Conjoncture de la filière construction début 2025 : une reprise en apparence, des fragilités bien réelles

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Conjoncture BTP

Le secteur de la construction amorce 2025 avec quelques signaux positifs : des chantiers qui repartent, des carnets de commandes encore actifs, et une légère reprise dans la rénovation. Pourtant, cette embellie cache une réalité plus fragile : les autorisations chutent, le financement se resserre, et l’emploi se contracte.

D’après la note de conjoncture nationale & interrégionale de la filière construction du réseau des CERC publiée en mars 2025, le BTP reste sur une ligne de crête, oscillant entre espoirs de redémarrage et risques de repli.

Logement neuf : une reprise à surveiller de près

Avec près de 98 500 logements mis en chantier à fin janvier 2025, le secteur résidentiel affiche une progression marquée : +18,7 % sur trois mois. Ce rebond rompt avec les tendances baissières observées en 2023, où les lancements de chantier avaient atteint des niveaux historiquement bas. Mais attention : cette dynamique reste portée par des projets déjà autorisés plusieurs mois auparavant.

Or, c’est justement du côté des permis de construire que la situation inquiète. Leur recul de -11,4 % sur trois mois indique une fuite en avant : les projets sortent de terre, mais rien ou presque ne vient alimenter la suite du pipeline. Une dynamique à court terme, sans assurance pour le moyen terme.

Autre coup de frein : les crédits à l’habitat, qui plongent de 28,9 % sur un an. Dans un contexte de taux d’intérêt élevés, les banques ferment le robinet, et les ménages reportent ou annulent leurs projets d’achat. En parallèle, les mises en vente de logements stagnent, et les réservations de logements en bloc chutent de 20,9 %, ce qui affecte directement les perspectives des promoteurs.

Autrement dit, les grues s’activent aujourd’hui… mais pourraient bien s’arrêter demain, faute de projets et de financement.

Non-résidentiel : quand la construction tourne au ralenti

Les bâtiments non résidentiels, eux, restent à quai. La surface des locaux autorisés atteint 9,7 millions de m², en baisse de 7,5 % sur un an. Pire encore : les surfaces réellement mises en chantier reculent de 3,5 % sur trois mois. Les investissements publics comme privés marquent une pause, illustrant un climat d’incertitude généralisé.

Dans certaines zones, notamment les zones d’activité en périphérie urbaine, les projets de bureaux ou de bâtiments logistiques sont mis en attente, voire suspendus. La montée du télétravail, les ajustements des entreprises post-Covid et les incertitudes économiques y jouent un rôle majeur. Résultat : un segment qui reste largement en retrait, sans signe de rebond à court terme.

Rénovation : l’activité résiste, mais ne décolle pas

L’entretien-rénovation continue de faire figure de poids stable dans la filière. L’activité se maintient à un niveau quasi identique au trimestre précédent : -0,2 % au T4 2024, avec une progression annuelle de +0,7 %. Ce léger mieux peut sembler marginal, mais dans un paysage morose, il témoigne d’un socle d’activité constant.

Cependant, cette stabilité cache une certaine forme d’essoufflement. Les carnets de commandes se sont contractés de 1,3 semaine par rapport à la fin 2023, signe que les artisans et entreprises du secteur commencent à sentir le ralentissement arriver. Le décollage attendu, notamment dans le cadre de la transition énergétique et de la rénovation des passoires thermiques, ne s’est pas encore matérialisé.

Les freins sont connus : financements incertains, complexité des dispositifs, difficulté à mobiliser les particuliers. La filière attend encore un véritable déclencheur.

Travaux publics : des chantiers qui avancent, mais des carnets qui se vident

Les travaux publics tirent leur épingle du jeu… pour l’instant. À fin janvier 2025, l’activité progresse de 2,6 % sur trois mois, portée par les chantiers en cours et les engagements pris fin 2023. Les heures travaillées (hors intérim) suivent la même tendance, avec une hausse de 2,8 %.

Mais cette dynamique masque une réalité plus préoccupante : les prises de commandes s’effondrent de 41 % sur trois mois. Une baisse brutale, certes amplifiée par un effet de comparaison avec une fin 2023 exceptionnelle en termes d’appels d’offres. Reste que les entreprises de TP s’inquiètent : si les projets ne repartent pas vite, le trou d’air sera inévitable.

Les élus locaux, souvent moteurs dans la commande publique, sont également plus frileux à l’approche des élections municipales de 2026. Moins de signatures aujourd’hui, c’est moins de chantiers demain.

Matériaux : la demande marque le pas

Sur le front des matériaux, le constat est sans appel. La production de béton prêt à l’emploi (BPE) chute de 8,1 % sur trois mois, et de 10,2 % sur un an. Même tendance pour les granulats, avec une légère stabilisation récente (-0,1 % sur trois mois), mais un recul de 4,1 % à l’échelle annuelle.

Ces chiffres confirment que, malgré quelques reprises sectorielles, la demande globale reste en retrait. Dans certaines régions, les centrales à béton tournent au ralenti. Les fournisseurs de matériaux ressentent pleinement la baisse d’activité dans la construction neuve, en particulier sur le segment du logement collectif.

Emploi et entreprises : les signaux d’alerte se multiplient

L’emploi dans le BTP commence à plier. L’intérim chute de 6,8 % au quatrième trimestre 2024. Dans ce secteur, souvent premier indicateur avancé d’un retournement, les entreprises réduisent leurs effectifs temporaires dès qu’elles anticipent un creux d’activité. Et c’est précisément ce qui semble se passer.

Du côté du salariat, la baisse est plus modérée : -0,6 % sur un an, mais elle traduit un gel des embauches. Surtout, les défaillances d’entreprises explosent : +25,2 % en 2024. Un chiffre inquiétant, qui illustre le choc subi par de nombreuses TPE et PME, notamment dans le gros œuvre et la promotion immobilière.

Enfin, la création d’entreprises est en repli : -7,8 % pour les micro-entreprises, -11,2 % pour les sociétés classiques. Moins d’entrepreneurs, plus de faillites, un intérim en berne : c’est tout l’écosystème du bâtiment qui se tend.


Conjoncture BTP

L’ESSENTIEL de la CONJONCTURE NATIONALE & INTERRÉGIONALE de la FILIÈRE CONSTRUCTION – n°128 du 11 mars 2025


Un équilibre incertain pour les mois à venir

Au regard des chiffres, l’année 2025 débute sur une note ambiguë. D’un côté, les chantiers reprennent, certains segments se stabilisent, et les carnets sont encore fournis. De l’autre, les indicateurs avancés virent au rouge : recul des autorisations, raréfaction du crédit, atonie des commandes publiques, contraction de l’emploi.

Le secteur avance, mais à découvert. La moindre turbulence pourrait faire basculer une reprise encore fragile. Faute de mesures de relance ciblées, de financements mieux fléchés et d’un soutien clair à la rénovation, la conjoncture pourrait se refermer sur elle-même d’ici l’été.

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