BTP : Jean-Yves Bonnaire à propos des négociations salariales des ouvriers

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    Les ouvriers du BTP de Martinique ont protesté ce 1er août contre la stagnation des négociations salariales, notamment en ce qui concerne la prime de panier. Ils accusent les syndicats d’employeurs de chantage en conditionnant la poursuite des négociations à un gel de cette prime. Les discussions sont interrompues et les syndicats ont bloqué une réunion importante avec la CTM. Jean-Yves Bonnaire, président de “Contact-Entreprises” nous apporte des précisions sur la situation.

    Pouvez-vous nous expliquer le contexte actuel des négociations salariales dans le secteur du BTP en Martinique ?

    Le contexte actuel des négociations salariales dans le secteur du BTP en Martinique est crucial car toutes les décisions qui seront prises s’appliqueront à l’ensemble des entreprises de la branche, indépendamment de leur taille ou de leur activité spécifique, dès lors qu’elles relèvent du secteur du bâtiment et des travaux publics. Il est important de noter que ces dispositions des conventions collectives et les accords salariaux s’appliqueront également aux entreprises non domiciliées qui viennent travailler sur le territoire martiniquais. Les syndicats de salariés ont déposé une plateforme revendicative début mars 2024, axée sur trois points. Le premier point, concernant la participation des cotisations des salariés à la gouvernance de la caisse de retraite, a été renvoyé vers le ministère du Travail et a été réglé.

    Les deux autres demandes des syndicats portaient sur une revalorisation des grilles salariales de 5%. Depuis le début des négociations, les employeurs ont souhaité aborder la rémunération des salariés de manière plus globale, incluant la prime de panier, qui compense les frais de repas des salariés dans certaines conditions de déplacement.Ce point est actuellement un sujet de désaccord, car les employeurs veulent que l’évolution de la prime de panier soit aussi prise en compte dans la rémunération générale, pour s’assurer que les augmentations salariales soient justes pour les salariés tout en évitant de mettre en péril les entreprises du secteur, déjà en difficulté.

    Qu’est-ce que la prime de panier ?

    Il s’agit d’une indemnité versée aux salariés pour compenser les frais de repas lorsqu’ils sont en déplacement professionnel ou lorsqu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux pour déjeuner. Elle existe dans de nombreux secteurs et est régie par des conventions collectives spécifiques. Dans le secteur du BTP, cette prime est prévue pour couvrir les frais de repas des ouvriers qui travaillent loin de leur domicile ou de leur lieu de travail habituel. Le montant de la prime est généralement fixé sous forme de forfait journalier, déterminé par la convention collective applicable. Cette prime vise à aider les salariés à couvrir les coûts supplémentaires liés aux repas pendant leur journée de travail.

    Comment les ouvriers du BTP perçoivent-ils l’évolution de leurs conditions de travail et de leurs salaires dans ce contexte d’inflation ?

    Actuellement, ils ressentent une pression croissante sur leurs conditions de travail et leurs salaires. L’inflation affecte le pouvoir d’achat des salariés, rendant les augmentations salariales encore plus cruciales pour compenser la hausse des coûts de la vie. Cependant, les employeurs doivent également jongler avec une double contrainte. D’une part, ils doivent s’assurer que les augmentations de salaire ne mettent pas en péril les entreprises, notamment les plus petites et les plus fragiles, qui sont particulièrement vulnérables. D’autre part, les employeurs sont responsables de veiller à ce que les augmentations soient réalistes et applicables à l’ensemble des entreprises de la branche, quelle que soit leur taille ou leur secteur d’activité.

    Les négociations doivent donc prendre en compte non seulement les revendications des ouvriers, mais aussi la capacité des entreprises à absorber ces coûts supplémentaires. Les employeurs sont par ailleurs en discussion avec les maîtres d’ouvrage et la Collectivité Territoriale de Martinique pour aborder des problématiques comme les irrégularités dans les paiements et les retards de garanties financières. En résumé, les ouvriers du BTP voient les négociations salariales comme une nécessité pour améliorer leurs conditions de travail face à l’inflation, tandis que les employeurs doivent équilibrer ces demandes avec la réalité économique des entreprises du secteur.

    Comment décririez-vous l’évolution des réunions de négociations avec les employeurs ? Est-ce que vous considérez cette évolution comme positive ou négative ?

    L’évolution des réunions de négociation avec les employeurs est actuellement marquée par un point de blocage important. Les employeurs ont posé un préalable en demandant de limiter l’augmentation de la prime de panier pour éviter que cette prime, qui est calculée sur une base indexée, n’augmente de manière disproportionnée en raison des hausses futures. Leur objectif est de contrôler l’impact financier que cette augmentation pourrait avoir sur les entreprises.

    Cependant, ce préalable n’est pas accepté par les syndicats de salariés. Ceux-ci souhaitent que la prime de panier puisse évoluer librement, en plus des revendications salariales, sans restrictions imposées par les employeurs. Les syndicats estiment que cette flexibilité est nécessaire pour que les augmentations soient réellement significatives et adaptées aux besoins des salariés. Il y a un désaccord fondamental entre les deux parties. Les employeurs veulent encadrer l’augmentation de la prime de panier, tandis que les syndicats souhaitent une totale liberté d’évolution. Ce désaccord constitue un obstacle majeur aux avancées dans les négociations.

    Quel rôle joue la Collectivité Territoriale de Martinique dans ces négociations salariales ?

    La Collectivité Territoriale de Martinique ne joue pas un rôle direct dans les négociations salariales entre les syndicats de salariés et les employeurs. Les réunions programmées avec la CTM ont principalement pour objectif de donner aux entreprises une meilleure visibilité sur le fonctionnement de la commande publique et de clarifier certains aspects administratifs liés aux marchés publics. Cependant, la CTM joue un rôle indirect en influençant les conditions de travail des entreprises par ses pratiques et ses décisions. L’idée est de généraliser les bonnes pratiques à l’ensemble des maîtres d’ouvrage public, ce qui pourrait améliorer la situation financière des entreprises du BTP et leur permettre de mieux répondre aux exigences salariales.

    Il est à noter que la partie salariée semble retarder ces réunions avec la CTM, alors que ces rencontres pourraient aider à renforcer la position financière des entreprises pour lesquelles ils travaillent. Cette situation est quelque peu paradoxale, car la réussite des négociations salariales pourrait bénéficier d’une meilleure solidité financière des entreprises, ce que la CTM pourrait aider à faciliter. Bien que la CTM ne soit pas directement impliquée dans les négociations salariales, ses actions et ses décisions peuvent avoir un impact indirect sur les conditions de travail et la position financière des entreprises du secteur.

    Vous avez parlé des actions menées concernant les revendications salariales. Envisagez-vous d’autres actions pour l’avenir ?

    Pour l’instant, nous continuons à remplir notre rôle historique de secrétariat de la commission paritaire et nous restons entièrement disponibles pour soutenir l’ensemble des partenaires sociaux, qu’ils soient employeurs ou salariés. Notre mission est de faciliter les discussions et de contribuer à la recherche d’une solution rapide aux problèmes en cours.

    Nous encourageons tous les partenaires sociaux à poursuivre les négociations et à travailler ensemble pour surmonter les blocages actuels. Les positions des différents acteurs peuvent évoluer, et les obstacles rencontrés sont conçus pour être levés avec le temps. Notre disponibilité et notre engagement restent donc pleins et entiers pour accompagner cette démarche. Nous sommes prêts à continuer à jouer notre rôle de médiateur et à soutenir les discussions pour parvenir à un accord satisfaisant pour toutes les parties.

    Propos recueillis par Thibaut Charles


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