GUADELOUPE. Grand Port Maritime : un projet stratégique 2024–2028 entre transition, aménagement et résilience

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Adopté par son Conseil de surveillance en octobre 2024, le projet stratégique 2024–2028 du Grand Port Maritime de la Guadeloupe (GPMG) engage l’établissement dans une transformation profonde.

Modernisation logistique, adaptation climatique, transition énergétique, optimisation foncière : ce plan quinquennal s’inscrit dans une trajectoire d’adaptation à la fois locale et globale.

Actuellement soumis à consultation publique jusqu’au 1er juillet 2025, il constitue une feuille de route clé pour l’économie maritime et l’aménagement du territoire guadeloupéen.

Un document de pilotage pour transformer le rôle du port

Le projet stratégique 2024–2028 constitue la troisième génération de feuille de route élaborée par le Grand Port Maritime de la Guadeloupe. Conformément à l’article R.5312 du Code des transports, ce document intègre 5 volets obligatoires : positionnement stratégique, économie et finance, exploitation des outillages, développement durable et intermodalité. Il ne s’agit donc pas d’un simple document d’intention, mais d’un instrument de pilotage opérationnel, articulé avec les exigences réglementaires et les ambitions territoriales.

Ce plan s’inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale portuaire 2021–2050, qui fixe quatre priorités : améliorer la performance logistique, soutenir les territoires, accélérer la transition écologique, et renforcer l’innovation. Dans ce contexte, le GPMG entend adapter ses missions aux réalités ultramarines, en intégrant les spécificités guadeloupéennes en matière d’insularité, de vulnérabilité climatique et de foncier contraint.

4 ambitions structurantes guident ce projet :

  1. Accroître la compétitivité économique du port ;
  2. Soutenir la coopération territoriale et les mobilités ;
  3. Engager les transitions écologiques, énergétiques et sociétales ;
  4. Renforcer la qualité des infrastructures et la fiabilité des opérations.

Chaque ambition se décline en actions concrètes, dotées d’objectifs mesurables à 2028, avec des indicateurs de performance et un dispositif de suivi semestriel.

Infrastructures : cap sur la modernisation et l’efficacité logistique

Au cœur du projet stratégique, la modernisation des infrastructures portuaires répond à un double impératif : accompagner l’évolution du trafic maritime et garantir la robustesse des installations dans un contexte climatique instable.

Le site de Jarry Baie-Mahault, principal pôle industrialo-portuaire, fait l’objet d’un programme d’investissement majeur. L’objectif est d’accueillir des navires plus imposants (jusqu’à 7 900 EVP), nécessitant des quais renforcés, des terre-pleins étendus et des systèmes de manutention modernisés.

Ces aménagements permettront d’absorber la croissance anticipée du trafic conteneurisé, projetée à +9 % entre 2024 et 2028 et +30 % d’ici 2034, selon les prévisions du port.

La réhabilitation des quais existants, notamment pour les vracs liquides et solides, figure également parmi les priorités. Ces zones sont aujourd’hui proches de la saturation, ce qui limite les marges de manœuvre logistiques. Le dragage de maintenance, la remise en état des outillages, l’amélioration de l’accès maritime et le réaménagement des zones de stockage viennent compléter cette stratégie.

Le port veut ainsi affirmer sa place dans la zone Caraïbe, non seulement pour le trafic domestique, mais aussi en visant une reprise du transbordement, aujourd’hui en recul : de 30 % en 2013, la part du transbordement est tombée à 18 % en 2023.

Une mutation énergétique déjà amorcée

L’un des virages les plus structurants du projet repose sur la transformation des flux énergétiques traités par le port. En lien avec la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) de la Guadeloupe, le GPMG accompagne le basculement vers les énergies renouvelables et bas carbone, avec des conséquences directes sur l’aménagement logistique.

Le port anticipe l’arrêt complet des importations de charbon d’ici 2026, avec la conversion des centrales Albioma à la biomasse (pellets de bois). Cela représente une augmentation de 150 % du volume traité pour les pellets, en raison de leur moindre pouvoir calorifique par rapport au charbon. En parallèle, l’usine EDF basculera du fioul vers l’huile de colza à l’horizon 2028, créant de nouveaux besoins en stockage et en gestion des vracs liquides.

Cette transition se double d’un encadrement réglementaire renforcé. Le système européen d’échange de quotas d’émissions (ETS) intègre désormais le transport maritime, obligeant les armateurs à acheter des crédits carbone. À terme, ces contraintes sont appelées à impacter les clients du GPMG, qui doivent adapter leurs navires et carburants. En réponse, le port prépare des services de branchement électrique à quai (cold ironing), anticipant les obligations imposées par la réglementation AFIR à partir de 2030 pour les grands ports européens.

Un territoire exposé, un port qui s’adapte

La vulnérabilité de la Guadeloupe face aux aléas climatiques est au cœur de la réflexion stratégique du GPMG. L’élévation du niveau de la mer, la fréquence accrue des cyclones, les houles de tempête et le risque de submersion marine constituent des menaces directes pour les infrastructures portuaires.

Le port inscrit donc son action dans une logique d’adaptation. Il participe au PAPI 2024–2029, avec un engagement financier de 95 000 €, aux côtés des collectivités, pour financer des projets de réduction des risques d’inondation et de préservation des zones d’expansion des crues.

Par ailleurs, le GPMG développe depuis 2016 le programme environnemental Cayoli, destiné à restaurer les écosystèmes côtiers de son domaine. Il s’agit d’un plan de gestion active sur 15 ans, couvrant 40 hectares d’espaces naturels, comprenant des mangroves, des herbiers marins et des zones sensibles à Bas-du-Fort, Marie-Galante ou Jarry. Le port entend également réduire ses émissions de GES de type « scope 3 », notamment via des services aux navires et une politique interne d’éco-efficacité.

Cette stratégie s’inscrit pleinement dans les référentiels nationaux, comme le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) ou la loi Climat et résilience, et répond aux attentes des autorités de tutelle, dont le ministère chargé des Outre-mer.

Gouvernance foncière et ancrage territorial

Le foncier est un levier stratégique pour le port, mais aussi une contrainte majeure. Le GPMG dispose de 170 hectares, dont 130 dédiés à l’activité économique. Le taux d’occupation atteint 96 % sur les zones commercialisables, ce qui impose une gestion optimisée des surfaces restantes. Le site de Jarry, avec ses 70 hectares, constitue le principal pôle d’activité, véritable nœud logistique de la Guadeloupe.

Pour faire face à cette saturation, le GPMG s’engage dans une stratégie foncière active : réaffectation des zones sous-utilisées, renforcement de la valorisation des baux, accueil de nouvelles filières industrielles ou logistiques à fort potentiel. L’objectif est de maximiser la valeur ajoutée du domaine, tout en intégrant les enjeux de sobriété foncière imposés par la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN).

Le port agit aussi comme acteur de l’aménagement territorial, en lien avec les collectivités locales. Il participe aux grands projets de mobilité (gare multimodale de Bergevin, TCSP), contribue aux schémas d’urbanisme (PLU, PAS, SCoT) et collabore avec les villes de Pointe-à-Pitre, Basse-Terre ou Le Gosier sur le lien Ville-Port. Cette démarche se traduit par des projets concrets de reconversion de friches, de piétonnisation ou d’intégration des flux touristiques.

Enfin, à l’échelle régionale, le GPMG est membre actif du Conseil de coordination interportuaire Antilles-Guyane (CCIAG). Ce cadre de coopération avec les ports de Martinique et de Guyane permet d’harmoniser les processus, mutualiser certains outils et développer des projets communs, notamment autour de l’environnement et de l’économie bleue.


Avec ce projet stratégique, le Grand Port Maritime de la Guadeloupe s’engage dans une reconfiguration structurelle : plus de performance logistique, plus de sobriété carbone, plus de résilience territoriale. Face aux mutations climatiques, réglementaires et économiques, il se positionne comme un acteur pivot de la transformation de l’archipel.


Consultation publique ouverte jusqu’au 1er juillet 2025

En application de l’article L.123-19 du Code de l’environnement, l’ensemble des documents relatifs au projet stratégique (plan, évaluation environnementale, avis de la MRAe, mémoire en réponse) est mis à disposition du public. Cette procédure vise à garantir la transparence et la participation autour d’un projet porteur d’enjeux majeurs.

La consultation se déroule du 30 mai au 1er juillet 2025. Les remarques peuvent être transmises à l’adresse environnement@port-guadeloupe.com, et les documents sont accessibles en ligne ici.


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