À peine déposé à l’Assemblée nationale, le projet de loi de finances 2026 (PLF 2026) déclenche une vague de contestations dans le bâtiment. Derrière les promesses de stabilité budgétaire, les fédérations professionnelles y voient un texte déconnecté des réalités d’un secteur en crise. En quelques jours d’intervalle, la CAPEB et la FFB ont tiré la sonnette d’alarme, chacune à leur manière, sur les effets d’un budget jugé « à contre-courant ».
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Le budget 2026 sous la loupe du BTP
Présenté comme un budget de « responsabilité », le PLF 2026 réorganise plusieurs postes clés de la politique du logement. Parmi les mesures : un recentrage des aides à la rénovation énergétique, des ajustements sur les dispositifs d’apprentissage et une taxation nouvelle de 2 % sur le patrimoine dit “passif” des holdings.
Le gouvernement promet une meilleure efficacité de la dépense publique. Mais dans la filière, ces décisions sont perçues comme un recul masqué des soutiens essentiels au logement, à l’emploi et à la transition écologique.
Alors que la construction neuve reste atone et que les défaillances d’entreprises se multiplient, le BTP redoute que ce budget accentue la récession plutôt que de l’enrayer.
La CAPEB tire la sonnette d’alarme des artisans
Le 15 octobre, la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) a ouvert le bal des réactions. Son message est clair : les TPE du bâtiment sont en danger. Dans un communiqué au ton ferme, la confédération appelle les parlementaires à « prendre réellement en compte les besoins du terrain », évoquant un contexte marqué par « des milliers de défaillances d’entreprises et des suppressions d’emplois ».
Pour la CAPEB, l’équité fiscale est devenue un enjeu vital. Les artisans subissent une concurrence jugée « injuste » de la part des micro-entreprises. L’organisation salue néanmoins le maintien du seuil de franchise de TVA à 25 000 euros, inclus dans le PLF 2026. Cette mesure, dit-elle, limite les distorsions de concurrence et préserve le modèle artisanal, pilier de l’apprentissage et des finances publiques locales.
Mais les critiques se concentrent ailleurs. Le pilotage « purement budgétaire » de MaPrimeRénov’ est qualifié de « chaotique et ubuesque ». La CAPEB dénonce des coupes dans les crédits de l’ANAH et une orientation trop industrielle du dispositif, centrée sur les pompes à chaleur au détriment de l’isolation ou des chaudières biomasse. Elle réclame une stratégie lisible, des financements stables et une simplification de l’accès à la qualification RGE, souvent inaccessible aux petites entreprises.
Autre point de tension : l’apprentissage. Le projet de budget prévoit la suppression des exonérations de cotisations salariales et de l’aide de 500 euros pour le permis de conduire des apprentis. Un mauvais signal, selon Jean-Christophe Repon, président de la CAPEB :
« Nos petites entreprises représentent 96 % du secteur. Elles sont déjà fragilisées par une conjoncture difficile et une instabilité politique qui perdure. »
Face à cette situation, la confédération a annoncé le lancement d’une consultation nationale auprès de ses adhérents sur l’avenir de la rénovation énergétique.
La FFB réclame cohérence et visibilité
Deux jours plus tard, le 17 octobre, la Fédération Française du Bâtiment (FFB) emboîte le pas. Elle reconnaît la nécessité d’un budget stable, mais « pas à n’importe quel prix ». Selon elle, le logement reste le grand absent du PLF 2026, alors même que le Premier ministre en a fait une priorité nationale dans son discours de politique générale.
La FFB défend avant tout la relance de l’investissement locatif. Elle plaide pour la création d’un « statut du bailleur privé », inspiré du rapport parlementaire Daubresse-Cosson, pour réorienter l’épargne des ménages vers la construction.
« Il faut désormais relancer l’investissement locatif qui s’est effondré depuis la fin du Pinel. Le statut du bailleur privé constitue une réponse à la crise du logement et un levier de relance pour la filière », rappelle Olivier Salleron, président de la FFB.
Sur le volet énergétique, la fédération appelle à préserver le budget de la rénovation, qu’elle juge essentiel pour respecter les engagements de l’Accord de Paris. Les renoncements successifs sur MaPrimeRénov’ mettent selon elle en péril la structuration d’une filière tournée vers l’avenir.
La FFB s’alarme également d’une taxation de 2 % sur le patrimoine “passif” des holdings, incluant immeubles et trésorerie, susceptible de fragiliser les entreprises familiales du bâtiment. Et, comme la CAPEB, elle rejette les coupes dans les aides à l’apprentissage.
Enfin, la fédération demande au Parlement de confirmer le seuil de franchise de TVA à 25 000 euros, une mesure jugée indispensable pour limiter la fraude et rétablir la concurrence loyale dans le secteur.
Un front commun face à un budget jugé déconnecté
Ces prises de position simultanées dessinent un front patronal rare. Si leurs priorités diffèrent — la CAPEB défendant la survie des TPE, la FFB l’investissement locatif —, les deux fédérations partagent un diagnostic identique : le PLF 2026 tourne le dos à la réalité du terrain.
Même inquiétude pour l’apprentissage, même colère face à l’instabilité des aides à la rénovation, même vigilance sur la fiscalité des micro-entreprises. En somme, un sentiment commun de déconnexion entre la politique budgétaire et les besoins du secteur.
Leur mot d’ordre ? Cohérence et visibilité. Sans ces deux conditions, préviennent-elles, la France risque de ralentir encore la relance d’un bâtiment déjà affaibli.
Une alerte venue aussi des Outre-mer
Au-delà du BTP, les territoires ultramarins se disent eux aussi durement touchés par le budget 2026. La FEDOM dénonce un « coup de massue » pour leurs entreprises, avec 750 millions d’euros d’aides supprimées selon ses estimations.
Les principales coupes concernent la défiscalisation de l’investissement productif (–40 %) et les exonérations de charges sociales prévues par la LODEOM (–50 %), piliers du soutien à près de 50 000 TPE et PME locales.
« Ces mesures sont incohérentes avec la stratégie nationale et hors de proportion avec les efforts demandés en métropole », alerte Hervé Mariton, président de la FEDOM.
L’organisation appelle à une révision rapide de ces arbitrages, redoutant un impact direct sur l’emploi et la compétitivité des territoires ultramarins.
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