La situation économique de Mayotte atteint un point critique. Alors que les contours du projet de loi Mayotte se précisent, des chefs d’entreprise locaux ont adressé une lettre ouverte aux autorités. Leur demande : un plan d’action ambitieux pour relancer une économie sinistrée. Cette initiative, portée par des figures comme Marcel Rinaldy, président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), et Christophe Lemoosy, restaurateur, appelle à un « Wuambushu économique », une réforme de grande envergure pour sauver l’île.
Par Claude Gelbras, expert
Une économie en souffrance
L’économie de Mayotte est marquée par des crises successives qui ont fragilisé tant les entreprises que les ménages. Patrick Croissandeau, directeur de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM), souligne l’impact de ces chocs : « Ces crises ont progressivement dégradé la confiance des chefs d’entreprise et le moral des ménages. » Entre insécurité, sécheresse, crises hydriques et blocages sociaux, les entreprises doivent souvent fermer leurs portes avant la nuit, freinant toute activité normale.
Face à ces défis, les mesures gouvernementales existantes sont jugées insuffisantes. Les entrepreneurs dénoncent des « mesurettes » coûteuses pour la collectivité mais sans réel impact.
Les demandes des forces économiques
La lettre ouverte des chefs d’entreprise formule des propositions concrètes pour revitaliser l’économie de Mayotte. Ces mesures, issues d’une concertation avec les acteurs économiques locaux, reposent sur trois axes majeurs :
1. Création d’une zone franche globale : Ce dispositif offrirait une exonération totale des impôts, taxes et cotisations sociales patronales pendant au moins cinq ans. L’objectif est d’éliminer les distorsions de concurrence avec l’économie informelle, tout en favorisant l’assainissement du tissu économique et la protection des travailleurs. Cette mesure permettrait également de supporter les coûts liés à l’alignement du SMIC local sur le SMIC national et à l’application des conventions collectives. Avant 1996, la Corse était confrontée à une crise politique majeure et à des attentats meurtriers ( le Préfet ERIGNAC est assassiné en 1998…) qui avaient entraîné la quasi-disparition de l’économie locale. Classée en ZFG par une loi d’urgence – sous le gouvernement d’A. Juppé – l’économie s’est redressée rapidement et les capitaux qui avaient fui l’Ile se sont réinvestis dans les entreprises. Le taux de chômage a baissé rapidement passant de 14% à 6% , soit le meilleur chiffre de toutes régions françaises ! Avec une croissance de 2,5% / an, grâce à la ZFG, la Corse a mis fin à une crise destructrice, attirant les investisseurs étrangers . La confiance est revenue, encourageant les pouvoirs publics à créer un PEI (Plan exceptionnel d’Investissements) de 2 milliards d’€ destiné aux infrastructures : marinas, routes, énergie , haut débit…
En final, la ZFG associée au PEI a créé une synergie gagnante-gagnante après des années de plomb.
Le parallèle avec les mesures prises par le gouvernement Bayrou s’impose comme le bon choix pour sauver Mayotte.
2. Renforcement du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) : La hausse du taux du CICE à 14 % constituerait un levier pour alléger le coût du travail et encourager l’embauche. Ce dispositif renforcerait l’attractivité du territoire tout en favorisant une relance économique axée sur la demande.
3. Un cadre fiscal et social incitatif : Une combinaison de zones franches fiscales et sociales est perçue comme essentielle pour attirer les investissements et stimuler la croissance locale.
Une relance indispensable
Les chefs d’entreprise appellent à une mise en œuvre rapide de ces réformes. Ils estiment que seule une action d’envergure peut redonner à Mayotte un élan économique durable. En conjuguant zone franche globale et CICE renforcé, le gouvernement pourrait créer les conditions nécessaires pour réduire le chômage, lutter contre l’informalité et restaurer la confiance des acteurs économiques.
Alors que l’État envisage des mesures fortes dans d’autres domaines, comme la suppression du droit du sol, il serait incompréhensible que le secteur privé ne bénéficie pas d’un soutien aussi décisif. Pour ces entrepreneurs, il est temps de mettre fin aux solutions partielles et d’adopter une stratégie ambitieuse pour faire de Mayotte un territoire économiquement viable et compétitif.
Confiants dans les intentions affichées par le gouvernement, les signataires de la lettre espèrent des actions immédiates. Une véritable transformation économique est en jeu, pour que Mayotte puisse se relever et bâtir un avenir prospère pour ses habitants.