Travaux publics : entre rebond d’activité et panne de demande au 3ᵉ trimestre 2025

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En octobre 2025, les entreprises de travaux publics ont retrouvé un peu de souffle. Après la chute enregistrée en juillet, l’activité repart à la hausse et retrouve son niveau du printemps. Mais le répit est trompeur. La Fédération nationale des travaux publics (FNTP) et l’Insee, dans leur bulletin de conjoncture d’octobre 2025, décrivent un climat marqué par la prudence et l’incertitude. Les carnets se remplissent à peine, la visibilité se réduit, et le manque de demande atteint un niveau inédit depuis près d’une décennie.

Un rebond qui cache un essoufflement

Selon la FNTP, « l’opinion des entrepreneurs sur leur activité passée au cours des trois derniers mois rebondit après sa chute en juillet ».

Le solde d’opinion repasse au-dessus de sa moyenne de long terme, à +2 contre −5 en moyenne historique. Ce sursaut s’explique surtout par les chantiers publics, dont le redémarrage est plus marqué que dans le privé.

Pourtant, la projection reste morose : le solde d’opinion sur l’activité prévue recule encore à −13, contre −11 en moyenne, confirmant que le rebond reste ponctuel. L’enquête note que les perspectives continuent de s’éroder « quasi continûment depuis avril 2024 », notamment auprès des maîtres d’ouvrage publics.

Le constat est limpide : le secteur avance par à-coups, pris entre un rattrapage technique et une attente prolongée des marchés. Les signaux ne traduisent pas une relance, mais un simple ajustement après plusieurs mois de ralentissement.

Carnets de commandes : un équilibre fragile

En apparence, les carnets s’étoffent. Le solde global atteint −21, un niveau légèrement supérieur à sa moyenne de longue période (−23). Mais cette amélioration masque une réalité plus contrastée.

Les carnets liés aux collectivités locales se dégradent nettement (−38, contre une moyenne de −30), tandis que la clientèle privée se stabilise (−27). Autrement dit, la dynamique provient du privé, alors même que la commande publique, moteur historique du BTP, reste sous tension.

Ce déséquilibre en dit long sur l’état de la commande locale. Les collectivités freinent leurs engagements, souvent par prudence budgétaire ou par manque de visibilité sur les financements de l’État.

En parallèle, le privé maintient un volume d’activité correct, mais sans impulsion nouvelle. Le résultat est un climat d’attente, où les carnets « tiennent » plus qu’ils ne se remplissent.

Incertitude record et prudence généralisée

Le bulletin souligne une envolée du sentiment d’incertitude : « le solde d’opinion sur l’incertitude économique ressentie augmente très fortement et repasse bien au-dessus de sa moyenne de long terme, atteignant son plus haut niveau depuis avril 2022 ».

Ce pic traduit la difficulté pour les entreprises d’anticiper leurs plans de charge à moyen terme.

Cette incertitude prolongée agit comme un frein invisible : les entreprises n’annulent pas leurs projets, mais suspendent leurs décisions d’investissement. Elle ne tient pas seulement à la conjoncture nationale.

Les arbitrages budgétaires des collectivités, la hausse des coûts de financement et la volatilité des prix des matériaux accentuent cette impression d’instabilité. Beaucoup préfèrent différer les embauches ou limiter les achats d’équipements, en attendant des signaux plus clairs.

Emploi : la résistance des effectifs se confirme

Pourtant, au cœur de cette instabilité, un indicateur résiste. Le solde d’opinion sur les effectifs futurs se maintient à −6, bien au-dessus de la moyenne historique (−11). Le marché du travail reste donc stable, même si la dynamique d’embauche s’essouffle.

La part d’entreprises déclarant manquer de main-d’œuvre recule à 29 %, contre 34 % en juillet, mais demeure supérieure à la moyenne de long terme (25 %).

Ce reflux traduit une double réalité : la moindre tension sur les recrutements, mais aussi une prudence accrue des employeurs. Les entreprises ajustent leurs effectifs à la marge, sans réduire brutalement leurs équipes, signe que la confiance n’a pas disparu, mais qu’elle s’érode lentement.

Le signal d’alerte : la demande s’effondre

C’est le point noir du trimestre. Une entreprise sur deux (50 %) cite le manque de demande comme principal frein à l’activité. Ce niveau n’avait plus été observé depuis 2016.

La FNTP le souligne : « la part des entreprises déclarant faire face à des contraintes de demande rebondit fortement … à un niveau inobservé depuis 2016 ».

La bascule est nette : les difficultés liées à la demande dépassent désormais celles de main-d’œuvre, signe d’un retournement conjoncturel. Cette contraction reflète la baisse de la commande publique, le ralentissement des appels d’offres et la prudence d’investissement dans le secteur privé.

En d’autres termes, le marché se grippe par le haut : moins de projets, plus d’incertitudes et une activité qui peine à se projeter.

Les autres freins restent plus contenus : 15 % des entreprises évoquent des contraintes financières, 13 % des contraintes climatiques et seulement 1 % un manque de matériel.

Outre-mer : un effet amplifié

Dans les territoires ultramarins, où la commande publique représente souvent 70 à 80 % de l’activité du secteur, un tel recul peut avoir un impact démultiplié.

Les entreprises y dépendent plus directement des cycles budgétaires et des programmes d’investissement, ce qui accentue leur exposition à la conjoncture nationale.


Travaux publics

Source : FNTP – Bulletin de conjoncture – Climat des affaires au 3ème trimestre 2025

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