OUTRE-MER. Brasseur d’air et climatisation, le duo qui change la donne énergétique

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COOLiBRi

Dans les territoires ultramarins, la climatisation est souvent synonyme de confort. Pourtant, à mesure que les factures d’électricité grimpent et que les injonctions à la sobriété énergétique se multiplient, ce modèle montre ses limites. Et si l’avenir du confort thermique tropical passait par un duo plus discret mais redoutablement efficace : le brasseur d’air et la climatisation combinés ? C’est tout l’enjeu du projet COOLiBRi, lancé en Guadeloupe et à La Réunion, qui entend objectiver les performances de cette solution hybride et en faire une alternative crédible aux systèmes traditionnels.

Une réponse sobre à une dépendance massive à la climatisation

La climatisation représente une part significative de la consommation électrique des bâtiments dans les DROM. En résidentiel comme en tertiaire, elle est devenue quasi systématique, au point de constituer un réflexe dès la conception des locaux.

Mais cette solution n’est pas sans conséquences : pics de consommation, surdimensionnement des équipements, augmentation des émissions de CO₂ indirectes… Sans parler de l’inconfort thermique lié aux réglages parfois excessifs ou inadaptés.

Dans ce contexte, le recours combiné à des brasseurs d’airsouvent jugés insuffisants à eux seuls — et à des systèmes de climatisation pilotés intelligemment pourrait offrir une voie médiane : maintenir le confort tout en réduisant les besoins en froid.

Un potentiel prouvé, mais peu exploité

Ce n’est pas une idée neuve. Dès les années 1980, les brasseurs d’air ont été étudiés pour leur impact sur la perception de fraîcheur. Ils ne rafraîchissent pas l’air, mais améliorent le ressenti thermique en favorisant l’évaporation de la transpiration et la convection.

Résultat : les occupants peuvent tolérer une température ambiante plus élevée, tout en se sentant à l’aise.

C’est précisément cette logique qui fonde l’intérêt du couplage brasseur d’air / climatisation. En remontant la consigne de climatisation de seulement 2°C, les premiers résultats du guide BRISE (issu du programme OMBREE B-AIR) montrent des gains énergétiques de 20 à 27 %.

À Singapour, l’Université de Berkeley a mesuré jusqu’à 32 % d’économies en bureaux climatisés en passant de 24°C à 26,5°C, avec un brassage adapté.

Pourtant, malgré ce potentiel, peu de bâtiments intègrent aujourd’hui un pilotage coordonné entre les deux équipements. Les systèmes sont installés indépendamment, rarement optimisés ensemble, et les pratiques varient selon les usages et les territoires.

D’où l’intérêt du projet COOLiBRi : sortir du bricolage empirique pour objectiver, modéliser et diffuser une approche reproductible.

COOLiBRi : une expérimentation rigoureuse en conditions tropicales

Le projet COOLiBRi (Couplage de solutions hybrides de rafraîchissement d’air) est porté par LEU Réunion, en partenariat avec EQUINOXE et QWINRJ, avec un cofinancement du programme OMBREE et de l’ADEME.

Il s’ancre dans deux territoires pilotes : La Réunion et la Guadeloupe, avec un volet de diffusion prévu vers Mayotte et les Antilles.

L’approche se veut structurée, en quatre volets principaux :

  1. Un état de l’art technique, le plus exhaustif possible, des systèmes de ventilation mécanique (type brasseurs d’air), de leur couplage avec la climatisation, et des solutions de pilotage disponibles sur le marché.

  2. Une campagne de tests sur site, pour évaluer la performance énergétique des systèmes hybrides et mesurer leur acceptabilité auprès des usagers (résidentiel, tertiaire, etc.).

  3. La rédaction d’un guide technique intégrant à la fois les résultats, des préconisations opérationnelles, et des outils pour les professionnels : CCTP types, fiches installateurs, supports de formation.

  4. Une stratégie de dissémination, avec l’organisation de séminaires (présentiels et à distance) pour les maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage, et des formations spécialisées pour les installateurs et automaticiens.

L’ensemble du projet est piloté sous l’égide de l’Agence Qualité Construction, dans la continuité des travaux antérieurs du programme OMBREE, notamment le projet B-AIR.

Un guide et des formations pour transformer la pratique

Au-delà de l’expérimentation, l’ambition est claire : favoriser l’appropriation de cette solution par tous les maillons de la chaîne du bâtiment. Cela passe par une normalisation des prescriptions techniques, une meilleure connaissance des bénéfices du couplage, et des outils concrets pour les prescripteurs et les installateurs.

Les partenaires misent sur un guide technique largement diffusé, combiné à des sessions de formation ciblées, pour structurer une filière autour de cette solution hybride. C’est aussi une manière d’adapter les compétences locales à une demande croissante d’efficacité énergétique et de confort adapté.

Vers une généralisation dans les DROM… et au-delà ?

Le potentiel ne s’arrête pas aux seules Antilles ou à La Réunion. Avec la multiplication des épisodes de canicule, même dans l’Hexagone, le besoin de solutions passives ou hybrides va croissant. Le couplage brasseur d’air / climatisation pourrait ainsi devenir une nouvelle norme technique dans les zones chaudes ou semi-tropicales.

Mais pour cela, il faudra lever plusieurs freins : l’absence de dispositifs intelligents grand public, le cloisonnement entre corps de métiers, la faible culture de la régulation thermique fine, et la logique du « tout clim » encore bien ancrée dans les habitudes.

C’est pourquoi le projet COOLiBRi est porteur d’un enjeu plus large que sa simple dimension technique : il interroge la manière dont nous concevons, rénovons et habitons les bâtiments dans un monde en réchauffement.


Sobre, efficace, accessible et reproductible : le couplage brasseur d’air / climatisation tel qu’étudié dans le projet COOLiBRi pourrait bien devenir une brique essentielle de l’architecture tropicale contemporaine. En articulant confort thermique, performance énergétique et acceptabilité des usagers, cette solution hybride montre qu’il est possible de rafraîchir autrement, sans renoncer à la sobriété ni au bien-être. Et peut-être de construire, dès aujourd’hui, les standards de demain pour les bâtiments ultramarins.

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