Rapport USH 2025 : le logement social entre urgence sociale et sobriété foncière

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Logement social

Le rapport au Congrès 2025 de l’Union sociale pour l’habitat (USH) dresse un tableau sans appel : le logement social est au cœur des mutations démographiques, économiques et environnementales. Confronté à une demande record, à des finances fragilisées et aux impératifs de la transition écologique, le modèle Hlm reste pourtant un pilier de cohésion sociale et territoriale.

Une demande record et des profils de plus en plus fragilisés

Fin 2024, près de 2,9 millions de demandes de logement social demeuraient non satisfaites, soit une hausse de 50 % depuis 2013. Dans le même temps, le nombre de ménages français n’a progressé que de 7 %. Ce décalage illustre l’ampleur d’une crise qui dépasse la simple question de l’offre disponible.

Le profil des locataires se transforme lui aussi. Un tiers vit sous le seuil de pauvreté, et les familles monoparentales représentent désormais 23 % des ménages logés, contre 10 % dans la population générale.

Le vieillissement accentue cette tendance : 22 % des locataires Hlm sont retraités, beaucoup occupant seuls des logements trop grands. Résultat : le taux de rotation a chuté, passant de 10,4 % en 2011 à 7,3 % en 2023. Le parcours résidentiel s’enraye, limitant la mobilité au sein du parc social.

Un modèle unique et résilient

Malgré ces tensions, le modèle Hlm loge encore 10,4 millions de personnes, soit plus de 15 % de la population. Ses atouts sont incontestables : des loyers en moyenne un tiers moins élevés que dans le parc privé et 74 % des logements proposés à moins de 7 € par mètre carré.

Cette résilience s’appuie sur un système de financement original. Le Livret A, la Caisse des Dépôts et le 1 % logement constituent un socle qui garantit stabilité et ambition sociale. À l’international, ce modèle est regardé comme une référence.

L’OCDE, Housing Europe ou encore ONU-Habitat soulignent sa capacité à concilier équité sociale, durabilité environnementale et efficacité économique. En 2024, l’USH a d’ailleurs signé au Caire un partenariat inédit avec ONU-Habitat pour promouvoir l’habitat social à l’échelle mondiale.

La transition écologique en première ligne

Le logement social est également en première ligne face aux impératifs climatiques. 136 500 logements ont été réhabilités en 2023, et l’ensemble du parc devra atteindre le niveau BBC d’ici 2050. Dès 2030, les rénovations lourdes et les constructions de la commande publique devront intégrer 25 % de matériaux biosourcés ou bas-carbone.

Le défi est double : éradiquer les passoires thermiques tout en anticipant les logements “bouilloires”, de plus en plus insupportables en été. Aujourd’hui, 38 % des ménages déclarent souffrir de la chaleur dans leur logement.

Pour relever ces enjeux, les bailleurs expérimentent des solutions concrètes. À Lyon, l’opération Feel Wood menée par Rhône Saône Habitat combine réhabilitation, surélévation et extension, permettant d’ajouter 24 logements sans artificialiser de sols.

En Provence, Grand Delta Habitat développe des ressourceries pour récupérer et réemployer des matériaux. Dans les DROM, l’innovation prend d’autres formes : à Mayotte, des projets valorisent la terre crue avec Amateco et Lima.

En Guyane, la brique de terre compressée (BTC) retrouve une nouvelle actualité ; en Martinique, le dispositif Hydraloop permet de recycler les eaux grises et de réduire la consommation d’eau potable de 30 à 45 % sans modifier les usages.

Ces initiatives montrent que le logement social n’est pas seulement en rattrapage sur les normes écologiques : il devient un véritable laboratoire d’adaptation climatique, avec des solutions parfois exportables à l’international.

Un moteur économique et territorial

Au-delà du logement, le secteur Hlm constitue un puissant levier économique. En 2022, il a investi 15,8 milliards d’euros, mobilisant des filières locales et créant des emplois dans le BTP et les services.

Les clauses sociales intégrées aux marchés publics renforcent cet impact : la SHLMR, à La Réunion, a comptabilisé 200 000 heures d’insertion en 2022, faisant du logement social un acteur de l’emploi de proximité.

Le rôle territorial est tout aussi crucial. Dans les petites et moyennes villes, environ un million de logements sociaux participent à la revitalisation des centres anciens. À Bourges, par exemple, la réhabilitation d’un îlot a permis de mêler 26 logements, un atelier de 50 m² et un espace de coworking.

À Vitré, la restauration patrimoniale a redonné vie à des immeubles dégradés. Ces opérations illustrent la capacité du logement social à renforcer l’attractivité locale tout en maintenant des loyers abordables.

Des finances sous tension

Cette dynamique se heurte toutefois à une réalité budgétaire difficile. Les aides publiques diminuent régulièrement, alors que les obligations environnementales et sociales se multiplient.

L’encours de la dette des bailleurs atteint 164,2 milliards d’euros, soit l’équivalent de sept années de loyers.

La contrainte est encore plus claire lorsqu’on regarde la répartition des loyers quittancés, environ 22 milliards d’euros par an. Près de 40 % sont absorbés par le remboursement des annuités de dette, soit 8,7 milliards.

Viennent ensuite l’entretien du parc (16 %, soit 3,5 milliards) et la taxe foncière sur les propriétés bâties (11 %, environ 2,5 milliards). Autrement dit, moins d’un tiers des loyers peut être consacré à la construction neuve, à la réhabilitation ou à l’innovation.

À cela s’ajoute une délégitimation idéologique récurrente : certains discours politiques réduisent le logement social à un « privilège », voire à un capital immobilisé. Pourtant, pour de nombreux élus locaux, il reste la dernière soupape sociale, celle qui permet d’éviter un effondrement du système face à la crise du logement.


Consulter ici le Le rapport au Congrès 2025 de l’Union sociale pour l’habitat (USH)


Le rapport 2025 le montre clairement : le logement social est à la fois filet de sécurité, acteur économique et laboratoire de la transition écologique. Mais il évolue dans un environnement contraint, où ses missions s’élargissent plus vite que ses moyens.

En 2050, la France devra concilier sobriété foncière, neutralité carbone et solidarité sociale. Le secteur Hlm, par sa résilience et sa capacité d’innovation, peut y jouer un rôle central. À condition que l’État et les collectivités lui donnent les ressources nécessaires pour transformer ces ambitions en réalité.

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