MAYOTTE. l’urgence d’une reconstruction durable après le cyclone CHIDO

0
reconstruction Mayotte Chido

Mayotte se trouve aujourd’hui à un tournant historique. Bien avant que le cyclone CHIDO ne frappe l’île en décembre 2024, le territoire était déjà fragilisé par des décennies de retards structurels. Absence d’infrastructures essentielles, urbanisme anarchique, pression démographique incontrôlée : la crise n’est pas née d’hier, elle s’est installée lentement, au fil des années.

À travers les témoignages d’acteurs de terrain, politiques et citoyens, relayés notamment lors de la rencontre « Mayotte, et après ? » organisée par Le Point en février 2025 dans le cadre des Outre-mer aux avant-postes, émerge un constat sans appel : le passage de Chidô n’a fait que précipiter l’effondrement d’un territoire en crise latente. Aujourd’hui, l’urgence n’est pas seulement de réparer, mais de repenser entièrement le modèle de développement de Mayotte.

Un territoire déjà fragilisé par des décennies de retard

Bien avant CHIDO, Mayotte portait les marques d’un développement désordonné. L’anarchie foncière règne sur l’île : absence de cadastre, constructions informelles proliférantes, urbanisme inexistant. La situation est aggravée par une poussée démographique spectaculaire : en trente ans, la population a été multipliée par dix, passant d’environ 50 000 habitants à près de 300 000 aujourd’hui.

Cette explosion démographique s’est doublée d’une immigration clandestine massive, principalement en provenance des Comores voisines. Les écoles fonctionnent en rotation, l’accès à l’eau potable est aléatoire, et l’offre de soins est dramatiquement insuffisante. Les services publics, en sous-effectif chronique, peinent à suivre : Mayotte fonctionne depuis des années en « mode dégradé« , avec des conséquences dramatiques pour les habitants.

La reconstruction : un défi monumental et une opportunité historique

Face à l’ampleur des destructions, il ne s’agit pas simplement de reconstruire à l’identique, mais de refonder Mayotte sur des bases solides. Pour les acteurs locaux, à commencer par Estelle Youssouffa, l’urgence est claire : Mayotte n’a pas besoin d’expérimentations hasardeuses, mais d’une véritable planification structurée.

Parmi les priorités identifiées figurent :

  • L’agrandissement urgent de l’aéroport de Pamandzi, indispensable pour rompre l’isolement insulaire.
  • Le développement d’un réseau d’eau durable : réservoirs collinaires, usines de dessalement, collecte des eaux pluviales.
  • La réorganisation complète du foncier : identification des propriétés, régularisation, planification urbaine adaptée.
  • L’application stricte de normes de construction parasismique et paracyclonique.

Mayotte doit sortir du provisoire. Le défi est immense, mais il constitue une opportunité historique pour refonder l’île sur des bases plus justes et plus résilientes.

Immigration et insécurité : des défis à affronter sans tabou

La pression migratoire représente un élément central de la crise mahoraise. Avec près de 50 % de la population d’origine étrangère et jusqu’à 80 % d’élèves étrangers dans certaines classes, l’île subit une tension inégalée.

Le cyclone CHIDO n’a pas interrompu les flux de kwasa-kwasa (embarcations clandestines). Au contraire, il a accentué la fragilité des dispositifs de surveillance, déjà insuffisants. L’état d’urgence migratoire que connaissent les Mahorais n’est plus contestable : sans contrôle renforcé aux frontières et sans réforme en profondeur de la politique migratoire, toute reconstruction sera vouée à l’échec.

Les déclarations politiques, qu’elles parlent de « submersion migratoire » ou de « fléau« , ne suffisent plus : à Mayotte, l’attente est celle d’actions concrètes pour garantir la sécurité et la stabilité sociale.

Comment construire l’avenir de Mayotte ?

Bâtir l’avenir de Mayotte exige bien plus qu’une simple mobilisation d’urgence. Il faut une vision à long terme, ambitieuse et inclusive.

Les fonds européens, en tant que région ultra-périphérique, offrent un levier financier majeur. Toutefois, leur obtention suppose de renforcer l’ingénierie administrative et de corriger les carences historiques dans la gestion des dossiers. Les erreurs passées, marquées par une mauvaise utilisation des aides européennes, ne doivent plus se reproduire.

Le rôle du secteur privé est également crucial : à travers l’accès à des prêts d’urgence, le soutien aux petites entreprises locales et le maintien de l’activité économique, il est un moteur indispensable à la relance.

Surtout, il est indispensable de replacer les Mahorais au centre du projet de reconstruction. Leur expertise du terrain, leur résilience et leur aspiration à une vie digne doivent être les boussoles de toute politique publique.

Au-delà des infrastructures, c’est la fierté d’appartenir à la République qui est en jeu. C’est en investissant dans l’éducation, la santé, l’eau, la sécurité et le développement économique que Mayotte pourra se relever durablement.

Car derrière l’urgence humanitaire, c’est le destin d’un département français, le plus jeune et le plus vulnérable, qui se joue, loin des regards, au cœur de l’océan Indien.



 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici