Approuvé par arrêté préfectoral le 27 juin 2024, le nouveau plan ORSEC « Phénomènes météorologiques » redéfinit les modalités de gestion des risques climatiques en Guadeloupe. Conçu comme un document opérationnel, il structure la réponse collective à des aléas récurrents tels que les cyclones, les fortes pluies ou les submersions marines. Mais derrière le jargon institutionnel, il trace aussi une cartographie précise des rôles assignés à chaque acteur public et technique.
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Un outil stratégique pour la gestion des risques climatiques
La Guadeloupe est un territoire particulièrement exposé à une pluralité de risques météorologiques majeurs. Cyclones saisonniers, orages tropicaux soudains, vents violents et submersion côtière sont autant de menaces récurrentes qui pèsent sur la sécurité des populations, la continuité des services et les infrastructures critiques. Dans ce contexte, le plan ORSEC « Phénomènes météorologiques » constitue le socle de l’organisation départementale de réponse à la crise.
Coordonné par le Service Interministériel de Défense et de Protection Civiles (SIDPC), ce plan a pour objectif de garantir une réponse graduée, cohérente et partagée face aux événements climatiques, en assurant une mobilisation rapide des moyens et une circulation fluide de l’information.
Une vigilance renforcée sur trois aléas majeurs
Le plan se structure d’abord autour du dispositif de vigilance multi-paramètres de Météo France, centré sur trois phénomènes spécifiques : fortes pluies et orages, vents violents, et vagues-submersion.
Chaque aléa est associé à un niveau de vigilance codé par couleur (vert, jaune, orange, rouge), qui détermine les mesures individuelles attendues et les actions des autorités. À titre d’exemple, une vigilance orange pour pluies et orages entraîne des recommandations de sécurisation des biens, de préparation à une éventuelle évacuation et de limitation des déplacements. À chaque bulletin de vigilance correspond une cartographie, un résumé de la situation et des consignes précises diffusées par la préfecture.
Ce dispositif s’appuie sur une coordination continue entre le centre météorologique local, la préfecture, et l’ensemble des services concernés pour ajuster les réactions en temps réel.
Cyclones : une alerte graduée jusqu’au confinement total
La seconde partie du plan est dédiée aux phénomènes cycloniques, qui mobilisent un système d’alerte spécifique. Cinq niveaux d’alerte sont définis :
- Jaune : menace potentielle dans un délai de 36 à 72 heures
- Orange : menace probable à 9–36 h, début des préparatifs
- Rouge : impact très probable dans moins de 9 h, mise à l’abri impérative
- Violet : impact imminent, interdiction totale de circuler
- Gris : fin de crise, reprise progressive
Chacun de ces niveaux est accompagné de mesures rigoureuses, aussi bien pour la population (mise à l’abri, suspension des activités, sécurisation des biens) que pour les autorités (activation des PC communaux, fermeture des établissements, coordination logistique).
Le COD (Centre Opérationnel Départemental) est activé dès le niveau orange pour anticiper les conséquences et déployer les moyens nécessaires. Il réunit l’ensemble des services de l’État, les forces de sécurité, les opérateurs de réseaux critiques, les représentants des collectivités, et les experts techniques. C’est dans ce centre que se prennent les décisions stratégiques : déclenchement d’évacuations, coupures préventives de réseaux, coordination des secours, diffusion des messages à la population.
En cas de menace directe sur les locaux de la préfecture – par exemple lors de l’approche d’un cyclone de catégorie élevée – un dispositif de déport du COD peut être activé. Les lieux prévus sont notamment les centres de secours principaux de Saint-Claude (Belost) ou des Abymes (Perrin). Ce transfert opérationnel permet d’assurer la continuité des opérations même en situation dégradée.
Préfecture, mairies, opérateurs : qui fait quoi ?
Le plan ORSEC définit avec clarté le périmètre de responsabilité de chaque acteur public ou privé impliqué dans la gestion d’une crise météorologique.
- Le préfet, représentant de l’État, est l’unique autorité compétente pour déclencher et lever les alertes. Il dirige l’ensemble des opérations de secours à l’échelle départementale, mobilise les moyens civils et privés, et active le COD.
- Les maires, en tant qu’autorités de proximité, assurent la mise en œuvre locale du plan à travers le Plan Communal de Sauvegarde (PCS). Ils sont responsables de l’alerte des populations, de l’organisation des évacuations, de la gestion des abris sûrs et du soutien logistique.
- Les opérateurs de réseaux (électricité, eau, télécoms, routes…) sont mobilisés pour assurer la continuité ou la reprise rapide des services essentiels. Le plan prévoit leur mise en alerte préventive et leur intégration dans les cellules de crise.
- Les services de l’État (DAAF, DEAL, ARS, rectorat, etc.) doivent activer leur Plan de Continuité d’Activité (PCA), désigner les agents d’astreinte, vérifier les équipements, assurer la communication interne et anticiper la relève des effectifs.
Un cadre d’actions concrètes pour les services techniques
Le plan intègre un ensemble de fiches missions très détaillées à destination des acteurs clés. Ces documents précisent, pour chaque entité, les actions à mener avant, pendant et après l’événement. Par exemple :
- Les mairies doivent recenser et signaliser les abris sûrs, tester les téléphones satellitaires, mettre à jour la liste des personnes vulnérables et anticiper la logistique d’accueil.
- L’ARS organise la réponse sanitaire et prépare les établissements de soins.
- Le rectorat planifie l’évacuation des élèves internes et transmet la liste des établissements susceptibles de servir de refuge.
- Les opérateurs de transport doivent établir un plan de réquisition des moyens terrestres, aériens ou maritimes.
Pour les entreprises du BTP, le plan prévoit également des mesures spécifiques. À partir du niveau orange, elles doivent sécuriser leurs chantiers : démontage des grues, arrimage des matériaux, protection des installations électriques temporaires.
Les responsables doivent organiser l’arrêt progressif des travaux et la mise en sécurité des équipements. Ces exigences doivent être intégrées dans leur DUERP (Document unique d’évaluation des risques) ou leur Plan de Continuité d’Activité, afin de garantir la sécurité des salariés et des tiers en période de vigilance accrue.
Vers une culture opérationnelle du risque en Guadeloupe
Au-delà de l’outil réglementaire, ce plan incarne un changement de posture dans la gestion du risque climatique. Il invite les collectivités et les opérateurs à anticiper, tester, et mettre à jour régulièrement leurs dispositifs. Il appelle également à mieux informer les habitants et à ancrer les réflexes de sécurité dans les pratiques locales.
La multiplication des événements extrêmes, combinée aux enjeux spécifiques de l’insularité, renforce l’intérêt de ce document. Il devient indispensable pour construire une culture de la prévention à l’échelle du territoire guadeloupéen.
Un document à connaître pour tout acteur exposé
Le plan ORSEC « Phénomènes météorologiques » n’est pas un simple outil administratif. Il structure la gestion de crise à tous les niveaux : depuis le bulletin météo jusqu’au confinement généralisé, en passant par les mesures d’alerte, d’évacuation et de remise en état. Pour les élus, les techniciens, les opérateurs de réseau ou les entreprises exposées, il représente une feuille de route essentielle. Mieux le connaître, c’est mieux anticiper – et parfois, sauver des vies.
Consulter ici le nouveau plan des Dispositions Spécifiques ORSEC de la Guadeloupe.