OUTRE-MER : ce que révèle le rapport ANRU 2025 sur les défis urbains à venir

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    Outre-mer ANRU 2025

    En février 2025, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a remis au gouvernement un rapport stratégique intitulé « Ensemble, refaire la ville ». Ce document dresse un bilan approfondi des vingt dernières années de politique de la ville en France et propose les fondations d’un nouveau programme de renouvellement urbain, prévu pour 2025.

    Si les grands principes de transformation sociale, de justice spatiale et de résilience environnementale irriguent l’ensemble du rapport, un fait mérite l’attention : les territoires ultramarins y sont évoqués de manière plus soutenue qu’à l’accoutumée. Pour autant, leur place reste marginale dans la construction du cadre national. Ce constat appelle une lecture attentive des données présentées.

    Un accompagnement déjà en cours, mais des disparités persistantes

    L’ANRU est déjà active dans les cinq départements et régions d’outre-mer (DROM) : Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte. Selon le rapport, ces territoires bénéficient d’un accompagnement dans le cadre du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU). En 2025, cela représente 34 quartiers prioritaires répartis dans 16 communes, pour un montant total de 500 millions d’euros de subventions. Ces financements ont été complétés par une enveloppe de 100 millions d’euros issue de la Ligne Budgétaire Unique (LBU), spécifiquement dédiée au logement outre-mer.

    Pour autant, ces chiffres masquent des inégalités importantes dans la mise en œuvre. Certains territoires peinent à mobiliser les fonds, du fait d’une ingénierie locale insuffisante ou d’une faible articulation entre collectivités, services de l’État et partenaires techniques.

    À Mayotte et en Guyane, la pression démographique, la complexité foncière et l’importance de l’habitat informel rendent les projets de renouvellement urbain particulièrement ardus. À l’inverse, La Réunion apparaît comme un territoire plus structuré, capable de porter des projets d’envergure malgré des coûts de construction très élevés.

    Une diversité de vulnérabilités à prendre en compte

    L’un des apports importants du rapport est de reconnaître, même de manière encore partielle, la spécificité des défis rencontrés par les territoires ultramarins. D’abord sur le plan démographique : la Guadeloupe et la Martinique font face à un vieillissement accéléré de leur population, tandis que Mayotte et la Guyane connaissent une croissance démographique intense, avec une population jeune et souvent en situation de précarité.

    Ensuite, sur le plan environnemental : les territoires d’outre-mer sont exposés à des risques naturels majeurs (cyclones, inondations, érosion, séismes), à la montée des eaux, et à des tensions croissantes sur la ressource foncière.

    S’ajoutent à cela des fragilités structurelles : une filière BTP souvent peu organisée (hors La Réunion), des coûts de construction supérieurs à ceux de la métropole, et une faible disponibilité des matériaux.

    Dans ce contexte, les ambitions du renouvellement urbain doivent intégrer non seulement des enjeux d’aménagement, mais aussi des problématiques d’adaptation, de logistique, de formation et de gouvernance locale.

    Des dispositifs adaptés mais encore insuffisants

    Le rapport souligne que l’ANRU a déjà pris certaines mesures spécifiques pour répondre à ces réalités. Il s’agit notamment :

    • D’une contractualisation par étapes, adaptée aux rythmes territoriaux ;
    • De taux de subvention bonifiés ;
    • D’assouplissements dans les critères d’éligibilité liés à la production de logements ;
    • D’un soutien renforcé à l’ingénierie de projet dans les zones les moins dotées.

    L’ANAH, de son côté, a mis en place une déclinaison outre-mer de MaPrimeRénov’ Copropriété, tout en ajustant certains barèmes aux contextes insulaires. Malgré ces ajustements, le rapport reconnaît que les réponses restent incomplètes, notamment dans les zones où l’habitat informel prédomine. Il envisage la possibilité d’un programme dédié Outre-mer dans les années à venir, mais sans que cette orientation soit encore formalisée.

    Vers un programme ANRU 2025 plus ouvert aux réalités ultramarines ?

    Parmi les grandes orientations proposées, le rapport défend une approche plus différenciée des politiques publiques. Il suggère d’intégrer la vulnérabilité environnementale comme critère d’entrée dans les futurs appels à projets ANRU.

    Cela pourrait bénéficier aux territoires ultramarins, qui cumulent exposition aux risques et faible résilience urbaine. Par ailleurs, une meilleure coordination entre opérateurs publics (ANRU, ANAH, CDC, DEAL, collectivités) est appelée de ses vœux. Il s’agirait aussi de repenser les partenariats techniques dans ces territoires spécifiques, souvent freinés par des contraintes administratives, foncières ou humaines.

    Enfin, le rapport souligne que les collectivités d’outre-mer non régies par l’article 73 de la Constitution (comme Saint-Martin ou la Polynésie) ne sont pas éligibles au financement ANRU. Cette exclusion limite la portée de la politique de renouvellement urbain dans les territoires les plus exposés à la précarité du bâti.


    RESSOURCE À CONSULTER

    ANRU Cap Excellence

    ENSEMBLE, REFAIRE VILLE – Rapport remis en février 2025


     

    Une reconnaissance partielle, une opportunité à saisir

    En creux, le rapport ANRU 2025 offre aux Outre-mer un double message. D’une part, une reconnaissance accrue des vulnérabilités et des spécificités de ces territoires. D’autre part, un appel à une plus forte mobilisation des acteurs locaux pour que ces enjeux soient intégrés dès la phase de conception des futurs projets.

    Ce n’est donc pas encore un programme dédié. Mais c’est une brèche. Une opportunité. L’année 2025 pourrait marquer un tournant, à condition que les territoires ultramarins se saisissent de la dynamique proposée, qu’ils fassent entendre leurs réalités, et qu’ils soient appuyés pour le faire. Le renouvellement urbain ne pourra réellement réussir dans les DOM que s’il est conçu avec eux — et non simplement adapté à eux.

    À l’heure de la réécriture des priorités urbaines à l’échelle nationale, la place des Outre-mer ne peut rester marginale. Elle doit devenir structurante.

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