Alors que l’urgence climatique impose des objectifs ambitieux à léchelle nationale, la Guadeloupe se trouve confrontée à des défis particuliers. Le baromètre publié en avril 2023 dresse un état des lieux des infrastructures qui sous-tendent la transition écologique du territoire. Mobilité, énergie, eau, urbanisme : autant de thèmes qui révèlent les avancées comme les fragilités de la région face à l’horizon 2030.
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Mobilité durable : entre ambition et réalité
En matière de décarbonation des mobilités, la Guadeloupe affiche un retard structurel. Moins de 2 % des actifs utilisent le vélo pour leurs déplacements quotidiens. Ce chiffre reste largement en deçà de l’objectif fixé à 12 % à l’horizon 2030 pour la France. Le développement d’un réseau cyclable cohérent est donc crucial. Actuellement, le linéaire cyclable par habitant en Guadeloupe est inférieur à celui observé au niveau national. En métropole, on compte environ 0,3 mètre linéaire par habitant, contre bien moins en Guadeloupe.
Le baromètre souligne que lorsque la densité d’aménagement cyclable atteint 2 500 m/km2, l’usage du vélo est triplé. Dans cette logique, plusieurs communes (Baie-Mahault, Basse-Terre, Deshaies, Gourbeyre, Pointe-à-Pitre, Saint-François, Sainte-Anne, Vieux-Habitants) prévoient des aménagements. Pourtant, les conditions climatiques et la topographie pénalisent toujours l’essor du vélo.
Du côté des transports collectifs, le constat n’est guère plus engageant. La part modale des transports publics plafonne à 8,9 %, contre une cible de 20 % en 2030. L’offre reste peu structurée, avec de fortes disparités entre intercommunalités. Quelques initiatives comme l’instauration de vélibs à Pointe-à-Pitre et Morne-à-l’Eau marquent toutefois un changement de cap.
Le développement de la mobilité électrique impose enfin un réseau de bornes de recharge performant. La Guadeloupe comptait 1 135 points de recharge en 2022, mais cela reste insuffisant face à l’objectif d’un point pour 10 véhicules. Pour comparaison, le ratio national est de 10,4 véhicules par borne, contre 1,7 en Guadeloupe, où le parc est encore limité.
Énergie et électricité renouvelable : un levier structurant
Sur le volet énergétique, la Guadeloupe affiche des ambitions fortes. Alors que la France vise 40 % d’électricité renouvelable en 2030, la région vise le 100 %. En 2022, 39,5 % de l’électricité produite sur le territoire était d’origine renouvelable. Le photovoltaïque et la biomasse dominent cette production, aux côtés de l’éolien et de la géothermie.
La répartition est cependant inégale. Le parc photovoltaïque installé culmine à 87 MW, pour 52 MW d’éolien. Cette avance permet à la Guadeloupe de mieux intégrer les ENR que certaines régions de métropole. Mais pour tenir ses objectifs, le territoire devra renforcer les réseaux de transport et de distribution d’énergie.
Autre dossier stratégique : l’hydrogène. Le projet HYGI, lauréat de l’appel à projets « Écosystèmes territoriaux hydrogène », prévoit une unité de production d’1 MW pour alimenter notamment des bus. Soutenu par l’ADEME à hauteur de 4 millions d’euros, il illustre l’émergence d’une filière innovante.
En revanche, le gaz renouvelable reste embryonnaire. Avec 16 900 MWh de biogaz produits, la Guadeloupe est loin des objectifs de 10 % dans les réseaux en 2030. Pourtant, le potentiel de déchets méthanisables est important. Seules deux unités de valorisation sont actuellement en service.
Eau : un réseau vieillissant sous tension
L’approvisionnement en eau potable reste l’un des talons d’Achille de la Guadeloupe. Si les épisodes de restrictions ne sont pas toujours liés à un manque de ressources, c’est la gestion du réseau qui pose problème. Le taux de perte dans le réseau atteint 63 %, contre 20 % en France. Sur 4 241 km de canalisations, la moitié souffre de fuites et d’obsolescence.
L’objectif de renouveler 2 % du réseau chaque année est loin d’être atteint. Il faudrait porter à 1,03 % le taux actuel, ce qui implique une mobilisation massive de moyens. Cette défaillance structurelle explique les coupures récurrentes et les difficultés de distribution.
L’assainissement n’est pas épargné. 53 % des stations de traitement des eaux usées ne sont pas conformes aux normes. Le linéaire du réseau atteint 1 165 km, mais les taux de renouvellement sont faibles. Des projets de réutilisation des eaux usées traitées (REUT) existent, mais la Guadeloupe reste loin de la cible de 10 %.
Des efforts de réhabilitation sont également engagés sur les réseaux d’eau agricole à Marie-Galante, avec la réfection de 12 mares en 2022 sur un total de 600 recensées. Cette réserve d’eau douce devient essentielle en période de sécheresse.
Résilience : inondations, érosion et adaptation climatique
Face au changement climatique, la Guadeloupe présente une forte vulnérabilité. Le risque d’inondation touche 23 % du territoire et concerne plus de 212 000 habitants. Neuf communes sont classées en Territoires à Risque Important (TRI). Pourtant, 36 % des ouvrages de protection recensés sont jugés précaires ou dégradés.
Les conséquences d’événements extrêmes comme les pluies torrentielles sont régulièrement observées : routes coupées, habitations inondées, réseaux saturés.
La pression exercée sur le littoral est tout aussi préoccupante. Environ 18 % du trait de côte est en recul, à une vitesse comprise entre 0,1 et 3 m/an. Cette dynamique, amplifiée par l’urbanisation des côtes, accroît les risques de submersion marine.
Des communes comme Le Moule, Sainte-Anne ou Deshaies sont parmi les plus vulnérables. D’après le baromètre, plusieurs zones bâties sont désormais exposées à moyen terme si aucune action de protection n’est engagée.
Le baromètre souligne aussi l’importance de la renaturation des cours d’eau, avec des formations au génie végétal développées par le Parc National à destination des acteurs du BTP. Cette approche, qui consiste à stabiliser les berges à l’aide de végétaux locaux, vise à restaurer les équilibres écologiques tout en limitant l’érosion. Elle favorise également la résilience hydraulique en cas de crue. Des projets pilotes ont été lancés à Petit-Bourg, avec 1 km de cours d’eau renaturé.
Urbanisme et artificialisation : une pression forte sur le foncier
Avec seulement 1 628 km², la Guadeloupe subit une pression foncière intense. Entre 2019 et 2020, 2 265 hectares ont été artificialisés, soit une hausse de 20 % par rapport à l’année précédente. La majorité de ces surfaces concerne des constructions destinées à l’habitat. Ce rythme, s’il perdure, rendra difficile l’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN).
Le territoire présente en effet des contraintes fortes : relief accidenté, risques naturels, rareté du foncier dans les zones accessibles. Le recours à la réhabilitation des friches devient une solution incontournable. Le baromètre encourage à mobiliser les outils existants, notamment ceux portés par Terres Caraïbes, l’EPF de Guadeloupe et Saint-Martin, pour réinvestir les espaces vacants ou dégradés, en particulier dans les centres-bourgs.
Par ailleurs, certaines intercommunalités comme la CARL et Cap Excellence concentrent à elles seules une part importante de la consommation d’espace. Cette répartition inégale appelle à une meilleure planification territoriale. Enfin, la lutte contre l’artificialisation passe aussi par l’optimisation des infrastructures existantes et la densification raisonnée, afin de préserver les espaces agricoles et naturels qui assurent des fonctions essentielles pour la résilience écologique.
BAROMÈTRE DES INFRASTRUCTURES DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE – GUADELOUPE
Le baromètre 2023 offre une cartographie précieuse des infrastructures de transition écologique en Guadeloupe. Si des avancées notables sont enregistrées sur les ENR ou les projets hydrogène, les défis restent nombreux, en particulier dans l’eau, les transports collectifs et l’urbanisme. Le territoire devra accélérer ses efforts pour converger avec les ambitions nationales à l’horizon 2030.