Construire à LA REUNION : entre urgence sociale et vision durable, le podcast SHLMR

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En lançant sa série de podcasts mensuels, la SHLMR entend donner une voix nouvelle aux grands enjeux du logement social à La Réunion. Pour son deuxième épisode, publié le 22 août 2025, l’invitée n’est autre que Valérie Lenormand, directrice générale de l’organisme et présidente de l’ARMOS. Avec franchise, elle dresse un état des lieux lucide de la situation : livraisons insuffisantes, contraintes multiples, mais aussi perspectives d’innovation et responsabilité collective.

Une demande massive face à une production insuffisante

Le constat est sans appel : l’île traverse une crise du logement qui s’aggrave. En 2024, la SHLMR a livré 702 logements, dont environ 550 logements sociaux. Ce volume, jugé « une bonne année » par sa directrice, reste pourtant infime au regard des besoins. Plus de 58 000 demandeurs attendent un logement à La Réunion, soit l’équivalent d’une ville entière en situation de pénurie.

L’Insee estime par ailleurs qu’il faudra construire 115 000 logements supplémentaires d’ici 2040 pour absorber la croissance démographique et les besoins liés aux mutations familiales. Or, avec une cadence annuelle qui peine à dépasser les 700 livraisons, l’écart se creuse inexorablement. Chaque année, des milliers de familles s’enfoncent dans l’attente, accentuant la dimension sociale et politique de la crise.

Les réalités complexes de construire en milieu insulaire

Construire un logement social à La Réunion ne relève pas seulement de la volonté. Le processus est long, souvent semé d’embûches. « Quatre à cinq ans pour sortir une opération, dix ans quand les aléas s’accumulent », rappelle Valérie Lenormand. Le cas de l’opération Persan, au Bas de la Rivière, illustre cette lenteur : dix années nécessaires avant de voir sortir de terre les premiers logements.

Le foncier constitue l’un des principaux blocages. Rare, coûteux, et souvent situé loin des bassins d’emploi, il doit pourtant répondre à de multiples exigences : proximité des écoles, des services, raccordements aux réseaux. Sans aménagement préalable, un terrain reste inutilisable, même lorsqu’il est disponible. Résultat : les terrains adaptés se raréfient et se négocient à prix d’or.

À cela s’ajoutent les contraintes logistiques de l’insularité : importation des matériaux, coûts de transport et délais d’approvisionnement. Le prix moyen d’un logement social atteint désormais 300 000 euros, alors que les loyers doivent rester accessibles. Dans le même temps, la fragilité du BTP local accentue les difficultés. Un chantier sur deux est touché par la défaillance d’une entreprise, souvent mise en liquidation judiciaire en cours d’exécution, obligeant le bailleur à relancer des appels d’offres et à rallonger encore les délais.

Une parole lucide et engagée

Face à ces constats, Valérie Lenormand refuse toute autosatisfaction. Certes, la SHLMR livre davantage que d’autres bailleurs, mais l’écart entre l’offre et la demande reste abyssal. « Même si le chiffre paraît important, il est insuffisant », insiste-t-elle. Pour elle, il faut regarder la réalité en face et construire des solutions sur des bases solides.

Son propos prend la forme d’une tribune. Elle rappelle que le logement est bien plus qu’un toit : c’est un levier de dignité, un socle pour l’éducation, la santé et la cohésion sociale. « Sans logement, il n’y a pas d’éducation, pas de culture, pas de stabilité », martèle-t-elle, replaçant l’habitat au cœur des priorités publiques.

Les leviers pour transformer la construction

Malgré ces contraintes, des marges d’action existent. L’ingénierie locale constitue un atout décisif. La Réunion abrite désormais la seule École nationale supérieure d’architecture spécialisée dans le bâti tropical, attirant des étudiants du monde entier. Combinées aux compétences d’ingénieurs formés sur place, ces ressources offrent un socle solide pour inventer de nouvelles façons de construire.

Les pistes techniques sont nombreuses : bétons bas carbone déjà expérimentés, matériaux issus de filières locales ou recyclées, recours au hors-site et à la préfabrication. Ces innovations pourraient à la fois réduire l’empreinte carbone et limiter les surcoûts liés aux importations.

La SHLMR place également la réhabilitation au centre de son action. Si le parc social réunionnais est plus jeune que celui de l’Hexagone, il subit des dégradations accélérées par le climat tropical. De vastes programmes de rénovation sont en cours pour prolonger la durée de vie des bâtiments et améliorer le confort énergétique des habitants.

Enfin, les attentes dépassent la technique : la tranquillité résidentielle devient un enjeu prioritaire. En partenariat avec l’État et les forces de sécurité, la SHLMR met en place des dispositifs visant à améliorer le cadre de vie et le vivre-ensemble, preuve que le rôle du bailleur s’étend désormais bien au-delà de la construction.

Vers une responsabilité collective

Pour relever ces défis, la mobilisation doit être collective. L’État, les collectivités, les bailleurs, les entreprises du BTP et les habitants doivent agir ensemble. Adapter les normes nationales aux réalités tropicales est une condition clé. Plusieurs exemples révèlent l’absurdité des règles actuelles : un seuil de 15 centimètres exigé pour protéger de la pluie se heurte à la réglementation accessibilité, qui impose moins de 2 centimètres pour les fauteuils roulants. Cela finit par provoquer l’inondation de certaines vérandas durant la saison des pluies, preuve d’une réglementation mal adaptée.

Au-delà des normes, la survie même du BTP local est en jeu. Soutenir la trésorerie des entreprises, renforcer leur structuration et encourager l’innovation sont des conditions sine qua non pour relancer une production soutenue. Sans cela, les maîtres d’ouvrage sociaux resteront pris dans l’étau des retards et des surcoûts.

Pour Valérie Lenormand, la lucidité n’exclut pas l’optimisme. La Réunion dispose d’atouts considérables : une ingénierie de haut niveau, une expérience éprouvée en résilience climatique et une capacité à innover face aux contraintes. Encore faut-il que ces forces soient pleinement mobilisées et reconnues comme telles au niveau national.


« Construire à La Réunion, ce n’est pas seulement ériger des bâtiments, c’est préparer l’avenir du territoire. » En clôturant cet échange, Valérie Lenormand rappelle que le logement social ne se résume pas à des chiffres : c’est une responsabilité collective, un acte de solidarité et une vision pour l’île.

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