OUTRE-MER. 8 projets prioritaires du NPNRU pour lutter contre l’habitat indigne et l’exclusion

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Depuis 2014, le Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU) déploie une ambitieuse stratégie de transformation dans 448 quartiers prioritaires à travers la France. Si l’attention se porte souvent sur les grandes métropoles de l’Hexagone, les territoires d’Outre-mer figurent pourtant parmi les bénéficiaires les plus sensibles et les plus stratégiques de ce programme. Habitat insalubre, urbanisation informelle, exposition accrue aux effets du dérèglement climatique : les projets ultramarins du NPNRU combinent des enjeux urbains, sociaux et environnementaux majeurs. Le bilan publié en décembre 2024 par l’ANRU dresse un état des lieux riche d’enseignements.

Des quartiers ultramarins au cœur des priorités nationales

Parmi les 448 quartiers engagés dans le NPNRU, 14 se situent dans les départements et régions d’Outre-mer, avec une particularité notable : 8 d’entre eux sont classés “d’intérêt national, en raison de la gravité des dysfonctionnements urbains qu’ils concentrent.

C’est une reconnaissance explicite de la situation critique de certains quartiers ultramarins, marqués par la présence de bidonvilles, l’habitat informel ou fortement dégradé, le manque d’infrastructures de base et une forte pression foncière et sociale.

Ces quartiers, que l’on retrouve en Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte, présentent souvent un cumul de fragilités qui justifie des interventions lourdes : relogement, démolition-reconstruction, rénovation thermique, création d’équipements publics.

Dans ces contextes, le NPNRU ne se limite pas à améliorer l’environnement urbain, il constitue une réponse structurelle à des problématiques sociales et sanitaires profondément enracinées.

Un impact discret dans les chiffres, mais stratégique sur le terrain

Les Outre-mer comptent 14 projets NPNRU, soit une part modeste du total national. Pourtant, leur impact est majeur. Ces territoires cumulent des fragilités structurelles : pauvreté élevée, habitat informel, manque d’équipements essentiels.

Même si le bilan ne chiffre pas précisément le nombre d’habitants concernés, il s’agit souvent de quartiers entiers en transformation, avec des effets concrets sur la santé, l’accès aux services ou la scolarisation.

Dans des contextes comme Mayotte ou la Guyane, marqués par une forte croissance démographique et une pression foncière, ces projets sont stratégiques pour la stabilité urbaine. Malgré leur faible nombre, ils répondent à des enjeux profonds et urgents.

Matoury (Guyane) : un modèle d’adaptation climatique

Parmi les projets les plus exemplaires, le quartier Copaya à Matoury en Guyane illustre l’approche intégrée que permet le NPNRU dans les Outre-mer. Dans cette commune en pleine croissance, 140 logements neufs ont été livrés dans une logique de conception bioclimatique. La région ayant enregistré des températures record atteignant 39,1 °C en octobre 2023, l’enjeu du confort d’été était central.

Pour y répondre, les logements sont traversants afin d’assurer une ventilation naturelle, des brasseurs d’air ont été installés dans toutes les chambres, les toits débordants protègent les façades des rayons directs du soleil, et des brise-soleil ont été intégrés pour améliorer le confort intérieur.

Ce projet s’inscrit également dans une transformation globale du quartier, incluant un pôle enfance, une école et des aménagements urbains végétalisés. Il s’agit d’un exemple concret de résilience urbaine en climat tropical, qui pourrait inspirer d’autres projets similaires dans la région.

Adapter l’urbanisme tropical : vers des quartiers résilients

Le bilan de l’ANRU souligne que les quartiers prioritaires ultramarins sont particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique, en raison de leur urbanisme dense et peu adapté, de leur faible performance énergétique et du manque de végétation.

Dans ce contexte, le NPNRU agit sur plusieurs leviers pour renforcer la résilience des territoires : isolation thermique, matériaux biosourcés, gestion des eaux pluviales, réduction des îlots de chaleur, mobilité décarbonée.

Pour accélérer cette transition, une démarche spécifique baptisée « Quartiers Résilients » a été lancée en 2022. Elle mobilise 250 millions d’euros, dont 77 millions déjà alloués en 2024, pour accompagner 49 quartiers pilotes, dont certains en Outre-mer.

L’objectif est d’aller plus loin dans la conception durable des logements, l’adaptation des espaces publics et l’intégration des enjeux sanitaires et climatiques dans les politiques d’aménagement. Ce cadre encourage les maîtres d’ouvrage à penser l’urbanisme comme un outil de santé publique et de justice environnementale.

Un levier pour la mixité sociale et la lutte contre les inégalités

L’une des ambitions fondamentales du NPNRU est de corriger les déséquilibres sociaux et spatiaux, en rompant avec la concentration exclusive de logements sociaux dans certains quartiers. Cette logique s’applique pleinement aux Outre-mer, où l’offre de logements abordables reste largement insuffisante et mal répartie.

Le programme impose que chaque logement social démoli soit remplacé par un autre, mais dans un lieu différent du quartier d’origine, afin d’éviter la reproduction des mêmes déséquilibres. 82 % des logements locatifs sociaux reconstruits le seront hors des QPV, ce qui permet de reconfigurer le tissu urbain à l’échelle des agglomérations.

À cela s’ajoutent des programmes de diversification de l’habitat, mêlant logement social, accession sociale à la propriété et logement locatif intermédiaire. L’enjeu est d’attirer des profils de ménages plus variés, y compris les classes moyennes salariées, dans des quartiers historiquement marginalisés.

Dans un territoire comme Mayotte, où les tensions foncières et la pression démographique sont très fortes, ce rééquilibrage prend une dimension à la fois sociale, politique et opérationnelle.

Emploi local : un levier de transformation sociale dans les Outre-mer

Si l’objectif premier du NPNRU est de rénover l’habitat et les équipements, il sert aussi de levier économique local, notamment à travers les clauses d’insertion. Le bilan national affiche 22 585 bénéficiaires entre 2017 et 2024, pour près de 8 millions d’heures de travail, mais sans distinction géographique. Pourtant, dans les Outre-mer, ce dispositif prend une importance accrue.

Ces territoires affichent des taux de chômage structurellement deux à trois fois supérieurs à ceux de la métropole, avec une surreprésentation des jeunes sans diplôme ni formation. Les chantiers NPNRU offrent alors des opportunités d’insertion concrètes : participation aux travaux de voirie, à la réhabilitation de logements, à l’entretien des espaces publics ou à la logistique de chantier.

En parallèle, l’ANRU finance des postes de pilotage de projet dans les collectivités, contribuant à la montée en compétence des acteurs locaux. Cette dynamique permet non seulement de créer de l’emploi non délocalisable, mais aussi de construire un vivier de compétences locales pour accompagner la transition écologique et urbaine sur le long terme.

Des projets encore sous-financés et sous-documentés ?

Si le bilan de l’ANRU accorde une place importante aux ambitions du NPNRU dans les Outre-mer, les exemples concrets restent peu nombreux en dehors du cas guyanais de Matoury. Aucune opération précise n’est détaillée pour la Guadeloupe, la Réunion, la Martinique ou Mayotte, alors même que des projets y sont en cours. Cette absence de visibilité pourrait refléter un manque de documentation, une montée en puissance plus lente, ou des difficultés spécifiques d’ingénierie.

L’ANRU finance pourtant 739 postes équivalents temps plein (ETP) dans les collectivités pour soutenir l’ingénierie locale, mais les Outre-mer doivent souvent composer avec un déficit structurel de compétences techniques pour monter et suivre ces projets complexes. Par ailleurs, les coûts de construction plus élevés, les contraintes foncières et les délais administratifs constituent des freins supplémentaires.

Malgré ces obstacles, le programme avance, mais les porteurs de projets locaux réclament souvent plus de moyens, de flexibilité et de suivi adapté aux réalités insulaires ou amazoniennes. Le défi à venir est de soutenir davantage ces initiatives locales, en renforçant leur accompagnement stratégique et technique.


Consulter ici le Bilan de l’allocation financière : le cadre de vie des habitants amélioré par le NPNRU


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