
À Mayotte, territoire contraint par l’insularité et un retard d’équipements, l’ADEME intensifie depuis 2024 son soutien aux projets environnementaux.
Énergies renouvelables, infrastructures de gestion des déchets, accompagnement technique aux entreprises : les actions se concrétisent sur le terrain, portées par une trentaine de dispositifs publics et des partenariats locaux.
Tour d’horizon d’une transition en marche, à travers des projets phares et des dynamiques structurelles.
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L’autoconsommation solaire prend pied dans l’hôtellerie locale
À Kani-Kéli, dans le sud de l’île, l’hôtel Le Jardin Maoré illustre les ambitions locales en matière d’énergie renouvelable. En 2021, l’ADEME finance une étude de faisabilité pour l’intégration du photovoltaïque sur le site. L’année suivante, elle accorde une aide de 45 550 euros pour l’investissement. Résultat : 489 m² de panneaux solaires installés sur deux bâtiments, pour une puissance de 99,63 kWc et une production estimée à 131 827 kWh par an. L’électricité générée couvre désormais 20 % des besoins énergétiques du complexe hôtelier.

Ce projet est emblématique d’une stratégie d’accompagnement étroit des entreprises locales dans la maîtrise de leur consommation. Comme l’explique Emmanuel Ruelland, ingénieur Transition Énergétique à l’ADEME Mayotte : « Ce chantier démontre qu’il est possible et intéressant d’intégrer l’énergie solaire photovoltaïque à Mayotte. » L’agence a également soutenu une étude similaire pour l’hôtel Trévani, cette fois sur la production d’eau chaude solaire.
Ces premières réalisations ouvrent la voie à une plus large diffusion de la chaleur renouvelable dans un territoire fortement ensoleillé, mais encore très dépendant des chauffe-eaux électriques. Comme le rappelle Yann Le Bigot, directeur régional délégué de l’ADEME Océan Indien – sur Mayotte Hebdo – « nous sommes sur une zone non-interconnectée, ce qui nous oblige à être très attentifs à la question de l’énergie. »
Une première déchèterie fixe ouvre la voie à une meilleure gestion des déchets
La mise en service de la déchèterie de Malamani, en septembre 2024, marque une rupture nette avec la situation antérieure du territoire. Portée par le syndicat SIDEVAM 976, elle constitue la première infrastructure fixe de ce type à Mayotte. Implantée sur un terrain mis à disposition par le Conseil départemental, l’installation a été financée à hauteur de 1,71 million d’euros par l’Union européenne et de 750 000 euros par l’ADEME.
Accessible gratuitement six jours sur sept, la déchèterie propose une quinzaine de flux de tri, incluant ferrailles, encombrants, déchets verts (avec broyage sur site), mais aussi produits chimiques, jouets, électroménager, textiles et plastiques.
Pensée pour favoriser le réemploi et limiter les dépôts sauvages, elle répond à une urgence sanitaire autant qu’environnementale. 7 autres déchèteries sont déjà à l’étude pour mailler l’ensemble de l’île d’ici les prochaines années.
Des déchets encore très organiques et peu triés
Les données disponibles confirment un profil de déchets fortement marqué par les biodéchets : 25 % de la composition des ordures ménagères à Mayotte. En moyenne, 1 habitant produit 216 kg de déchets résiduels par an, selon les dernières campagnes MODECOM™. Le gaspillage alimentaire, quant à lui, est évalué à 3 kg par habitant et par an, soit le plus faible taux des départements d’Outre-mer.
Ces chiffres s’inscrivent dans un contexte de mise en conformité progressive avec la loi AGEC, qui rend obligatoire depuis janvier 2024 le tri à la source des biodéchets. À Mayotte, l’accès aux solutions de tri – composteurs individuels ou collectifs, bornes de dépôt, plateformes de traitement – reste encore limité. Alors que la Martinique affiche un taux d’accès au tri de 60 % et la Réunion entre 22 et 32 %, la situation à Mayotte reste en retrait.
L’ADEME insiste sur la nécessité d’élargir rapidement l’offre de solutions locales, notamment en habitat collectif, par la formation de référents de site et la création de microplateformes de compostage.
Former les acteurs à l’alimentation durable
Pour accompagner la mutation des pratiques, l’ADEME soutient également des actions de sensibilisation. Le MOOC Let’s Food, déployé depuis fin 2024 dans plusieurs territoires ultra-marins dont Mayotte, propose une formation express à destination des collectivités, associations, entreprises et citoyens.
L’objectif est de comprendre les leviers pour une alimentation plus saine, locale et sobre en ressources, et construire des stratégies alimentaires territorialisées. Cette action s’inscrit dans une vision systémique de la transition écologique, intégrant consommation, production et gestion des déchets.
Une trentaine d’aides à la transition énergétique pour les entreprises
En novembre 2024, l’ADEME publie un guide synthétique dédié aux entreprises mahoraises souhaitant engager des démarches de transition énergétique. Il recense près de trente dispositifs d’aides, répartis en trois grandes familles : accompagnements techniques, financements d’investissements, et mobilités durables.
Pour les études (diagnostics, faisabilités, audits), l’aide peut atteindre 80 % des dépenses éligibles pour les petites entreprises. Les études doivent impérativement être sollicitées avant la signature d’un devis. Parmi les outils disponibles figurent le Diag Décarbon’action, l’ACT Pas à pas, le Diag Eco Flux ou encore les études de récupération de chaleur fatale et de géothermie.
Selon Vincent Chausserie-Laprée, ingénieur référent ADEME à Mayotte sur Mayotte Hebdo, article du 22 novembre 2024 : « Un porteur de projet peut nous présenter un devis, mais il ne doit pas y avoir encore d’engagement. Il est important de nous contacter dès la phase de réflexion. »
Photovoltaïque, vélos, méthanisation : les projets se multiplient
Au-delà des études, l’ADEME soutient l’investissement dans des projets très concrets : installation de panneaux solaires, de pompes à chaleur, de dispositifs de méthanisation, ou encore infrastructures de stationnement vélo. Les dispositifs comme Tremplin pour la transition écologique, les primes S24 ZNI ou encore la subvention investissement Outre-mer permettent d’accompagner la réalisation opérationnelle des projets, avec des taux de soutien pouvant aller jusqu’à 65 % pour les équipements.
En 2024, les aides allouées par l’ADEME aux territoires ultramarins ont atteint plus de 110 millions d’euros, dont une large part destinée aux projets d’économie circulaire (54 %) et d’énergies renouvelables (25 %). Mayotte bénéficie de cette dynamique, avec des projets ciblés comme celui de l’hôtel Le Jardin Maoré ou la déchèterie de Malamani.
La société Mob’hélios, spécialisée dans la location de vélos à assistance électrique, a également bénéficié d’un accompagnement pour l’installation de ses conteneurs. L’ADEME soutient également les entreprises qui investissent dans des infrastructures cyclables, via le programme « Objectif Employeur Pro-Vélo ».
Ressource à consulter :
- ADEME Outre-mer #8
- Synthèse des dispositifs d’aides à la transition énergétique pour les entreprises de Mayotte – ADEME
Une transition à portée de main, encore à amplifier
En soutenant des projets structurants et en mettant à disposition des outils adaptés au contexte mahorais, l’ADEME joue un rôle central dans la transformation énergétique et écologique du territoire.
Les dynamiques engagées en 2024 et 2025 témoignent d’une volonté de rattrapage et de structuration. Reste à amplifier l’essaimage des bonnes pratiques, à consolider les filières locales, et à étendre les équipements pour répondre à l’urgence climatique, dans un territoire plus que jamais en première ligne.