Hydrogène bas-carbone : la nouvelle stratégie française mise sur l’industrie et les mobilités

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    SNH II

    Cinq ans après le lancement de sa première feuille de route, la France change de braquet. En avril 2025, le gouvernement a présenté une Stratégie nationale hydrogène (SNH II) repensée, pour mieux coller aux réalités technologiques, industrielles et climatiques. La mise à jour a été officialisée à l’occasion du Comité interministériel de l’innovation, selon le communiqué de presse du Gouvernement publié le 16 avril 2025. Un cap clarifié, des projets industriels identifiés, et un accompagnement renforcé : l’hydrogène bas-carbone entre dans une phase de maturité.

    Une mise à jour stratégique face aux nouveaux défis de la filière

    L’ambition de développer une filière française de l’hydrogène ne date pas d’hier. Lancée en 2020, la Stratégie nationale hydrogène posait les premiers jalons d’une économie bas-carbone structurée autour de l’hydrogène comme vecteur d’énergie. 5 ans plus tard, les lignes ont bougé. La technologie a progressé, la compétition internationale s’est durcie, les besoins industriels se sont précisés, et la pression pour accélérer la décarbonation s’est accrue.

    Dans ce contexte, le gouvernement français a révisé sa stratégie en tenant compte des enseignements des projets soutenus depuis 2020, mais aussi des obstacles rencontrés. L’enjeu n’est plus seulement d’amorcer la filière : il s’agit d’en garantir la montée en puissance, avec un équilibre subtil entre volontarisme politique, réalisme technologique et solidité industrielle.

     

    Les nouveaux objectifs fixés pour 2030 et 2035

    Premier axe de la SNH II : un ajustement des ambitions en matière de production d’hydrogène bas-carbone. La France vise désormais 4,5 GW de capacité d’électrolyse installée à l’horizon 2030. Ce chiffre reste aligné avec les engagements précédents, mais son atteinte sera lissée dans le temps afin de mieux correspondre au rythme de développement technologique. Un second objectif, fixé à 8 GW pour 2035, traduit une ambition renouvelée à moyen terme.

    Mais au-delà des GW, c’est la maîtrise de l’ensemble de la chaîne de valeur qui est visée. Le gouvernement souhaite renforcer les compétences françaises sur tous les segments : production, stockage, transport, usage. Cela implique de soutenir l’industrialisation des projets en cours, mais aussi de consolider un écosystème d’acteurs nationaux capables de rivaliser sur le plan technologique.

     

    Des projets industriels structurants pour l’économie française

    La nouvelle stratégie s’ancre dans le réel grâce à une série de projets industriels déjà soutenus ou nouvellement accompagnés.

    1. Le projet Green Horizon, mené par Lhyfe et Yara, vise par exemple à développer une filière d’ammoniac bas-carbone, essentielle pour la chimie et l’agriculture.
    2. Le projet Masshylia, porté par Total et Engie, introduit l’hydrogène comme levier de décarbonation dans une raffinerie.
    3. Le projet de Gen-Hy, à Allenjoie dans le Doubs, s’attaque à la fabrication industrielle de membranes à échange d’anions (MEA), un composant-clé des électrolyseurs. En effet, c’est aussi du côté des technologies de rupture que l’État investit. L’objectif : maîtriser localement les briques technologiques critiques et réduire les dépendances.

    Ces projets s’inscrivent dans le cadre du Projet Important d’Intérêt Européen Commun (PIIEC), un dispositif qui permet à l’Union européenne d’autoriser des aides d’État ciblées pour des technologies stratégiques. Le soutien à la filière s’appuie aussi sur le plan France 2030, qui consacre une enveloppe de 54 milliards d’euros à la transformation des secteurs clés de l’économie, dont l’hydrogène constitue un pilier.

     

    Accélération sur les mobilités et carburants de demain

    L’autre volet fort de la SNH II concerne les mobilités et les carburants alternatifs. Le déploiement des hubs hydrogène constitue une priorité : à Fos-sur-Mer, dans la Vallée de la Chimie ou encore dans la zone Havre – Estuaire de la Seine, l’objectif est de connecter producteurs, consommateurs et infrastructures de stockage via des réseaux locaux dits « intra-hubs ».

    Ces plateformes permettront d’ancrer la filière hydrogène dans les territoires industriels, en facilitant les usages mutualisés. En parallèle, un appel à projets pour les véhicules utilitaires à hydrogène a été lancé. Il vise à stimuler le développement de solutions concrètes pour la logistique urbaine ou le transport professionnel léger. Les technologies de piles à combustible et de réservoirs sont particulièrement ciblées.

    La SNH II s’intéresse également aux carburants de synthèse pour les secteurs très émissifs, comme l’aérien ou le maritime. À travers l’appel à projets CARB AERO, les premières études d’ingénierie sont financées pour permettre l’émergence de productions industrielles d’ici 2030. Une ambition stratégique, tant ces secteurs sont difficiles à électrifier.

    Un cadre d’accompagnement renforcé pour sécuriser la filière

    Pour permettre à cette stratégie de se concrétiser, l’État renforce les outils d’accompagnement financier, technique et réglementaire. Un mécanisme de soutien de 4 milliards d’euros sur 15 ans est ainsi mis en place pour garantir la compétitivité de l’hydrogène bas-carbone face à l’hydrogène fossile. Ce soutien de long terme est essentiel pour créer un marché prévisible et stable.

    L’accès au foncier, aux compétences, aux infrastructures de raccordement électrique est également facilité, notamment grâce à la loi APER. Le gouvernement veut simplifier les procédures, rendre les règles plus lisibles, et accélérer les délais.

    Enfin, la relance de l’appel à projets IDH2, opéré par l’ADEME, permet de poursuivre le soutien à des briques technologiques critiques. Il s’agit là de continuer à investir dans la recherche appliquée et les démonstrateurs industriels pour faire progresser la maturité de la filière.


     

    La mise à jour de la stratégie nationale hydrogène ne se contente pas de redessiner des trajectoires : elle pose les jalons d’une dynamique industrielle renouvelée. En alliant vision à long terme, investissements ciblés et projets opérationnels, la France entend donner à l’hydrogène une place centrale dans son arsenal de décarbonation. Le chantier est immense, mais la direction est nette.

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