Sous tension, mais sous contrôle : comment la SHLMR gère la pression du logement social à LA REUNION

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À La Réunion, la tension sur le logement social atteint des niveaux historiques. Face à plus de 51 000 demandes actives et un marché sous pression, la SHLMR doit concilier urgence sociale, transparence et équité. Dans le troisième épisode de son podcast, l’organisme donne la parole à Jean-Claude Valliamée, directeur des Territoires et de la Proximité. Avec plus de vingt-cinq ans d’expérience, il explique comment se prennent, chaque semaine, des décisions déterminantes pour des milliers de familles. Entre cadre légal, exigences de justice sociale et charge humaine, cet échange lève le voile sur un processus souvent méconnu, mais essentiel à la cohésion du territoire.


À lire aussi : « Construire à La Réunion : entre urgence sociale et vision durable », l’épisode précédent du podcast SHLMR.


Une demande record pour une offre sous tension

À La Réunion, la demande de logements sociaux atteint un niveau inédit. Plus de 51 000 demandes étaient enregistrées au 30 juin 2025, en hausse de 8 à 10 % par an. Ce chiffre, en constante progression, traduit la profondeur d’une crise structurelle qui s’installe.

Un tiers des demandeurs sont déjà logés dans le parc social et souhaitent une mutation, tandis que 65 % des dossiers concernent des foyers d’une ou deux personnes, signe d’un besoin croissant en petits logements.

Pour mesurer la tension, un indicateur est souvent cité : chaque attribution réalisée correspond à 7 demandeurs en attente, et jusqu’à 16 dans l’Ouest de l’île, où la pression foncière est la plus forte. En 2024, tous bailleurs confondus, 6 500 logements ont été attribués, un volume bien en deçà des besoins.

Le délai moyen d’attente, estimé à 13 mois, peut ainsi s’allonger à plusieurs années selon la localisation et la typologie recherchée. Pour de nombreuses familles, cette attente prolongée bouleverse des projets de vie, retarde l’accès à l’emploi ou la scolarisation, et renforce la précarité sociale.

Un processus strictement encadré et collégial

Derrière chaque attribution se cache un cadre légal précis. Toute demande de logement social est enregistrée sur le Système national d’enregistrement (SNE), commun à l’ensemble des bailleurs. Une seule demande suffit pour être visible de tous, à condition d’être renouvelée chaque année. Lorsqu’un logement se libère, trois dossiers compatibles avec la taille du logement et les ressources sont présélectionnés.

Ces dossiers sont ensuite examinés par la Commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (CALEOL). Cette instance, seule souveraine, réunit les représentants de la SHLMR, de la préfecture, des collectivités locales et des associations de locataires.

Les décisions y sont débattues et votées à la majorité, sur la base de dossiers anonymes et d’éléments objectifs. « Même la direction générale ne peut pas attribuer un logement : seule la commission en a le pouvoir », rappelle Jean-Claude Valliamée.

Des critères de priorité strictement définis

L’attribution d’un logement social obéit à des règles fixées par le Code de la construction et de l’habitation. Certaines situations, comme le droit au logement opposable (DALO), les violences intrafamiliales ou la perte de logement, confèrent un caractère prioritaire aux demandeurs. À La Réunion, environ 1 500 dossiers sont actuellement labellisés DALO, avec un flux annuel de 400 à 700 nouvelles demandes. Ces priorités traduisent une réalité locale marquée par la précarité, le vieillissement et des situations familiales parfois très fragiles.

Pour objectiver les choix, la SHLMR a mis en place depuis cinq ans un système de cotation. Devenu obligatoire au niveau national, il permet de classer les demandes selon une grille de critères sociaux, économiques et géographiques. Ces notes ne remplacent pas la décision humaine, mais servent d’aide à la délibération. Dans tous les cas, la commission reste seule compétente pour trancher.

Transparence et contrôle : une exigence constante

La SHLMR affirme sa volonté de transparence dans chaque étape du processus. L’ensemble des procédures d’attribution est formalisé, et les grilles de cotation sont consultables publiquement. 4 niveaux de contrôle internes sont en place, du chargé d’attribution jusqu’au service audit, en passant par les responsables d’agence. Deux fois par an, un bilan détaillé est présenté au conseil d’administration.

Cette rigueur s’accompagne d’une conscience aiguë des réalités humaines. Les équipes de proximité sont régulièrement confrontées à des situations de grande détresse, où la demande dépasse les capacités de réponse.

« Expliquer à une famille qu’elle devra encore attendre reste la part la plus difficile de notre métier », confie Jean-Claude Valliamée, rappelant la charge émotionnelle qui pèse sur les agents.

Pour maintenir la confiance du public, la SHLMR multiplie également les actions de communication et de pédagogie : interventions radio, campagnes d’information et échanges directs avec les locataires permettent de rappeler le rôle de la commission et les règles d’attribution.

Adapter le système aux besoins de demain

Pour mieux répondre à la demande, la SHLMR multiplie les leviers d’action. Les contingents de réservation – droits accordés à l’État, aux collectivités et à Action Logement – sont désormais gérés “en flux” et non plus “en stock”, ce qui permet de fluidifier les attributions. Cette évolution, négociée avec 27 partenaires publics, garantit à chaque réservataire un quota annuel de logements sans immobiliser des biens précis.

Parallèlement, de nouvelles stratégies se déploient : augmentation du taux de mutations (objectif de 20 % d’ici 2026), développement de résidences pour jeunes actifs et étudiants, et adaptation du parc aux personnes âgées.

Dans les agences, des référents seniors sont formés pour accompagner ce public, tandis que des résidences intergénérationnelles et des programmes pour jeunes locataires voient le jour. Ces actions visent à anticiper les évolutions démographiques et sociales d’un territoire où 75 % des ménages restent éligibles au logement social.

Une mécanique humaine au service de l’équité

Derrière les chiffres et les procédures, l’attribution d’un logement social demeure une responsabilité profondément humaine. Chaque décision engage la vie d’une famille, souvent en attente depuis des années. Jean-Claude Valliamée le rappelle avec humilité : « Attribuer un logement, c’est choisir la vie d’une famille. »

À travers ce témoignage, la SHLMR montre que la rigueur institutionnelle n’exclut ni la transparence ni l’écoute. Dans un contexte de forte tension, elle continue de défendre un modèle fondé sur l’équité, la proximité et la conscience sociale – autant de valeurs qui demeurent au cœur de sa mission.


Écouter le podcast ici


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