MAYOTTE. une activité sismo-volcanique persistante, sous étroite surveillance en mai 2025

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Depuis mai 2018, le territoire de Mayotte est confronté à un phénomène géologique exceptionnel : la naissance et le développement d’un volcan sous-marin à 50 kilomètres à l’est de Petite-Terre. Si l’éruption semble aujourd’hui terminée, les signes d’une activité profonde ne disparaissent pas. Le bulletin de mai 2025, publié par le REVOSIMA, fait état d’une situation à la fois stable en surface et toujours dynamique en profondeur. Retour sur les principaux enseignements de cette surveillance continue.

Une sismicité toujours active, bien que modérée

Dès les premières lignes du bulletin, un constat s’impose : la sismicité ne faiblit pas. En mai 2025, 387 séismes volcano-tectoniques (VT) ont été détectés, auxquels s’ajoutent 26 séismes longue période (LP) et 1 séisme très longue période (VLP). Ce niveau d’activité est comparable à celui des mois précédents, traduisant une persistance des mouvements en profondeur, même en l’absence de manifestations éruptives en surface.

Les épicentres restent concentrés entre 5 et 15 kilomètres à l’est de Petite-Terre, avec des foyers situés principalement entre 20 et 50 km de profondeur. Ce couloir sismique, actif depuis 2018, continue de focaliser l’attention des chercheurs. D’un point de vue énergétique, la majorité des événements sont de faible magnitude : seuls 2 séismes dépassant M3 ont été localisés, et aucun séisme de magnitude M4 ou plus n’a été enregistré au cours du mois.

Pour autant, plusieurs signaux retiennent l’attention. D’une part, les séismes LP et VLP – souvent interprétés comme les témoins de mouvements de fluides magmatiques ou hydrothermauxse produisent toujours par petits essaims de quelques dizaines de minutes. D’autre part, certains événements se manifestent plus près des côtes ou sous Petite-Terre, suggérant que la zone affectée reste large et diffuse. En somme, l’activité sismique se stabilise mais ne disparaît pas.

Fani Maoré : un volcan silencieux, mais sous haute surveillance

À première vue, le volcan sous-marin Fani Maoré semble s’être tu. Depuis décembre 2020, aucune nouvelle coulée de lave n’a été identifiée, ni par observation directe, ni par analyse bathymétrique. Les dernières traces d’éruption remontent probablement à l’automne 2020, confirmées par la campagne MAYOBS17 menée en janvier 2021.

Toutefois, ce calme apparent ne doit pas masquer l’ampleur du phénomène. En un peu plus de deux ans, environ 6,55 km³ de lave ont été émis – un volume exceptionnel pour un volcan effusif, comparable aux grandes éruptions historiques. Par ailleurs, la structure elle-même est imposante : son sommet culmine à 817 m au-dessus du fond océanique, qui repose à près de 3 400 m de profondeur.

Or, malgré l’arrêt des coulées, les scientifiques n’excluent aucun scénario pour les mois ou années à venir : la reprise d’activité sur le même site, l’ouverture d’un nouveau centre éruptif ailleurs sur la chaîne sous-marine, ou un arrêt durable. Tant que l’activité profonde persiste, le volcan reste potentiellement actif.

Le Fer à Cheval, foyer d’émissions hydrothermales intenses

L’un des points les plus suivis dans ce bulletin concerne la zone du Fer à Cheval, située à une dizaine de kilomètres de Petite-Terre. Cette structure volcanique sous-marine, antérieure à Fani Maoré, est aujourd’hui le principal site d’émission de fluides hydrothermaux surveillé par les équipes scientifiques.

Au total, 23 sites actifs d’émission ont été identifiés depuis 2019. En mai 2025, 17 d’entre eux ont confirmé leur activité, certains montrant même une intensification des panaches détectés acoustiquement. Ces colonnes de fluides, visibles dans la colonne d’eau grâce aux sondeurs multifaisceaux, peuvent atteindre plus de 1 000 mètres de hauteur, parfois jusqu’à 250 m sous la surface.

D’un point de vue géochimique, les mesures sont tout aussi significatives. Les fluides émis sont constitués à 99 % de CO₂ d’origine mantellique, avec de faibles teneurs en méthane et dihydrogène. Les isotopes du carbone (δ¹³C) et de l’hélium (³He/⁴He) confirment une source magmatique profonde. Autrement dit, bien que le volcan ne crache plus de lave, des fluides chauds issus du manteau continuent d’être libérés à travers le plancher océanique.

Le planeur sous-marin SeaExplorer, déployé sur plus de 430 km et 335 heures, a permis de suivre ces anomalies avec précision. Résultat : aucune nouvelle source majeure n’a été détectée en dehors des sites connus, mais l’activité reste dynamique, avec des variations d’intensité au sein même du réseau de sources.

Sol stable en surface, mais la vigilance reste nécessaire

Côté déformation, la situation semble plus calme. Les capteurs GPS installés sur l’île ne détectent plus de mouvements significatifs depuis la fin 2020. Les déplacements enregistrés pendant la phase active (jusqu’à 25 cm vers l’est et 19 cm d’affaissement) ont cessé, et les données actuelles sont trop faibles pour être distinguées du bruit ambiant (variations hydrologiques, atmosphériques…).

Même constat pour les capteurs de pression A-0-A installés sur le plancher océanique : aucune déformation lente ni transitoire n’a été observée entre les deux stations surveillées. Cela suggère, pour le moment, une stabilité mécanique du système à grande échelle. Néanmoins, les scientifiques rappellent que cette absence de signal n’est pas une garantie : le magma peut continuer à migrer en profondeur sans provoquer de déformation mesurable.

Des gaz toujours présents à terre, mais en baisse

Sur Petite-Terre, deux zones sont connues pour leurs émissions gazeuses naturelles : la plage de l’aéroport et le lac Dziani Dzaha. Depuis 2020, une station de mesure automatique suit ces dégagements de CO₂, indicateurs indirects de l’activité magmatique profonde.

Les données montrent une stabilisation, voire une légère diminution, de ces flux. La composition isotopique des gaz tend à se rapprocher des niveaux pré-crise, tout comme les températures d’équilibre des fluides souterrains (autour de 50 °C). Le lac Dziani montre lui aussi un retour à l’équilibre, avec un pH stabilisé et des concentrations isotopiques en déclin depuis fin 2022.

Ces signaux, bien que rassurants, restent à interpréter avec prudence : ils indiquent une réduction de l’apport magmatique profond, mais ne suffisent pas à exclure une reprise future.

Un système magmatique encore mobile et partiellement méconnu

Au-delà des observations immédiates, les analyses scientifiques poursuivent leurs investigations sur le fonctionnement interne du système magmatique. Les modélisations indiquent qu’un vaste réservoir profond, situé à l’est de Mayotte, a alimenté la crise depuis 2018. C’est la dépressurisation de ce réservoir qui a généré les importantes déformations initiales.

Aujourd’hui, même en l’absence de déformation détectable, la persistance de la sismicité et des émissions hydrothermales laisse penser que le système reste partiellement actif. Plusieurs hypothèses sont encore explorées : soit une poursuite lente de la migration du magma vers l’est, soit des réajustements internes sans émergence immédiate.

La complexité de la zone réside aussi dans l’existence d’une chaîne de volcans sous-marins alignés sur plus de 50 km vers le sud-est, constituant un édifice géologique largement inaccessible et encore insuffisamment daté. Les campagnes en cours visent précisément à mieux caractériser la chronologie de ces éruptions sous-marines successives.

Une surveillance scientifique étroitement coordonnée

L’ensemble de ces observations repose sur un dispositif scientifique unique. Depuis le déclenchement de la crise, la surveillance est assurée par le REVOSIMA, sous la coordination conjointe de l’IPGP et du BRGM, en association avec l’IFREMER, le CNRS, l’IRD, les TAAF, ainsi que de nombreuses universités françaises et organismes partenaires (IGN, Météo-France, CNES…).

Grâce à la densification des réseaux sismiques, au déploiement de sismomètres sous-marins, à l’amélioration des algorithmes de détection (notamment via des réseaux de neurones depuis 2021) et aux campagnes bathymétriques régulières, le suivi de la crise bénéficie aujourd’hui d’une qualité de données inédite dans un contexte ultramarin. Ce dispositif permet un suivi en temps quasi-réel des signaux détectés à terre et en mer.

Des enjeux concrets pour la gestion des risques à Mayotte

Si la situation volcanique reste stabilisée en apparence, le territoire demeure exposé à plusieurs aléas naturels. D’une part, la sismicité modérée actuelle ne permet pas d’écarter la survenue de séismes plus importants à court ou moyen terme, similaires à ceux de 2018, dont les magnitudes avaient atteint M5.9. D’autre part, la possibilité d’une reprise éruptive, qu’elle soit sous-marine ou non, implique également un risque de tsunami localisé en cas de déstabilisation des pentes sous-marines.

Ces incertitudes justifient la poursuite des travaux engagés sur les plans de prévention des risques (PPRN), la consolidation des normes de construction parasismique, ainsi qu’une vigilance permanente sur les réseaux de transport, les infrastructures stratégiques et les zones côtières densément peuplées.


Document source :

Le Bulletin d’activité sismo-volcanique à Mayotte – Mai 2025 – REVOSIMA.


La dynamique sismo-volcanique de Mayotte reste un facteur structurant pour l’aménagement et la gestion des infrastructures du territoire. Au-delà des observations scientifiques, ces données alimentent directement la planification des risques, essentielle pour sécuriser les projets urbains, côtiers et de développement à long terme.


Les bulletins mensuels antérieurs sont disponibles sur le site de la DEALM de Mayotte.

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