en décroissance, des jeunes qui partent en métropole et des logements vacants ou dégradés en grand nombre, l’île fait face à des défis majeurs. Les intervenants ont souligné que l’un des obstacles majeurs reste l’accès au foncier et à la propriété pour les ménages à faibles revenus. Cette journée a permis de réfléchir à des solutions innovantes pour répondre à ces problématiques.
Le logement évolutif social : une inspiration renouvelée
Miguelle Mambert de la DEAL, a introduit la conférence en rappelant le concept du « logement évolutif social », un dispositif mis en place dans les Outre-mer par le passé, permettant aux familles de construire progressivement leur logement. Ce système, qui a évolué au fil du temps, offrait aux ménages la possibilité de compléter leur logement à leur rythme, en commençant par le gros œuvre financé par l’État, et en finissant eux-mêmes les travaux. Ce modèle a servi d’inspiration pour les nouveaux dispositifs présentés lors de cette journée.
Acquisition et amélioration : encourager la rénovation des biens dégradés
Jean-Max Léonard, directeur général ECM / RENOVBAT et président de l’association des opérateurs de l’amélioration de l’habitat (ILOM), a présenté deux dispositifs majeurs : l’acquisition-amélioration et la régularisation-amélioration. Ces programmes visent à encourager l’achat de biens dégradés pour les rénover et les transformer en résidences principales.
Le premier dispositif, acquisition-amélioration, incite les ménages à acheter des biens immobiliers nécessitant des rénovations. Ces biens, souvent inoccupés ou en mauvais état, sont ensuite rénovés avec des aides publiques, permettant aux nouveaux propriétaires d’accéder à la propriété tout en revitalisant le parc immobilier existant. Le deuxième dispositif, régularisation-amélioration, permet aux propriétaires sans titre foncier d’acquérir légalement leur terrain tout en réalisant des travaux de rénovation avec le soutien de l’État.
Ces dispositifs répondent à trois objectifs prioritaires : la résorption de l’habitat insalubre, la remobilisation du parc vacant, et la limitation de l’étalement urbain. Un exemple concret a été partagé lors de la conférence : un projet au Vauclin où un ménage a pu acquérir un terrain et un bâtiment pour 36 000 euros, avec des travaux de rénovation estimés à 90 000 euros. Ce type de projet, bien que modeste en nombre pour le moment, montre l’efficacité potentielle de ce dispositif.
Le bail réel solidaire (BRS) : un modèle prometteur
Edouard Gamess, directeur de l’Établissement Public Foncier (EPF) de la Martinique, a présenté une autre innovation : le bail réel solidaire (BRS). Ce modèle juridique, qui dissocie la propriété du terrain de celle du bâti, permet de réduire significativement le coût d’accès à la propriété. L’EPF reste propriétaire du terrain, tandis que les ménages achètent le logement à un prix bien inférieur à celui du marché. Les propriétaires doivent alors payer une redevance modique pour l’occupation du terrain, souvent évaluée à moins de 2 euros par mètre carré.
Le BRS s’adresse principalement aux ménages à revenus modestes ou moyens, leur permettant de devenir propriétaires à des conditions avantageuses, avec des réductions de prix allant de 15 % à 40 % par rapport au marché immobilier traditionnel. Le modèle a déjà fait ses preuves en métropole, et l’EPF est en train de le déployer en Martinique avec plusieurs projets pilotes, notamment à Sainte-Marie et Fort-de-France, avec des premières livraisons prévues pour 2025.
Le PSLA et la vente HLM : des opportunités d’accession à la propriété pour les locataires
Karine Luc-Antoinette, représentante de la société HLM Ozanam, a présenté deux dispositifs d’accession à la propriété : le PSLA (Prêt Social Location-Accession) et la vente HLM. Le PSLA permet aux locataires-accédants de devenir propriétaires progressivement. Ils paient une redevance mensuelle composée d’un loyer et d’une épargne, cette dernière venant en déduction du prix d’achat final du logement. Ce système garantit également une réduction de TVA et une exonération de taxe foncière pendant 15 ans, ce qui en fait une option attractive pour les ménages à revenus modestes.
La vente HLM offre également la possibilité aux locataires du parc social d’acheter leur logement à un prix avantageux après y avoir vécu au moins deux ans. Ce dispositif est ouvert sans conditions de ressources pour les locataires actuels, mais des conditions s’appliquent pour leurs descendants en cas de transmission.
Un prêt innovant pour encourager les jeunes Martiniquais à revenir
Sandra Mencé et Jordan Adolphe, de l’agence Martinique Habitat, ont présenté un prêt expérimental conçu pour encourager les jeunes Martiniquais à revenir s’installer sur l’île. Ce prêt de 51 500 euros, garanti à 80 % par l’État, est accessible sans conditions de ressources. Il vise à contrer la baisse de la population en Martinique, notamment causée par le départ des jeunes. Avec un taux d’intérêt très faible (0,5 %), ce prêt permet de financer l’achat ou la rénovation de logements anciens, tout en offrant un différé de remboursement de 24 mois pour permettre aux acquéreurs d’effectuer leurs travaux.
Une réponse aux défis du logement en Martinique
Cette conférence a permis de mettre en avant des solutions concrètes et novatrices pour répondre aux défis du logement en Martinique. Les dispositifs présentés, qu’il s’agisse de l’acquisition-amélioration, du bail réel solidaire, ou des prêts spécifiques pour les jeunes, offrent de nouvelles opportunités d’accession à la propriété pour les ménages martiniquais. Ces initiatives, encore à l’état expérimental pour certaines, pourraient bien redéfinir l’avenir de l’habitat en Martinique, en permettant une meilleure accessibilité au logement tout en revitalisant le parc immobilier existant.
Philippe PIED