Réseaux d’assainissement : aux Antilles, le béton à bout de souffle sous la contrainte marine

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    Dans les Antilles, de nombreux réseaux d’assainissement ont été construits en béton, parfois, il y a plusieurs décennies. Ces ouvrages, essentiels à la salubrité publique, montrent aujourd’hui des signes de fatigue préoccupants. Fissures, infiltrations, corrosion des armatures : autant de symptômes qui traduisent la vulnérabilité des structures face à un environnement particulièrement agressif, entre humidité tropicale et salinité côtière.

    Sous nos pieds, le béton des canalisations mène un combat silencieux. Les effluents chargés en composés soufrés libèrent du gaz hydrogène sulfuré (H₂S), qui se transforme en acide sulfurique (H₂SO₄) au contact de l’air. Ce processus chimique, décrit par le LERM (Laboratoire d’Études et de Recherches sur les Matériaux) dans la revue Béton n°120, ronge progressivement la matrice cimentaire, dissout la portlandite et favorise l’apparition de fissures. Dans certains cas, les réactions sulfatiques provoquent la formation d’ettringite expansive, entraînant un décollement des parements et une fragilisation généralisée.

    Ces phénomènes ne se limitent pas à la théorie. Jean-Yves Bonnaire, secrétaire général de la FRBTP Martinique, rappelle dans une publication linkedIn que « dans de nombreuses zones côtières, les réseaux séparatifs anciens, construits en béton, sont parfois victimes d’intrusions marines qui accélèrent les dégradations ». Selon lui, la reprise de ces réseaux est devenue un enjeu majeur de préservation de la qualité des milieux naturels et des eaux de baignade. Dans une île dont le tourisme constitue une part essentielle de l’économie, le bon état de ces infrastructures dépasse le seul cadre réglementaire.

    Pour prévenir ces dégradations, la solution passe par le choix des bons matériaux et un entretien régulier. La norme NF EN 206+A2/CN classe les environnements selon leur agressivité chimique (XA1 à XA3) et fixe les exigences en termes de dosage, de rapport eau/liant et de résistance mécanique. Les ciments résistants aux sulfates (types ES ou SR), ainsi que les liants à base de laitiers de hauts fourneaux, cendres volantes ou métakaolins, améliorent la durabilité des ouvrages soumis à ces contraintes.

    Lorsque les altérations sont déjà présentes, le suivi par inspection robotisée, complété par des analyses en laboratoire, permet d’évaluer l’ampleur des dégradations. Les réparations consistent le plus souvent à purger les zones atteintes, traiter les armatures, puis appliquer un produit de protection de surface. Mais dans les cas les plus sévères, le remplacement complet des tronçons demeure la solution la plus fiable, notamment dans les réseaux enfouis ou difficilement accessibles.

    À l’heure où les territoires ultramarins s’engagent dans la transition écologique et la résilience climatique, la durabilité des réseaux d’assainissement apparaît comme un pilier discret mais stratégique. Entre expertise scientifique et savoir-faire local, la lutte contre les pathologies du béton s’impose comme un enjeu de santé publique, de qualité environnementale et de développement durable.


    Consulter ici l’article technique « Dégradations des réseaux d’assainissement » – Beton Mag n°120 

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