LA REUNION. Mobilités en 2025 : saturation, transition et résilience face aux défis

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Les mobilités à La Réunion se trouvent aujourd’hui à un tournant. Entre croissance démographique rapide, saturation des infrastructures et montée en puissance des enjeux climatiques, le territoire doit adapter ses modes de déplacement. C’est le constat dressé par l’Observatoire des Mobilités de La Réunion, copiloté par l’IDRM et l’AGORAH dans son édition 2025.

Une île toujours sous forte pression automobile

Avec une population de 873 100 habitants, La Réunion connaît depuis plusieurs années une expansion démographique soutenue. Cette dynamique entraîne mécaniquement une augmentation de la pression sur les infrastructures de transport, dominées par la voiture individuelle. En effet, la part modale de la voiture atteint plus de 66 %, confirmant la place centrale qu’elle occupe dans les déplacements quotidiens.

Le parc automobile continue ainsi de croître à un rythme supérieur à celui de la population. On dénombre aujourd’hui 512 538 véhicules légers de moins de 25 ans en circulation. Cette croissance s’explique par plusieurs facteurs combinés : une population jeune et mobile, un taux de motorisation élevé — 40 % des personnes en âge de conduire possèdent un véhicule — et une tendance marquée à la possession multiple de véhicules, 31 % des ménages disposant de deux véhicules ou plus.

Par ailleurs, si l’acquisition d’un véhicule neuf et les pièces détachées restent plus coûteuses qu’en métropole, le prix du carburant, inférieur d’environ 10 %, favorise néanmoins le recours accru à la voiture.

Sur le plan des motorisations, le diesel reste majoritaire (55 %), suivi par l’essence (43 %). Les véhicules électriques et hybrides représentent encore une part modeste : à peine 3 % du parc total en circulation, bien qu’ils aient constitué 16 % des ventes de véhicules neufs en 2023 et 15 % en 2024. Cette dynamique laisse entrevoir une amorce de transition vers des motorisations plus propres.

Un réseau routier saturé au quotidien

En parallèle de cette expansion du parc, le réseau routier affiche aujourd’hui une longueur totale de 7 083 km, avec une progression annuelle moyenne de 0,5 % depuis 2014. Pourtant, cette croissance linéaire des infrastructures peine à absorber l’augmentation continue du trafic.

Chaque jour, près de 180 000 véhicules franchissent les entrées Ouest et Est de Saint-Denis, générant des congestions récurrentes. En moyenne, les embouteillages s’étendent sur environ 30 kilomètres par jour, avec des pics observés lors des dix premiers jours de chaque mois. Les mardis demeurent les journées les plus chargées, suivies de près par les jeudis.

Cette saturation chronique engendre non seulement des pertes de temps et de productivité, mais alourdit également les risques d’accidents et les nuisances environnementales associées.

Des infrastructures vulnérables face au changement climatique

Au-delà de la congestion quotidienne, La Réunion doit faire face à une exposition croissante aux aléas climatiques. Le passage du cyclone Garance a rappelé la vulnérabilité des infrastructures routières face aux phénomènes extrêmes. Submersions marines, érosion côtière, inondations, coulées de boue et éboulements menacent régulièrement les axes de circulation.

La particularité insulaire de La Réunion, où l’essentiel des activités économiques et des habitations se concentre sur le littoral, accentue cette vulnérabilité. Par conséquent, la question de la résilience des infrastructures devient stratégique pour garantir la continuité des mobilités dans un contexte de dérèglement climatique appelé à s’intensifier.

Premiers signaux de transition énergétique

Malgré la prédominance persistante des motorisations thermiques, des signaux encourageants de transition apparaissent. Le développement des véhicules électriques et hybrides, bien qu’encore modeste en volume, s’accélère. Selon les projections de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), le parc de véhicules électriques pourrait atteindre 33 700 unités à l’horizon 2028.

Parallèlement, le déploiement des infrastructures de recharge progresse rapidement : 552 bornes sont aujourd’hui accessibles au public, soit un volume multiplié par cinq depuis 2018. À court terme, l’objectif fixé est d’atteindre 3 400 prises supplémentaires dans les centres-villes et pôles d’échanges multimodaux.

Cette dynamique est toutefois freinée par les écarts de coût encore marqués entre les véhicules thermiques et électriques, qui constituent un frein à une adoption plus massive.

Le développement discret mais croissant des mobilités actives

Dans un contexte d’encombrement routier persistant, les mobilités actives connaissent elles aussi un essor progressif. Le réseau cyclable atteint désormais 364 km, dont 143 km de Voie Vélo Régionale littorale (VVR). Ce maillage reste perfectible mais offre une première base de diversification des modes de déplacements.

L’État et les collectivités locales accompagnent cette dynamique par des soutiens financiers croissants. L’ADEME a ainsi subventionné 12 projets réunionnais en 2023 pour un montant total de 195 300 euros, tandis que le Fonds Mobilité Active de l’État a financé 21 projets depuis 2018, représentant un investissement cumulé de 8,9 millions d’euros.

Le Territoire de l’Ouest s’est également engagé, depuis octobre 2024, en instaurant une aide directe à l’achat de vélos à assistance électrique (VAE) : 300 € pour un VAE classique, et 500 € pour les modèles spécifiques (cargo, triporteurs, handibikes).

Côté services, l’offre se diversifie avec des solutions de libre-service (Altervélo, Velocean, Roulib), des locations longue durée (Kar’Ouest, Cinor, Velisud), et des flottes de trottinettes électriques (Zwav). Globalement, l’usage de ces nouvelles solutions a progressé de 58 % pour les trottinettes électriques et de 38 % pour les VAE longue durée depuis 2022.

Le covoiturage en forte accélération

Le covoiturage apparaît comme l’un des leviers les plus dynamiques de la transition en cours. Alors que plus de 80 % des trajets domicile-travail restent effectués en voiture, avec un taux d’occupation de seulement 1,1 personne par véhicule, l’essor de plateformes comme Karos commence à infléchir cette tendance à l’auto-solisme.

En 2024, 554 823 trajets ont été réalisés via Karos, générant 5,1 millions d’euros de gains de pouvoir d’achat pour les covoitureurs. Plus de 552 000 passagers ont ainsi été transportés, soit une progression spectaculaire par rapport aux années précédentes (330 000 en 2023 – 34 500 en 2022 – 1 100 en 2021). Ces trajets ont permis d’éviter l’émission de 1 448 tonnes de CO₂ et de réduire de 11,6 millions de kilomètres l’auto-solisme sur l’île.

Les trajets de covoiturage du quotidien par habitant en 2024 – Par région

En termes d’infrastructures, le réseau d’aires de covoiturage comprend désormais 20 sites répartis principalement le long des axes N1 et N2, offrant 588 places de stationnement. Après plusieurs années de stagnation, l’année 2023 a marqué un tournant avec l’aboutissement de nouveaux projets portés par la Région et les communes.

Les transports collectifs retrouvent leur fréquentation

Malgré les chocs successifs des gilets jaunes en 2018 et de la crise sanitaire en 2020, la fréquentation des transports publics est revenue à ses niveaux d’avant-crise. En 2023, les six réseaux locaux ont totalisé 47 317 706 voyages, pour une production globale de 34,8 millions de kilomètres.

Si la production kilométrique a rapidement retrouvé sa dynamique dès 2021, la fréquentation des usagers n’a connu un retour à la normale qu’en 2023, traduisant une reprise progressive de la confiance des usagers.

Actuellement, les six réseaux exploitent un parc total de 703 véhicules. Les projets de développement prévoient le doublement des voies réservées aux transports collectifs, passant de 55 km aujourd’hui à 110 km à l’horizon 2035. Le coût moyen d’exploitation est évalué à 0,70 €/km parcouru.

Enfin, le lancement en septembre 2024 de l’application MaaS Île de La Réunion Mobilité facilite désormais l’accès aux informations multimodales pour l’ensemble des usagers.

Transports aériens et maritimes : reprise confirmée

Le trafic aérien retrouve lui aussi des niveaux historiques. En 2024, l’aéroport Roland Garros a accueilli 2 658 648 passagers, soit une hausse de 7 % par rapport à 2019. Cette performance intervient malgré un contexte économique contraint marqué par l’inflation des prix des billets, la hausse du coût de la vie et les efforts de transition écologique.

Pour accompagner cette reprise, d’importants aménagements ont été réalisés : nouvelle aérogare Ouest, extension des salles d’embarquement, réorganisation des parkings et des accès.

Côté maritime, le secteur des croisières a connu un net redémarrage après une interruption totale en 2021. En 2024, 86 844 croisiéristes ont été enregistrés, soit une multiplication par quatre de la fréquentation par rapport à 2023.

L’empreinte carbone des transports toujours prédominante

Malgré ces évolutions, les transports restent de loin le principal contributeur aux émissions de CO₂ de La Réunion. En 2023, ils représentaient 62 % des émissions totales, devant la production électrique et l’agro-industrie. Le transport routier concentre à lui seul 41 % des émissions du secteur, loin devant le transport aérien (19 %) et le maritime (2 %).


DOCUMENT SOURCE :

OBSERVATOIRE DES MOBILITÉS DE LA RÉUNION – PUBLICATION 2025, copiloté par l’IDRM et l’AGORAH


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