Bilan des 15 ans de consommation d’espaces : une trajectoire insuffisante vers le ZAN

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Depuis 2009, la France s’est engagée dans une trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols, dans le cadre d’objectifs nationaux ambitieux comme le Plan National Biodiversité de 2018 et la loi « Climat et Résilience » de 2021.

Pourtant, malgré des progrès notables, les défis pour atteindre le zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050 restent considérables. L’ « Analyse de la consommation d’espaces Période du 1er janvier 2009 au 1er janvier 2023 » du Cerema, couvrant la période 2009-2023, met en lumière les tendances, les blocages et les solutions possibles pour ajuster cette trajectoire.

Une baisse marquée mais insuffisante

Entre 2009 et 2015, la France a connu une réduction notable de la consommation annuelle d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). Le rythme est passé de 32 000 hectares à 22 000 hectares, marquant une baisse de 31 %.

Cette évolution a été largement attribuée à un ralentissement de la construction au niveau national, qui a diminué de près de 20 % sur cette période.

Cependant, cette dynamique s’est essoufflée dès 2016, laissant place à une stagnation. Depuis 2019, la consommation annuelle oscille entre 20 000 et 21 000 hectares, une réduction qui, bien que significative, reste insuffisante pour atteindre les objectifs fixés par la loi « Climat et Résilience ».

 

En 2022, 20 276 hectares ont encore été artificialisés. Ce chiffre, bien qu’en baisse par rapport à la décennie précédente, illustre le chemin restant pour respecter l’objectif intermédiaire de réduire de moitié la consommation d’espaces entre 2021 et 2031 par rapport à la période 2011-2021.

Si cette trajectoire n’est pas accélérée, la France risque de manquer cet objectif crucial, compromettant la perspective d’atteindre le zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici 2050.

Au-delà des chiffres globaux, cette stagnation révèle des faiblesses structurelles dans les pratiques d’aménagement.

Les efforts pour densifier les zones urbanisées ou pour renforcer le renouvellement urbain peinent à compenser l’expansion des zones périurbaines. En conséquence, chaque année, une surface équivalente à un département comme le Val-de-Marne continue d’être urbanisée, illustrant les limites des politiques actuelles face à la pression foncière.

Consommation espaces
Carte de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers entre 2009
et 2022 à l’échelle communale

Habitat : le principal moteur de l’artificialisation

Le rapport révèle que l’habitat est à l’origine de 66 % de la consommation totale des espaces artificialisés entre 2009 et 2023.

Ce pourcentage, relativement stable sur la période, souligne l’impact prépondérant de la construction résidentielle dans l’étalement urbain.

En comparaison, 24 % des surfaces sont dédiées aux activités économiques et seulement 5 % aux infrastructures routières. Les projets liés à l’habitat, souvent moins denses, restent ainsi le principal moteur de la consommation foncière.

Cette situation s’explique en partie par les pratiques d’urbanisme, notamment dans les zones rurales et périurbaines, où les constructions individuelles et les lotissements peu denses dominent. Ces aménagements, privilégiant des terrains de grande taille, contribuent à une utilisation inefficace des sols.

 

Par exemple, une large part des projets résidentiels se situe en couronne urbaine ou dans des zones en faible croissance démographique, accentuant le gaspillage des terres.

Par ailleurs, si l’efficacité de l’utilisation des sols pour l’habitat a progressé de 28 % entre 2009 et 2023, cette amélioration reste modeste par rapport à celle observée pour les activités économiques (+49 %).

Cela reflète un retard dans l’adoption de pratiques favorisant la densité résidentielle. Par comparaison, l’habitat collectif dense et les projets de rénovation urbaine, plus présents dans les grandes métropoles, demeurent sous-représentés dans les zones périurbaines et rurales.

En outre, les résistances locales aux projets de densification, souvent perçus comme menaçant la qualité de vie, ralentissent les progrès.

Ce contexte pose la question d’une planification plus cohérente entre les objectifs nationaux de réduction de l’artificialisation et les besoins locaux, notamment en matière de logement.

 

Disparités territoriales : des enjeux locaux marqués

L’artificialisation des sols est loin d’être homogène. Deux forces principales la structurent : la métropolisation et l’attraction littorale.

À elles seules, 5 % des communes concentrent 37 % de la consommation totale d’espaces, tandis que les zones rurales, bien que moins peuplées, contribuent de manière disproportionnée (65,5 % de l’ENAF consommée).

Les régions littorales et périurbaines, notamment en bordure des grandes métropoles comme Lyon ou Marseille, continuent de consommer davantage, tandis que des territoires ruraux en déclin démographique consomment des espaces sans accueillir de nouveaux habitants, illustrant un gaspillage foncier.

Les freins à une transition rapide

Plusieurs obstacles freinent la réduction de la consommation des sols. La corrélation persistante entre construction et artificialisation limite les marges de manœuvre. Bien que des signes de décorrélation commencent à apparaître, ils ne suffisent pas encore à inverser durablement la tendance.

Le renouvellement urbain et la densification, identifiés comme leviers prioritaires, peinent à être pleinement adoptés. La densité moyenne des opérations reste faible dans de nombreuses zones rurales et périurbaines, souvent en raison de résistances locales face à des projets d’urbanisme jugés trop denses.

Des solutions pour ajuster la trajectoire

Pour atteindre les objectifs fixés, plusieurs pistes se dégagent :

  • Renforcer le renouvellement urbain : privilégier la réhabilitation des espaces déjà urbanisés pour limiter l’étalement.
  • Promouvoir des constructions plus denses : maximiser le nombre d’habitations ou d’infrastructures par hectare consommé.
  • Mobiliser les acteurs locaux : adapter les politiques aux spécificités territoriales pour répondre aux besoins tout en préservant les sols.

Ces stratégies nécessitent une mobilisation accrue et des investissements significatifs pour transformer les pratiques d’aménagement du territoire.

 

Si la France a fait des progrès notables dans la réduction de l’artificialisation des sols, les objectifs du zéro artificialisation nette restent encore hors de portée sans un changement de paradigme.

Le rapport du Cerema « Analyse de la consommation d’espaces – Période du 1er janvier 2009 au 1er janvier 2023 » met en lumière les défis structurels et offre des pistes pour ajuster la trajectoire, mais le temps presse pour garantir la préservation des sols à long terme.

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