Le secteur du bâtiment entame l’année 2025 sur une dynamique contrastée. Les dernières données, arrêtées à mars 2025, révèlent une hausse des mises en chantier, soutenue par les initiatives d’Action Logement et de CDC Habitat. Cependant, l’emploi et la situation financière des entreprises continuent de se dégrader, soulevant des incertitudes sur la solidité de la reprise.
Ce bilan s’appuie principalement sur les tendances observées jusqu’à mars 2025, avec un retour sur la fin de l’année 2024 pour mieux comprendre l’évolution du marché.
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Une reprise soutenue par le collectif
La construction neuve bénéficie d’un net regain d’activité. Entre novembre 2024 et janvier 2025, les mises en chantier de logements progressent de 18,7 % en glissement annuel. Cette dynamique est principalement tirée par le segment collectif, qui enregistre une croissance de 28,5 %, illustrant l’impact direct des dispositifs de soutien institutionnels.
En revanche, le logement individuel ne suit pas la même trajectoire, avec une hausse modeste de 1,3 %. Cette divergence entre collectif et individuel met en lumière la portée limitée de la reprise sur l’ensemble du marché.
L’analyse des dynamiques régionales montre que la reprise du collectif est particulièrement marquée dans les zones tendues où la demande de logements sociaux et intermédiaires reste forte. À l’inverse, l’individuel est freiné par des coûts de construction élevés et une baisse du pouvoir d’achat des ménages, qui limite l’accès au crédit immobilier malgré la baisse progressive des taux d’intérêt.
Des permis en berne, un risque pour l’avenir
Paradoxalement, les autorisations de construire restent orientées à la baisse, avec un recul de 6,2 % sur la même période. Ce décalage entre mises en chantier et nouveaux permis soulève une interrogation sur la soutenabilité de la reprise à moyen terme. Si cette tendance se prolonge, le secteur pourrait faire face à une contraction de l’activité dans les mois à venir, faute d’opérations suffisamment nombreuses dans le pipeline.
Certains professionnels pointent du doigt des procédures administratives trop longues et une frilosité des collectivités locales à délivrer de nouveaux permis, en raison de préoccupations environnementales et d’une révision des règles d’urbanisme. À terme, cette situation pourrait limiter l’offre de logements neufs et entraîner de nouvelles tensions sur le marché immobilier.
FFB – Tendances récentes du bâtiment – Mars 2025
Un bâtiment non résidentiel en attente
Le bâtiment non résidentiel présente une situation plus contrastée. La chute des surfaces commencées ralentit, affichant un recul de 3,5 % en glissement annuel à fin janvier 2025. Les surfaces autorisées, en revanche, progressent de 13,3 %, signe d’un certain regain d’intérêt pour ce segment.
Pourtant, certains secteurs restent en difficulté. Les bureaux, les locaux industriels et les bâtiments publics enregistrent des baisses respectives de 10,3 %, 10,3 % et 11,2 %. Cette tendance rappelle la situation post-Covid, où le secteur tertiaire avait connu une transformation profonde avec une réorganisation des usages.
La réorganisation du travail et le développement du télétravail freinent toujours la demande de bureaux, tandis que les collectivités locales, confrontées à des contraintes budgétaires accrues, réduisent leurs investissements en infrastructures publiques.
En parallèle, le secteur industriel est impacté par les difficultés d’approvisionnement en matériaux et l’évolution des besoins logistiques qui favorisent des solutions plus flexibles et moins gourmandes en foncier.
Rénovation et entretien : une dynamique qui s’essouffle
Le marché de l’amélioration-entretien marque un repli au quatrième trimestre 2024, avec une baisse de 0,2 % en volume. La rénovation énergétique n’échappe pas à cette tendance et affiche un recul de 0,3 %. Cette érosion, bien que modérée, interroge sur la dynamique de ce segment qui constituait jusqu’ici un levier stable pour l’activité du bâtiment.
Dans le logement, le chiffre d’affaires à prix constants recule de 0,6 %, tandis que le non résidentiel parvient encore à progresser, mais à un rythme nettement ralenti par rapport au trimestre précédent (+0,7 % contre +1,8 %).
Cette baisse s’explique en partie par la fin progressive de certains dispositifs d’aides publiques, qui avaient dopé le marché de la rénovation énergétique ces dernières années. Les professionnels du secteur s’inquiètent également de la hausse des coûts des matériaux et des difficultés d’approvisionnement, qui ralentissent la réalisation des chantiers et pèsent sur les marges des entreprises.
L’emploi sous pression
L’emploi demeure un point noir pour le secteur. La baisse de l’emploi salarié s’accentue, atteignant -1,8 % au quatrième trimestre 2024. L’intérim, qui constitue un indicateur avancé de l’activité, recule quant à lui de 8,6 % en équivalent temps plein.
Sur un an, le secteur perd 31 900 postes, dont 23 200 salariés, confirmant que la reprise du neuf ne suffit pas à compenser la contraction d’autres segments d’activité. Cette évolution pèse sur les capacités de production et pourrait freiner la réalisation des projets en cours.
Les difficultés de recrutement, combinées à une vague de départs en retraite dans certains corps de métier, aggravent cette situation. Le manque de main-d’œuvre qualifiée devient un frein majeur pour les entreprises, qui peinent à maintenir leur niveau d’activité malgré un carnet de commandes encore fourni pour certains segments.
Des entreprises sous tension
La situation financière des entreprises continue de se fragiliser. Le taux de marge opérationnelle diminue de 1,5 point sur un an pour s’établir à 19,5 %, un seuil qui entre dans une zone critique.
Dans le même temps, les défaillances d’entreprises progressent de 13,3 % et les créations de nouvelles structures reculent de 11,2 %. Cette double tendance, entre hausse des faillites et chute des nouvelles immatriculations, alerte sur un climat d’affaires plus tendu, où les difficultés de trésorerie s’amplifient.
L’augmentation des coûts des matériaux et des charges salariales réduit la rentabilité des entreprises, en particulier des PME, qui disposent de marges de manœuvre plus limitées. Certains acteurs dénoncent également une pression accrue des banques sur le financement du secteur, compliquant l’accès au crédit pour les entreprises les plus fragiles.
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Les tendances observées sur ce début d’année illustrent un équilibre fragile. Les prochains mois seront déterminants pour évaluer si cette reprise du neuf s’inscrit dans la durée ou si elle risque d’être rapidement freinée par un environnement toujours instable.