Les émeutes de mai 2024 ont marqué un tournant pour les communes de Nouvelle-Calédonie, amplifiant une crise économique et sociale latente.
Selon l’OBSERVATOIRE des communes de NOUVELLE CALÉDONIE 2024, publié par l’Agence Française de Développement (AFD), ces événements ont entraîné des dégâts matériels considérables, une chute des recettes fiscales de 33 % entre mai et octobre, et une contraction historique du PIB de l’ordre de 15 %.
Cette situation a plongé les communes dans des tensions budgétaires extrêmes, réduisant leur capacité à fournir des services publics essentiels et à soutenir le tissu économique local. Face à ces défis, les acteurs locaux ont déployé des stratégies innovantes pour résister et s’adapter à cette crise sans précédent.
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L’impact des émeutes sur les communes
Les conséquences des émeutes de mai 2024 ont été dévastatrices pour les infrastructures et les finances locales. À Nouméa, les dégâts sur les équipements publics sont estimés à 6 milliards de francs CFP, tandis qu’à Dumbéa, ils atteignent 2 milliards de francs CFP, soit l’équivalent de trois années de budget d’investissement pour la commune. Des bâtiments scolaires, des cantines et des équipements municipaux ont été incendiés ou détruits, mettant à rude épreuve la capacité des communes à maintenir leurs services essentiels.
Les pertes ne se limitent pas aux infrastructures. La chute des recettes fiscales, accentuée par la réduction de 32 % des dotations du Fonds d’Intervention Publique (FIP), a entraîné une érosion des moyens financiers.
Cette dépendance au FIP, qui constitue jusqu’à 50 % des revenus pour certaines communes, a contraint les autorités locales à réduire drastiquement leurs interventions. Parmi les conséquences les plus notables :
- La fermeture temporaire de cantines scolaires.
- La suspension de certains services de transport scolaire.
- Une diminution significative des subventions aux associations locales, affectant des initiatives critiques pour la cohésion sociale.
En outre, les perturbations économiques causées par les émeutes ont aggravé le taux de chômage et entraîné la perte de plus de 120 entreprises, amplifiant la fragilité économique du territoire.
La réponse des communes : Adaptation et résilience
Face à ces bouleversements, les communes de Nouvelle-Calédonie ont adopté une posture proactive pour maintenir un niveau minimal de services publics et gérer leurs finances avec rigueur.
Priorisation des dépenses
Dès l’annonce de la baisse des dotations FIP, les mairies ont recentré leurs dépenses sur les priorités absolues. Le paiement des salaires des agents municipaux a été considéré comme essentiel pour éviter l’effondrement des services publics. Cette mesure, bien que nécessaire, a entraîné des reports massifs d’investissements.
Les infrastructures critiques ont toutefois été privilégiées. Par exemple :
- À Dumbéa, les efforts ont été concentrés sur la reconstruction des écoles et cantines, des infrastructures vitales pour la population.
- Certaines communes rurales ont orienté leurs budgets vers l’assainissement et l’approvisionnement en eau potable, essentiels pour prévenir les crises sanitaires.
Réorganisation interne et initiatives locales
Les équipes municipales ont également fait preuve d’une grande flexibilité pour répondre aux besoins de leurs administrés. Plusieurs initiatives locales ont vu le jour :
- À Bourail, la mairie a organisé des activités gratuites pour les enfants déscolarisés, transformant la bibliothèque en un centre d’animation quotidien. Cette initiative a permis de maintenir le lien social tout en offrant un soutien psychologique aux familles touchées par la crise.
- Au Mont-Dore, des navettes maritimes ont été mises en place pour pallier les problèmes logistiques causés par la destruction des routes principales.
En parallèle, plusieurs communes ont internalisé certains services, comme l’entretien des espaces verts, pour réduire les coûts et pallier les ruptures de contrat avec des prestataires extérieurs.
Mobilisation des financements
Pour faire face aux tensions de trésorerie, près d’un tiers des communes ont eu recours à des outils financiers tels que les crédits relais et les lignes de trésorerie. Ces instruments ont permis d’assurer la continuité des services publics malgré une diminution drastique des recettes fiscales.
L’AFD a joué un rôle central en proposant :
- Des préfinancements pour compenser les retards de versements des subventions.
- Des reports d’échéances de dette sans frais, apportant une bouffée d’air aux budgets locaux.
Ces interventions ont été déterminantes pour préserver la viabilité financière des communes.
Le rôle des partenaires locaux et internationaux
Soutien de l’AFD
En 2024, l’AFD a augmenté ses financements à 14,3 milliards de francs CFP, contre 9,7 milliards en 2023, pour accompagner les communes dans leurs efforts de résilience. Ce soutien financier s’est accompagné de conseils stratégiques, comme l’élaboration de plans de trésorerie prévisionnels pour anticiper les besoins à court et moyen terme.
Collaboration avec l’État
L’État a joué un rôle central dans la reconstruction des infrastructures :
- Les bâtiments scolaires ont bénéficié d’un financement à 100 %.
- Pour d’autres équipements publics, des subventions modulées ont été attribuées en fonction des prioritsés locales et des moyens disponibles.
Défis persistants et enseignements
Malgré les efforts consentis, les communes calédoniennes restent confrontées à des défis structurels. L’érosion de leurs capacités d’épargne et les tensions sur les fonds de roulement limitent leur capacité à financer des projets d’investissement à long terme.
Cette crise souligne l’importance de renforcer la résilience financière des collectivités locales et d’investir dans des solutions durables, comme la mutualisation des ressources entre communes.
En revanche, les actions entreprises en 2024 montrent que les acteurs locaux peuvent faire preuve d’une grande capacité d’adaptation. Le maintien de services essentiels, malgré des ressources limitées, illustre leur détermination à préserver la cohésion sociale.
Consulter l’OBSERVATOIRE des communes de NOUVELLE CALÉDONIE 2024 par l’AFD ici.
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Les émeutes de 2024 ont mis les communes de Nouvelle-Calédonie face à des défis sans précédent. Pourtant, leur réaction a été exemplaire, combinant rigueur budgétaire, initiatives locales et partenariats stratégiques.
Si des incertitudes subsistent pour 2025, ces événements rappellent que la solidarité institutionnelle et l’innovation sont essentielles pour surmonter les crises et préparer un avenir plus stable.