Après plusieurs trimestres en demi-teinte, les indicateurs conjoncturels du secteur du BTP en Guyane laissent entrevoir quelques signaux de reprise au 1er trimestre 2025. Mais cette amélioration reste fragile, portée par des effets ponctuels plus que par une tendance de fond. Tandis que les autorisations de construire repartent à la hausse, l’activité réelle, mesurée par l’emploi ou les heures rémunérées, montre peu de dynamisme. C’est ce que révèle le Tableau de bord de la conjoncture : Guyane, publié le 20 juin 2025 par l’Insee, qui compile les principaux chiffres économiques et sociaux du territoire.
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Une activité du bâtiment sous tension malgré un frémissement des autorisations
Avec 410 logements autorisés entre février et avril 2025, le secteur résidentiel affiche une hausse de 16 % sur un an. Mais en volume, ces niveaux restent bas au regard des besoins du territoire. En parallèle, les mises en chantier de logements reprennent, atteignant 261 unités, soit +71 % sur douze mois. Une amélioration nette qui reste à confirmer dans les trimestres suivants.
Du côté des locaux non résidentiels, les chiffres surprennent : 55 800 m² de surfaces ont été autorisés au cours du trimestre, contre à peine 1 000 m² un an plus tôt, soit une hausse spectaculaire de +5 634 %. Ce bond est attribué à un projet exceptionnel, sans constituer un changement structurel. En revanche, les surfaces effectivement commencées sur un an progressent de +84 %, atteignant 151 340 m², signalant une relance tangible sur le non-résidentiel.
Cet écart entre autorisations et chantiers en cours traduit un secteur en décalage, où les intentions se heurtent encore à des obstacles opérationnels : procédures d’instruction, financement des projets, disponibilités foncières.
L’emploi salarié dans la construction résiste mais plafonne
Au 1er trimestre 2025, la Guyane comptait 4 900 salariés dans le secteur de la construction. Cela représente une hausse de +0,9 % sur le trimestre et de +4,1 % sur un an. Une progression réelle, mais modeste, à mettre en regard des dynamiques observées dans d’autres secteurs plus porteurs.
Plus inquiétant, le recours à l’intérim recule fortement : –5,5 % en trois mois, –4 % en glissement annuel. Ce repli indique une prudence accrue des entreprises, notamment sur les embauches de courte durée. L’intérim, traditionnel baromètre de l’activité du BTP, reflète une forme d’attentisme, possiblement lié à l’incertitude sur les financements ou la disponibilité des chantiers.
Comparée à la moyenne nationale, la dynamique de l’emploi dans la construction guyanaise reste plus favorable. Mais elle demeure tributaire des marchés publics, notamment les projets d’infrastructures éducatives, sanitaires ou administratives, dont la concrétisation effective tarde parfois.
Des signaux mixtes du côté des entreprises du secteur
Le tissu entrepreneurial guyanais montre également des signes ambivalents. D’un côté, les créations d’entreprises s’établissent à 910 au T1 2025, dont 480 micro-entrepreneurs. Cela représente une baisse trimestrielle de –3,6 %, mais une hausse annuelle de +2,1 %. Cette dynamique modeste masque une certaine résilience du statut de micro-entrepreneur, souvent utilisé dans le BTP pour des missions ponctuelles.
À l’inverse, les défaillances d’entreprises repartent nettement à la hausse : 70 procédures recensées entre mai 2024 et avril 2025, soit +32,1 % sur un an. Cette évolution, dans un contexte inflationniste et de resserrement des trésoreries, interroge sur la solidité économique d’un certain nombre de TPE locales du bâtiment.
Ce contraste – entre créations et faillites – illustre les tensions du secteur, tiraillé entre opportunités liées aux besoins du territoire et fragilité structurelle de son tissu d’acteurs.
Heures rémunérées : une stagnation révélatrice du ralentissement
Autre indicateur clé, les heures rémunérées dans le secteur privé en Guyane n’ont progressé que de +0,1 % en mars 2025 par rapport à mars 2024. Mais dans la construction seule, l’évolution est négative : –2,9 % sur un an. Le secteur contribue négativement à la dynamique régionale, à hauteur de –0,4 point.
Cette baisse confirme un ralentissement sensible de l’activité réelle sur les chantiers, en décalage avec la reprise observée dans les autorisations. Elle peut refléter des retards de mise en œuvre, des reports de démarrage, ou encore une diminution de la charge effective par chantier.
Un marché du travail peu favorable à la relance
Sur le plan global, le marché du travail guyanais reste dégradé. Le taux de chômage atteint 16,4 % au T1 2025, en hausse de +1 point par rapport au trimestre précédent. Parallèlement, les inscriptions à France Travail bondissent : +20,3 % pour les catégories A, B, C, et +27 % pour la catégorie A seule (personnes sans emploi, disponibles immédiatement).
Dans le BTP, l’impact se mesure également au travers des offres d’emploi collectées, qui chutent à 0,5 millier sur le trimestre, soit –16,7 % par rapport à 2024. Ce recul marque une baisse de la demande de main-d’œuvre, malgré les besoins pressants du territoire en logements et infrastructures.
Tendances à surveiller pour les trimestres à venir
Le rebond observé sur les autorisations de logements et de locaux ne garantit pas une reprise solide de l’activité dans le BTP guyanais. La baisse des heures rémunérées dans la construction, le repli de l’intérim, la hausse des défaillances d’entreprises, ainsi que la chute des offres d’emploi indiquent que la reprise reste largement théorique à ce stade.
La dynamique future dépendra notamment de la concrétisation des projets autorisés, de la capacité des maîtres d’ouvrage à lancer les chantiers, et du rôle de la commande publique dans un contexte de forte demande en infrastructures. La tension sur le marché du travail, avec un chômage à 16,4 % et une forte hausse des inscrits à France Travail, complique également les perspectives de reprise effective du secteur.
Source : INSEE/Tableau de bord de la conjoncture : Guyane – Les chiffres clés Paru le : 20 juin 2025