Avec près de 18 000 logements identifiés comme indignes en 2021, soit 5 % du parc résidentiel de l’île, La Réunion reste l’un des territoires français les plus affectés par le mal-logement. Le nouveau plan d’action 2023–2027 du Pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne (PDLHI), adopté en septembre 2023, marque un tournant opérationnel pour les collectivités, les bailleurs, les opérateurs techniques et les acteurs sociaux.
Rédigé sous la coordination de l’ADIL, de la DEAL et de l’ARS, il s’articule autour de 4 volets :
- prévention,
- accompagnement,
- mesures coercitives
- gouvernance.
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Prévenir plutôt que subir : repérage, information, DPE
Le plan renforce les actions en amont pour freiner la dégradation progressive du bâti. L’ADIL conduit des campagnes de sensibilisation auprès des occupants et des bailleurs afin de diffuser des repères clairs sur les obligations d’entretien courant. Ces actions cherchent à prévenir les conflits liés à la répartition des charges entre propriétaires et locataires, et à éviter les signalements abusifs ou non pertinents.
La CAF renforce également son dispositif de détection de la non-décence. Chaque année, elle pilote environ 500 diagnostics techniques, organise des entretiens d’information, initie des médiations et suspend les aides au logement lorsque la situation le justifie.
Ce travail s’appuie sur une coordination opérationnelle avec l’ARS, notamment dans les cas de suspicion de marchands de sommeil. Cette action croisée permet d’établir un lien entre conditions de logement et infractions pénales plus larges.
En parallèle, un groupe de travail interinstitutionnel prépare l’application du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) dans les Outre-mer, attendue d’ici 2028. Les membres du PDLHI se basent sur les retours d’expérience de la Guadeloupe et de la Martinique pour construire une grille d’analyse compatible avec les spécificités climatiques et constructives de La Réunion. Ce chantier technique constitue une étape cruciale pour anticiper les mesures d’interdiction de location de passoires thermiques.
Requalification du parc ancien : dispositifs renforcés et simplifiés
Le plan donne une nouvelle impulsion aux démarches de réhabilitation à travers les OPAH, qu’il encourage à l’échelle intercommunale pour mieux cibler les zones à enjeux. Les collectivités peuvent ainsi mutualiser les moyens, rationaliser les diagnostics et bâtir des programmes cohérents avec les attentes des bailleurs et occupants modestes.
En parallèle, le PDLHI mise sur l’extension des dispositifs d’auto-réhabilitation accompagnée (ARA) et des opérations groupées d’amélioration légère (OGRAL). Ces outils permettent d’intervenir dans des contextes où l’urbanisme est irrégulier ou où les occupants n’ont ni titre de propriété ni accès aux dispositifs classiques. Les structures locales comme les Compagnons Bâtisseurs ou les services sociaux assurent un accompagnement rapproché et technique.
La DEAL pilote une réforme de l’ingénierie locale pour fluidifier l’instruction des dossiers et optimiser le circuit de décision. Cette action vise à réduire les délais de traitement et à mobiliser un plus grand nombre d’opérateurs agréés, souvent débordés par l’afflux de demandes.
En parallèle, les acteurs locaux expérimentent de nouvelles méthodes pour lever le blocage du foncier en indivision, identifié comme l’un des freins les plus importants à la résorption de l’habitat indigne. Le Fonds Mutualisé d’Amélioration de l’Habitat (FMAH) lancé par le TCO, ou les aides ciblées mises en œuvre par la CIVIS, montrent des résultats encourageants dans des configurations juridiques complexes.
Un accompagnement opérationnel des collectivités
Le plan renforce l’appui aux communes. L’État accompagne techniquement les travaux d’office, dispense des formations et aide à mobiliser les financements, notamment via le FARU et l’ANAH.
Sur le volet de la vacance, les collectivités déploient le programme Zéro Logement Vacant, qui leur permet d’identifier les logements inoccupés, d’en comprendre les causes et d’accompagner les propriétaires vers une remise en location. À titre d’exemple, la CINOR a recensé plus de 3 000 logements vacants sur son territoire en 2022 et a engagé une démarche ciblée avec l’ADIL et l’AGORAH.
En matière de copropriétés dégradées, les collectivités collaborent avec les syndics pour diagnostiquer l’état du parc et partager les données issues du registre national. Le Plan de Sauvegarde de la Chaumière, à Saint-Denis, sert de retour d’expérience pilote.
À partir de cette opération, le PDLHI entend capitaliser sur les enseignements pour guider d’autres interventions similaires. En parallèle, les commissions locales (CCPM) assurent désormais le suivi des arrêtés d’insalubrité à l’échelle communale, en appui au maire.
Des leviers coercitifs renforcés
L’administration applique systématiquement l’astreinte administrative et engage le recouvrement des frais d’office (travaux, relogement, hébergement). Le permis de louer, expérimenté à Saint-André sur 14 mois, a permis de structurer une procédure de contrôle préalable à la mise en location.
Le PDLHI propose de le déployer dans de nouvelles communes volontaires comme Saint-Joseph ou La Possession. Il met également à disposition des outils et formations pour appuyer les collectivités dans cette démarche.
L’ARS, le parquet et le GIR intensifient leur collaboration pour confisquer les biens des marchands de sommeil et renforcer les sanctions pénales. Un travail de repérage mené en 2021 par l’AGORAH avait permis d’identifier plusieurs dizaines de situations à risque, désormais suivies par la cellule dédiée. Cette approche vise à dissuader les pratiques frauduleuses et à affirmer la fermeté de l’action publique.
Pilotage et gouvernance : une montée en puissance des outils
L’ADIL anime le réseau départemental avec un agent dédié à temps plein. Le plan met en place un pilotage renforcé : chaque année, les partenaires produisent un bilan d’avancement, complété par un suivi à mi-parcours.
Les équipes utilisent l’outil métier PILHI pour centraliser les signalements et suivre les sorties d’indignité. En parallèle, la coordination avec les communes et les EPCI repose sur des réunions régulières et des remontées d’informations partagées.
L’Observatoire Réunionnais de l’Habitat Indigne (ORHI), désormais pérennisé, fournit des analyses territorialisées du phénomène.
En 2021, il estimait à 18 000 le nombre de logements indignes, dont 21 à 54 % vacants selon les territoires. Une plateforme numérique diffuse le répertoire des acteurs, les données consolidées, ainsi que les documents de référence. Les échanges et retours d’expérience permettent d’harmoniser les pratiques sur l’ensemble du territoire.
Plan d’action 2023 – 2027 du PDLHI La Réunion
Avec ce plan, les professionnels du logement disposent d’une feuille de route claire, structurée et conçue pour répondre aux enjeux spécifiques de La Réunion. La réussite de ce programme dépendra de la capacité des collectivités et des opérateurs à s’en saisir pleinement et à produire des résultats concrets d’ici 2027.