Alors que les inégalités sociales restent marquées dans les territoires ultramarins, l’Union sociale pour l’habitat (USH) a publié, le 24 juillet 2025, la cinquième édition de son rapport annuel Chiffres clés du logement social – Édition Outre-mer. Le constat est sans appel : la production de logements sociaux reste en deçà des besoins, dans un contexte de forte pauvreté et de tension sur le foncier.
—
Des besoins massifs et persistants
Le rapport estime à 110 000 le nombre de logements nécessaires dans l’ensemble des Outre-mer, dont 90 000 pour les seuls DROM. Ces besoins recouvrent le logement locatif social et très social (LLS et LLTS), l’accession sociale à la propriété et la résorption de l’habitat indigne. Mayotte, la Guyane ou encore la Polynésie française font partie des territoires les plus en tension.
Malgré ce déficit structurel, seuls 26 % des ménages ultramarins éligibles au logement social (hors PLS) résident effectivement dans le parc social. Par ailleurs, 85 % des demandeurs disposent de ressources inférieures aux plafonds du logement très social (LLTS), traduisant une précarité largement répandue dans ces territoires.
Dans un extrait particulièrement éclairant, l’USH souligne : « 64 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social (55 % en France hexagonale) et 53 % au logement très social… Les taux d’effort et reste à charge des ménages rendent indispensables l’actualisation de l’Allocation Logement et du forfait charge dans les DROM. »
Une production en baisse pour la seconde année consécutive
En 2024, 2 473 logements sociaux ont été livrés dans les DROM, soit une baisse de 15 % par rapport à 2023. Cette chute s’inscrit dans une tendance de long terme : la production annuelle de logements neufs n’a cessé de décroître depuis 2018, passant de plus de 5 200 unités financées cette année-là à 4 737 logements financés en 2024.
Les délais de livraison se sont également allongés. Depuis 2020, il faut compter environ 4 ans entre le lancement d’un programme et sa mise en service. Cette lenteur pèse sur la capacité des opérateurs à répondre aux urgences sociales.
À cela s’ajoute une consommation partielle des crédits de l’État, malgré des besoins bien identifiés. L’USH évoque des « freins structurels et des complexités administratives » qui limitent l’efficacité de la Ligne budgétaire unique (LBU), principale source de financement des opérations.
Des écarts marqués selon les territoires
Le rapport fournit un panorama précis du parc de logements sociaux par DROM. La Réunion reste de loin le territoire le mieux doté, avec 85 944 logements sociaux, suivie de la Guadeloupe (40 059) et de la Martinique (35 441).
À l’opposé, Mayotte ne compte que 2 941 logements sociaux pour une population de plus de 250 000 habitants, soit un ratio dramatiquement faible.
Le nombre de logements sociaux rapporté à la population totale montre l’ampleur des disparités. Alors que la Guadeloupe ou la Martinique comptent plus de 1 logement social pour 10 habitants, Mayotte peine à atteindre ce seuil avec un ratio proche de 1 pour 90.
Une précarité persistante
Les indicateurs de pauvreté renforcent la lecture critique du rapport. À Mayotte, 77 % des habitants vivent sous le seuil national de pauvreté, contre 53 % en Guyane, 34 % en Guadeloupe et 16 % à La Réunion.
Ces niveaux expliquent en partie la forte demande de logements très sociaux (LLTS), souvent incompatibles avec les coûts de production actuels et les modèles classiques de financement.
Comme le rappelle l’USH dans le rapport : « Dans les seuls DROM, on estime un besoin de 90 000 logements… Cette tendance résulte d’opérations engagées depuis plusieurs années, sachant que les délais de livraison sont estimés à environ 4 ans depuis 2020. »
Quelles perspectives ?
Les politiques publiques peinent à suivre. Le Plan Logement Outre-mer (PLOM), dans ses différentes versions (PLOM 1, PLOM 2), n’a pas permis d’atteindre les objectifs initiaux. Le PLOM 3, dont les conclusions sont attendues pour 2025, pourrait être l’occasion de refonder une stratégie territorialisée, plus souple, mieux financée et davantage articulée aux réalités locales.
Dans l’immédiat, les opérateurs, collectivités et services de l’État sont confrontés à un double défi : accélérer la production de logements tout en adaptant les modalités d’intervention aux contextes locaux, notamment dans les territoires insulaires, enclavés ou exposés à de forts aléas climatiques.
Consulter ici les Chiffres clés du logement social – Édition Outre-mer 2025 par l’USH