OUTRE-MER. Une stratégie d’État repensée avec le CIOM 2025

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CIOM 2025

Le Comité interministériel des Outre-mer (CIOM), réuni le 10 juillet 2025, n’a pas simplement aligné des mesures sur Mayotte, la vie chère ou la sécurité. Il marque un tournant plus profond : un changement de méthode dans la manière dont l’État conçoit et applique ses politiques publiques en Outre-mer. Plus participatif, plus ancré localement, ce CIOM amorce un virage stratégique majeur. À condition, bien sûr, que l’ambition annoncée soit suivie d’effets.

Un virage méthodologique assumé

Si le format du CIOM rappelle celui de ses prédécesseurs de 2009 ou 2023, son orientation en diffère nettement. Cette édition 2025 a été conçue dans l’urgence, ciblant trois priorités immédiates : la reconstruction de Mayotte après les cyclones CHIDO et DIKELEDI, la lutte contre la vie chère, et le renforcement de la sécurité dans les territoires ultramarins.

Mais derrière cette réactivité apparente, un changement de cap se dessine : celui d’une action publique repensée, articulée autour de la concertation et de l’adaptation territoriale.

Le Premier ministre François Bayrou évoque un « projet de réconciliation et de refondation », tandis que Manuel Valls, ministre d’État chargé des Outre-mer, assume une volonté de « démétropolisation ». Autrement dit, d’inverser la logique descendante qui a longtemps structuré les politiques ultramarines.

Cette inflexion se traduit concrètement par la création d’un établissement public de reconstruction à Mayotte, une loi de programmation à 4 milliards d’euros sur six ans, et surtout par une volonté affichée de replacer les élus locaux et les citoyens au cœur du pilotage.

Un CIOM décliné localement : méthode ou pari ?

C’est la grande nouveauté annoncée pour le second semestre : la déclinaison territoriale du CIOM. Chaque territoire ultramarin organisera son propre comité, précédé de consultations publiques rassemblant élus, acteurs socio-économiques, associations et citoyens.

Objectif : faire remonter les priorités du terrain et adapter les politiques nationales aux réalités locales.

Les préfets auront un rôle central : impulser, coordonner, animer. Ce changement de posture est inédit. Jusqu’ici, les préfets appliquaient des feuilles de route décidées à Paris. Désormais, ils devront également être les garants d’un dialogue permanent et structuré entre l’État et les forces vives locales.

Les thématiques annoncées sont ambitieuses : adaptation au changement climatique, souveraineté alimentaire, lutte contre les violences intrafamiliales, soutien aux entreprises, ou encore reconnaissance de la jeunesse et des cultures ultramarines.

Le CIOM national de fin d’année fera la synthèse de ces déclinaisons locales et définira la nouvelle feuille de route de l’État. Une méthode prometteuse, mais exigeante.

Une gouvernance expérimentale encore à stabiliser

Derrière l’innovation, des questions demeurent. Comment éviter que les consultations locales ne deviennent de simples exercices de communication ? Comment garantir que les arbitrages suivront les remontées du terrain ?

L’expérience passée des plans de convergence ou des contrats de développement a souvent laissé un goût d’inachevé faute d’appropriation locale ou de financement suffisant.

Le dossier de presse évoque un « pacte renouvelé entre la République et les Outre-mer ». Mais pour que ce pacte tienne, il faudra des moyens, de la constance, et une véritable capacité à co-construire. La transformation de Mayotte en « Département-Région » et la création d’une zone franche globale sont autant d’exemples d’un changement possible.

Mais ces évolutions juridiques, aussi structurantes soient-elles, ne remplaceront pas la confiance, la transparence et la continuité administrative nécessaires pour refonder durablement les relations entre l’État et les territoires ultramarins.


CIOM 2025

Consulter ici le dossier de presse du 10 Juillet 2025 – Comité interministériel des Outre-mer


Le CIOM 2025 pose les jalons d’une nouvelle manière d’agir. Il ne s’agit plus seulement de décréter des priorités depuis Paris, mais de bâtir des politiques ajustées, concertées, testées localement. Si cette logique aboutit, elle pourrait renforcer l’efficacité de l’action publique dans des territoires souvent marqués par la défiance, l’urgence et la complexité.

Le rendez-vous est donc pris pour la fin d’année. Le succès de ce nouveau cycle dépendra moins du nombre de mesures annoncées que de la qualité de leur ancrage local. Et de la capacité de l’État à accepter que, dans les Outre-mer, les solutions viennent parfois d’en bas.

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