Préservation des sols forestiers : un plan d’action national structuré jusqu’en 2030

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Forêt Départemento-domaniale de Bélouve, La Réunion - (c)Alain Blumet / ONF

Face à la dégradation silencieuse des sols forestiers, le ministère de la Transition écologique a lancé en juillet 2025 un plan d’action ambitieux à l’échelle nationale. L’Objectif est de renforcer la résilience écologique des forêts tout en structurant les pratiques sylvicoles jusqu’en 2030.

Les sols forestiers, piliers discrets mais essentiels

Souvent ignorés du grand public, les sols forestiers remplissent des fonctions vitales. Ils régulent le cycle de l’eau, stockent du carbone, hébergent une biodiversité souterraine exceptionnelle et soutiennent la production de bois.

En France métropolitaine, ils contiennent en moyenne 81 tonnes de carbone par hectare dans leurs 30 premiers centimètres, et 9 tonnes dans la litière. Cela représente plus de 1,3 milliard de tonnes de carbone stockées, soit 2,5 fois plus que dans les sols cultivés.

Mais ces équilibres sont fragiles. Le dérèglement climatique — sécheresses, incendies, événements extrêmes — perturbe leur structure, leur fertilité et leur capacité de régulation.

Certaines pratiques humaines comme le labour intensif ou le passage répété d’engins lourds accentuent les risques de tassement, d’érosion ou de perte de matière organique. Face à cela, la préservation des sols forestiers devient un enjeu écologique majeur, mais aussi un impératif pour la résilience de toute la filière forêt-bois.

Un cadre stratégique chiffré et opérationnel

C’est dans ce contexte que s’inscrit le Plan d’action pour la préservation des sols forestiers, publié officiellement en juillet 2025. Issu de deux années de travaux dans le prolongement des Assises de la forêt et du bois, ce plan s’appuie sur une large concertation des parties prenantes : acteurs forestiers, experts scientifiques, opérateurs publics, et une consultation citoyenne.

Le plan fixe 2 grandes priorités :

1 – Agir concrètement pour préserver les fonctionnalités écologiques des sols forestiers : intégrité physique, fertilité chimique, puits de carbone, régulation de l’eau, biodiversité.

2 – Déployer 16 fiches-actions à travers cinq axes d’intervention, avec des objectifs chiffrés à horizon 2030, adossés à des indicateurs de suivi.

Les 5 axes stratégiques sont les suivants :

  1. Connaître et surveiller les sols grâce à des réseaux de suivi renforcés ;
  2. Mobiliser le bois avec des pratiques à faible impact, en adaptant la mécanisation ;
  3. Former et sensibiliser les professionnels, en déployant un réseau de référents sols ;
  4. Accompagner économiquement les pratiques vertueuses, via des aides publiques ciblées ;
  5. Encadrer les facteurs de pression dans la réglementation et les documents de gestion forestière.

Ce plan s’inscrit dans plusieurs politiques publiques structurantes : Stratégie nationale bas carbone (SNBC), Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3), Stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB), ou encore la feuille de route Forêt-Bois de France Nation Verte.

Identifier les menaces, agir sur les causes

Le document livre une analyse détaillée des risques pesant sur les sols forestiers. Le tassement, provoqué par les passages répétés d’engins — 80 % des effets interviennent dès les trois premiers passages — compromet la porosité des sols, leur capacité de rétention d’eau et la survie des racines.

L’érosion hydrique, favorisée par les pentes, les coupes rases ou les sols nus, emporte la couche fertile, aggravant les risques d’inondation en aval. L’acidification, la perte de fertilité chimique, la diminution des stocks de carbone et la perte de biodiversité complètent ce tableau préoccupant.

Face à cela, le plan promeut des pratiques concrètes : limiter la surface circulée par les engins, éviter les interventions en période humide, conserver du bois mort au sol, raisonner la récolte des souches et menus bois selon la sensibilité des sols, adapter les méthodes dans les zones humides, et maintenir un couvert végétal permanent.

Ces recommandations s’appuient sur des outils déjà éprouvés : les guides PROSOL, PRATIC’SOLS, GERBOISE, ou encore les référentiels établis par l’ONF et le GIP Ecofor.

Des outils techniques et financiers mobilisés

Pour répondre à ces enjeux, le plan met à disposition des outils concrets à destination des professionnels. Parmi eux, l’application FOR-EVAL, développée par l’INRAE et l’ONF, permet de réaliser en quelques minutes un diagnostic de la sensibilité d’un sol au tassement, à l’érosion, à l’export minéral et au déficit hydrique.

Cet outil gratuit vise à encourager une gestion forestière raisonnée, appuyée sur des indicateurs écologiques simples.

Le plan capitalise également sur un ensemble de guides pratiques reconnus :

  • PROSOL pour l’organisation de la circulation des engins ;
  • PRATIC’SOLS pour la praticabilité des parcelles ;
  • GERBOISE pour la gestion raisonnée du bois-énergie et la préservation de la fertilité ;
  • BGF et Ecodiv pour la prise en compte de la biodiversité des sols.

Côté financement, l’État mobilise les dispositifs France 2030, France Relance et AMI ESPR pour soutenir les investissements dans du matériel moins impactant pour les sols, encourager les pratiques alternatives (traction animale, câblage, plantations localisées), et accompagner les forestiers dans la mise en œuvre des recommandations.

Enfin, le projet IPR Sol déploie en région un réseau de référents formés aux diagnostics de qualité des sols forestiers, tandis que la Fresque du Sol, outil de sensibilisation grand public soutenu par l’ADEME et l’AFES, diffuse un langage commun sur les fonctions et menaces des sols.

L’Outre-mer pleinement intégré dans la démarche

Les territoires ultramarins sont pleinement intégrés dans la stratégie nationale. Le Réseau de Mesures de la Qualité des Sols (RMQS), qui repose sur un maillage de 2 240 sites, comprend environ 70 sites situés dans les DOM. La seconde campagne de prélèvements, entamée en 2016 en métropole, a débuté en 2025 dans les territoires d’Outre-mer pour une durée de cinq ans.

L’objectif est de caractériser les spécificités pédoclimatiques des forêts tropicales, équatoriales ou insulaires : taux de matière organique, capacité de rétention d’eau, sensibilité à l’érosion ou à l’export minéral. Ces données viendront enrichir la base DoneSol et alimenter les déclinaisons territoriales des politiques forestières.

Dans les Outre-mer, les enjeux sont renforcés par la richesse de la biodiversité, la variabilité climatique, la pression foncière et les risques naturels. Le plan prévoit une adaptation des recommandations aux sols volcaniques, hydromorphes ou latéritiques, ainsi qu’aux contextes socio-économiques locaux.

Les référentiels de bonne gestion, les outils de diagnostic et les aides financières y seront déployés avec les mêmes ambitions que sur le territoire hexagonal.


Consulter ici le PLAN D’ACTION pour la préservation des SOLS FORESTIERS – Juillet 2025


La réussite de ce plan d’action dépendra désormais de sa traduction opérationnelle dans les territoires, à travers les acteurs publics comme privés. À horizon 2030, la France devra avoir renforcé la résilience de ses sols forestiers, évité des dégradations irréversibles, et consolidé le rôle de la forêt dans l’atténuation du changement climatique.

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