À compter du 1er août 2025, un décret actualisé encadre strictement l’évolution des loyers dans les zones dites « tendues ». Pris le 15 juillet 2025, le décret n°2025‑652 modifie les règles applicables aux baux dans ces zones, notamment dans plusieurs communes ultramarines désormais intégrées au zonage concerné. Une analyse juridique publiée par l’ANIL vient éclairer les modalités concrètes de ce dispositif, dont l’application s’étendra jusqu’au 31 juillet 2026.
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Un encadrement ciblé sur l’évolution, pas sur le niveau des loyers
Le dispositif vise à encadrer l’évolution des loyers entre deux contrats successifs ou lors du renouvellement d’un bail existant. Concrètement, dans les communes classées en zone tendue, un propriétaire ne peut plus fixer librement un loyer supérieur à celui payé par le locataire précédent.
Le nouveau décret reconduit ce mécanisme annuel prévu par la loi du 6 juillet 1989 (article 18), en l’actualisant pour la période du 1er août 2025 au 31 juillet 2026. Il ne s’agit pas ici d’un plafonnement du niveau des loyers par mètre carré — qui dépend d’un autre régime juridique — mais bien d’une limitation de leur progression d’un contrat à l’autre.
Ce blocage du loyer s’applique aux locations nues, meublées ou en bail mobilité à usage de résidence principale ou mixte, à l’exception des logements sociaux, conventionnés APL, soumis à la loi de 1948 ou loués en saisonnier.
Les communes ultramarines concernées par ce nouveau cadre
Jusqu’en 2023, l’encadrement de l’évolution des loyers ne s’appliquait qu’aux zones tendues définies sur le territoire hexagonal. Mais le décret n°2023-822 du 25 août 2023 a élargi le périmètre, intégrant plusieurs communes d’outre-mer au zonage de la taxe sur les logements vacants (TLV), qui sert de référence juridique au décret de 2017.
Ce classement se fonde sur des critères objectifs : tensions entre l’offre et la demande, niveau élevé des loyers, prix d’achat anciens, ou volume important de demandes dans le parc social.
En conséquence, à La Réunion, des communes comme Saint-Denis, Saint-Pierre, Le Port, La Possession, Saint-Paul, Saint-Louis, Le Tampon, Sainte-Marie ou Entre-Deux sont désormais classées en zone tendue.
En Guadeloupe, Guyane, Martinique et Mayotte, d’autres communes pourraient également être concernées, selon leur inscription dans l’annexe I du décret n°2013-392. Une vérification via le simulateur en ligne du gouvernement permet de le confirmer au cas par cas. Ce zonage reste évolutif et pourra faire l’objet de nouvelles modifications.
Des règles strictes pour les propriétaires et bailleurs
Dans les zones concernées, la règle est claire : le loyer appliqué à un nouveau locataire ne peut pas dépasser celui payé par le précédent, sauf exception. Si aucune révision n’a eu lieu au cours des 12 mois précédents, le loyer peut être ajusté à hauteur de l’Indice de Référence des Loyers (IRL). Si une révision a déjà été faite, aucune hausse n’est possible.
Des dérogations encadrées existent :
- si le loyer antérieur est manifestement sous-évalué par rapport aux prix du voisinage, une hausse partielle est autorisée dans la limite de la moitié de l’écart constaté ;
- si des travaux d’amélioration ont été réalisés pour un montant au moins égal à la moitié d’un an de loyer, le bailleur peut appliquer une augmentation allant jusqu’à 15 % du coût TTC des travaux, répartie sur le loyer annuel.
Ces deux critères peuvent se cumuler, mais la hausse reste plafonnée au montant le plus élevé des deux limites. À noter également : si le logement est classé F ou G sur l’étiquette énergétique (selon le DPE), aucune augmentation n’est autorisée, quelle que soit la situation.
Une législation qui s’applique aussi au renouvellement de bail
Le même encadrement s’applique au renouvellement du contrat de location, sauf si le bailleur démontre que le loyer est sous-évalué et qu’il a réalisé des travaux significatifs depuis le dernier bail.
Dans ce cas, la réévaluation suit les mêmes plafonds que pour une relocation : soit 15 % du coût des travaux, soit la moitié de l’écart avec les loyers du voisinage, selon la valeur la plus élevée. À défaut de répondre à ces deux conditions cumulatives, seule une révision IRL peut être appliquée.
Dans tous les cas, les bailleurs doivent être en mesure de justifier leur demande de revalorisation en fournissant des références locatives comparables dans le voisinage ou des justificatifs de travaux. Le contrat doit intégrer ces éléments, y compris des baux de plus de trois ans si nécessaire.
Vers un second niveau d’encadrement en Outre-mer ?
Ce décret s’inscrit dans un mouvement plus large de régulation du marché locatif ultramarin. En parallèle, la loi du 13 juin 2025, portée par la députée Audrey Bélim, autorise désormais les collectivités ultramarines situées en zone tendue à expérimenter l’encadrement du niveau des loyers, comme cela se pratique déjà à Paris ou Lille. Ce second dispositif, plus contraignant, repose sur la fixation de loyers de référence préfectoraux au mètre carré.
L’expérimentation est ouverte jusqu’en juin 2027 pour les collectivités volontaires. Si certaines communes outre-mer activent ce levier, les deux encadrements — de l’évolution et du niveau — pourraient alors coexister sur un même territoire, ce qui suppose une articulation juridique fine déjà anticipée par l’ANIL.
Une nouvelle ère pour la régulation des loyers ultramarins
Ce nouveau cadre réglementaire s’inscrit dans une dynamique de régulation progressive du marché locatif dans les territoires ultramarins. L’analyse juridique n°2025‑14 de l’ANIL, publiée à jour au 18 juillet 2025, apporte un décryptage essentiel pour les acteurs concernés, bailleurs comme collectivités. En parallèle, la récente loi du 13 juin 2025 ouvre la voie à un encadrement plus large, cette fois sur le niveau des loyers, dans les communes volontaires. L’évolution des loyers n’est donc plus laissée à la seule appréciation du marché dans les territoires ultramarins les plus exposés.