La mangrove, catalyseur d’un urbanisme durable : le projet de requalification de l’Anse Chaton à Cayenne

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    La mangrove

    Le 26 novembre 2024, le Club des Villes Équatoriales Guyanaises Durables (VEGD), animé par l’Agence d’Urbanisme et de Développement de la Guyane (AUDeG), a mis en lumière un sujet crucial pour l’avenir de Cayenne : comment concilier la préservation de la mangrove et les besoins d’aménagement urbain.

    Lors de cette séance, Sarah Chan, étudiante en Master 2 à l’ENSAL, a présenté son projet de fin d’études, qui propose de transformer la mangrove côtière en un levier pour réinventer les espaces urbains de l’île.

    Intitulé « La mangrove côtière guyanaise, catalyseur d’un futur aménagement de l’île de Cayenne », ce travail aborde une problématique ambitieuse : intégrer un écosystème souvent perçu comme une contrainte dans une vision d’urbanisme durable.

    La mangrove guyanaise : une richesse écologique sous pression

    Avec ses 68 % de mangroves d’Outre-mer, la Guyane abrite l’une des plus grandes forêts de palétuviers françaises. Cet écosystème unique remplit des fonctions essentielles :

    • Protection côtière : Elle agit comme un rempart naturel contre l’érosion et les submersions marines, un enjeu crucial pour Cayenne. Les zones côtières de l’île, fortement urbanisées, bénéficient ainsi d’une défense naturelle face à l’élévation du niveau de la mer.

     

    • Réservoir de biodiversité : La mangrove abrite une faune et une flore exceptionnelles, notamment des crustacés, des poissons et des oiseaux rares. Ces habitats jouent un rôle clé dans la chaîne alimentaire locale et la reproduction de nombreuses espèces.

     

    • Services écosystémiques : Elle capte le carbone, aidant à limiter les effets du changement climatique, épure les eaux en filtrant les polluants, et contribue aux activités économiques, comme la pêche, qui dépend à 70 % de la mangrove.

     

    Cependant, cet écosystème est gravement menacé par l’anthropisation. À Kourou, par exemple, la destruction de la mangrove pour des projets balnéaires a entraîné une érosion accélérée et des inondations, soulignant la fragilité des équilibres naturels et les conséquences d’une mauvaise gestion.

     

    Leçons des territoires voisins : éviter les erreurs, valoriser les succès

    Plusieurs exemples permettent de tirer des enseignements précieux pour Cayenne :

    • Kourou : les conséquences de la négligence :

    L’aménagement de Kourou, sans prise en compte des spécificités écologiques de la mangrove, a provoqué une aggravation des risques naturels, notamment l’érosion côtière. L’absence d’espaces tampons a accentué la vulnérabilité des infrastructures et des populations.

     

    • Martinique et Guadeloupe : des stratégies réussies :

    En Martinique et en Guadeloupe, des initiatives éco-touristiques ont permis de valoriser les mangroves tout en les protégeant. Des parcours pédagogiques, des sanctuaires écologiques et des activités encadrées sensibilisent les habitants et les touristes aux rôles cruciaux de ces forêts.

     

    • Leçons pour Cayenne :

    Ces cas illustrent que la préservation et la valorisation des mangroves peuvent devenir des atouts pour les villes littorales. L’intégration des écosystèmes dans les plans d’urbanisme est essentielle pour allier développement et résilience.

     

    Le projet de requalification de l’Anse Chaton : un exemple concret

    Sarah Chan propose un projet visionnaire pour l’Anse Chaton, un site stratégique à proximité du centre historique de Cayenne. Ce projet repose sur trois grandes phases :

    • Phase 1 – 2025 : Rendre la mangrove accessible.

    Des pontons en bois, des sentiers écologiques et des espaces publics permettraient aux habitants de renouer avec cet écosystème. Ces infrastructures légères viseraient à minimiser l’impact environnemental tout en favorisant la contemplation et les loisirs.

     

    • Phase 2 – 2035 : Intégrer la mer dans le paysage urbain.

    Les axes routiers seraient végétalisés pour réduire l’empreinte carbone, et des cheminements piétons connecteraient les espaces résidentiels, commerciaux et naturels. Ces aménagements viseraient aussi à renforcer l’attractivité touristique de Cayenne.

     

    • Phase 3 – 2050 : Assurer une cohabitation durable.

    Cette phase finale introduirait des zones tampons naturelles, comme des parcs sanctuarisés, et des bâtiments modulables adaptés aux évolutions de l’écosystème. L’objectif est de créer une symbiose entre ville et mangrove.

     

    L’innovation clé du projet réside dans sa flexibilité : il prend en compte la temporalité de la mangrove, alternant entre mer et végétation tous les 15 ans. Cette adaptabilité, combinée à des efforts de sensibilisation, en fait un modèle exemplaire.

     

    Recommandations pour un urbanisme résilient et durable

    Pour aller plus loin, voici quelques stratégies à adopter pour intégrer la mangrove dans un urbanisme respectueux et efficace :

    • Urbanisme durable :
      • Délimiter clairement les zones à urbaniser et celles à sanctuariser.
      • Aménager des espaces tampons naturels, comme des parcs, pour protéger les lisières urbaines.
      • Intégrer la mangrove dans les documents d’urbanisme pour garantir sa prise en compte dès la planification.

     

    • Architecture résiliente :
      • Concevoir des bâtiments modulables capables de s’adapter aux évolutions de la mangrove et aux aléas climatiques.
      • Intégrer des structures légères, comme des pontons et des observatoires, pour limiter l’impact sur les écosystèmes tout en les valorisant.

     

    • Sensibilisation communautaire :
      • Créer des centres d’éducation et de recherche sur la mangrove pour promouvoir une meilleure compréhension des enjeux écologiques.
      • Mobiliser les habitants autour de projets participatifs, comme des ateliers pédagogiques, pour renforcer le lien avec cet écosystème.

    La mangrove, longtemps perçue comme une contrainte, est en réalité une ressource précieuse pour l’urbanisme durable. Le projet de requalification de l’Anse Chaton, présenté par Sarah Chan, montre qu’il est possible de réconcilier ville et nature en Guyane.

    En s’inspirant des enseignements locaux et internationaux, Cayenne pourrait devenir un modèle de cohabitation harmonieuse entre écosystèmes et urbanisation. Ce chemin exige une collaboration entre habitants, scientifiques, et décideurs, mais il offre l’espoir d’un avenir où nature et ville prospèrent ensemble.

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