OUTRE-MER. Vers un pilotage énergétique intelligent des systèmes à eau glacée avec PILOTCLIM

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PILOTCLIM

Dans les départements d’outre-mer, climatiser les bâtiments n’est pas un luxe, c’est une nécessité. Mais cette nécessité a un prix, souvent élevé, sur les réseaux électriques locaux. À La Réunion comme en Guyane, les bâtiments tertiaires représentent à eux seuls environ 35 % de la consommation d’électricité. Et dans ces bâtiments, la climatisation peut grimper jusqu’à 80 % de la facture. Dans ce contexte, un projet discret mais prometteur pourrait bien rebattre les cartes : PILOTCLIM, une expérimentation sur l’optimisation du pilotage des installations à eau glacée.

Un dogme technique remis en question : climatiser à 7°C, vraiment nécessaire ?

Depuis des décennies, la température de consigne de la boucle d’eau glacée dans les bâtiments tertiaires est fixée à 7°C pour l’eau aller et 12°C au retour. Cette règle quasi universelle a façonné les pratiques des fabricants, des bureaux d’études et des installateurs.

Elle influence le dimensionnement des équipements, la stratégie de régulation et, par ricochet, la consommation énergétique.

Mais cette consigne est-elle vraiment incontournable ? Ne pourrait-on pas climatiser efficacement à 10°C, voire 12°C ? Ce simple décalage pourrait changer beaucoup de choses. En théorie, chaque degré supplémentaire permettrait un gain énergétique de 5 à 10 %, selon la littérature technique.

Ce n’est pas anodin, surtout dans des territoires où l’électricité est chère, souvent carbonée, et soumise à de fortes contraintes de production.

PILOTCLIM : expérimenter une autre manière de rafraîchir

C’est à cette question que répond PILOTCLIM, un projet mené dans le cadre du programme OMBREE et déployé sur deux territoires : La Réunion et la Guyane.

L’idée est aussi simple que stratégique : faire évoluer la conduite des installations de climatisation centralisée à eau glacée en s’appuyant sur les conditions extérieures réelles, la saisonnalité et les besoins effectifs des usagers.

Trois sites tertiaires sont instrumentés pour mesurer finement les effets de différents régimes de température. En complément, un banc d’essai scientifique a été mis en place à l’Université de La Réunion, permettant de simuler plusieurs configurations et de croiser les données selon les conditions hygrométriques, les usages et les périodes de l’année.

Le cœur de la démarche repose sur un principe simple : remonter la température de consigne tout en s’assurant que le confort intérieur reste acceptable, notamment en matière de déshumidification. Car plus l’eau glacée est chaude, moins elle peut retirer d’humidité de l’air. En climat tropical humide, cette variable est cruciale.

Réalités ultra-marines : quand la climatisation devient structurelle

Les territoires ultramarins ont une relation particulière à la climatisation. À La Réunion, 80 % des bâtiments tertiaires sont équipés de systèmes à eau glacée. La climatisation y représente environ 50 % de la consommation électrique annuelle du secteur.

En Guyane, le climat équatorial impose des températures de l’ordre de 30°C avec une humidité relative proche de 80 %, tout au long de l’année. Résultat : la climatisation pèse entre 60 et 80 % de la consommation électrique des bâtiments tertiaires climatisés.

Ces chiffres suffisent à comprendre l’intérêt d’un projet comme PILOTCLIM. Si l’élévation de la température de boucle permet ne serait-ce qu’un gain de 2,5 à 7,5 % par bâtiment, les retombées à l’échelle territoriale deviennent significatives : jusqu’à 2,5 % de la consommation globale d’électricité à La Réunion, et 1 % en Guyane.

Des réglages simples, mais une généralisation complexe

Derrière cette apparente simplicité se cachent plusieurs défis. Le premier est d’ordre technique : les équipements doivent être capables d’opérer à des températures plus élevées sans perte de performance, et les régulations automatiques doivent être ajustées.

Le second, plus subtil, tient aux pratiques enracinées. Beaucoup d’acteurs du secteur continuent à spécifier du 7°C/12°C par réflexe ou par manque de données alternatives fiables.

C’est justement ce que veut offrir PILOTCLIM : une base de données robuste, validée sur des sites réels et dans des conditions variées, pour donner confiance aux prescripteurs, exploitants et bureaux d’études.

Autre enjeu : l’acceptabilité. Monter la température ne doit pas générer d’inconfort. Or, la sensation thermique ne dépend pas que de la température : l’humidité, la ventilation, l’occupation et même la psychologie des usagers jouent un rôle. C’est pourquoi le projet combine mesures techniques et observations in situ.


Dans le paysage des solutions énergétiques, on parle souvent de technologies disruptives, d’enveloppes performantes ou de bâtiments à énergie positive. PILOTCLIM, lui, explore une piste discrète, mais immédiatement activable : changer une consigne pour mieux consommer.

S’il confirme ses promesses, ce projet pourrait amorcer un tournant dans la manière de concevoir et d’exploiter les installations de climatisation en milieu tropical. Une innovation modeste en apparence, mais qui, appliquée à grande échelle, pourrait alléger significativement la pression sur les réseaux, réduire les factures et préserver le confort des usagers.

Encore faut-il que l’expérience se transforme en standard.

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