Le 11 septembre 2025, le CAUE et la DEAL de Mayotte ont réuni au PER de Coconi l’ensemble des acteurs du bâtiment pour le séminaire de clôture du programme OMBREE 2. Le rendez-vous, placé sous le thème « Choisir des solutions passives pour plus de sobriété », a mis en lumière trois années d’expérimentations concrètes menées dans l’île autour d’un même enjeu : concevoir, rénover et gérer les bâtiments autrement, en s’appuyant sur les ressources locales et la réalité du climat mahorais.
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OMBREE : trois ans pour construire autrement
Lancé par l’Agence Qualité Construction (AQC), en partenariat avec le Cerema et le réseau des CAUE d’Outre-mer, OMBREE — pour Optimisation et Maîtrise du Bâtiment par la Recherche et l’Expérimentation — a accompagné de 2022 à 2025 la transition énergétique du bâtiment dans les territoires ultramarins.
Son ambition ? Réduire les consommations d’énergie dans les logements et les bâtiments tertiaires, tout en s’appuyant sur les expertises locales pour créer des outils et méthodes adaptés aux réalités climatiques tropicales.
En trois ans, 12 projets lauréats ont été incubés dans les DROM, dont quatre à Mayotte. Ces projets ont permis de mieux comprendre les spécificités du climat local, d’expérimenter des solutions techniques et de proposer des outils accessibles aux professionnels comme aux particuliers.
4 projets lauréats pour transformer le bâti mahorais
CLIMAYOTTE : mesurer pour concevoir
À l’origine du projet Climayotte, piloté par Intégrale Ingénierie, une idée simple : impossible de construire durablement sans connaître son climat. Deux stations météorologiques ont donc été installées à Dembéni et Ouangani pour affiner les données locales. Les premières analyses confirment une tendance nette : une hausse des températures de +2,5 à +3 °C d’ici 2070 et un taux d’inconfort pouvant doubler, passant de 30 % à 65 %.
Ces résultats soulignent l’urgence d’adapter les bâtiments aux réalités futures. Le projet met en avant des leviers concrets : orientation, ventilation traversante, végétalisation et protection solaire. À terme, les données de Climayotte alimenteront la future réglementation thermique des DOM et aideront les concepteurs à bâtir pour le climat de demain.
REBAM : simplifier la rénovation des logements
Comment aider les ménages à améliorer leur confort sans se ruiner ? C’est la question à laquelle répond REBAM, porté par SOLIHA Mayotte et WattSmart. Inspiré d’un outil antillais, ce dispositif gratuit permet d’identifier en quelques minutes les travaux les plus utiles et les aides financières disponibles.
Dans un territoire où le résidentiel représente près de 70 % de la consommation électrique, REBAM change la donne. Les ménages peuvent désormais simuler leur projet de rénovation, estimer leurs gains et recevoir une fiche personnalisée. Pour les conseillers France Rénov’, c’est un outil pédagogique et opérationnel qui facilite le passage à l’action.
Devenir Acteur MDE : piloter la consommation tertiaire
Le projet Devenir Acteur MDE, conduit par Artelia, cible cette fois les bâtiments tertiaires, souvent climatisés sans interruption. Grâce à la plateforme publique Ewattch Cloud, plusieurs sites pilotes ont pu suivre leurs consommations en temps réel.
Les premiers résultats parlent d’eux-mêmes : l’arrêt nocturne des climatisations ou la mise en place d’un double point de consigne permettent de réduire sensiblement la facture énergétique. Ces pratiques simples, désormais documentées dans 5 fiches de bonnes pratiques, illustrent comment une gestion fine des usages peut générer des économies immédiates.
Aspir’Haut : ventiler naturellement
Dernier projet présenté, Aspir’Haut, mené par LEU Réunion et le BET Résiliens, s’intéresse à la ventilation naturelle. En s’appuyant sur des dispositifs d’extraction d’air en toiture — puits, patios, canyons dépressionnaires —, les ingénieurs ont cherché à quantifier leurs performances thermiques et aérauliques. L’objectif ? Offrir aux concepteurs des outils de prédimensionnement pour intégrer la ventilation passive dès la conception. Une approche qui remet la physique du bâtiment au cœur du projet architectural.
Vers une culture de la sobriété tropicale
En clôturant cette deuxième phase, OMBREE laisse derrière lui un héritage solide : des données climatiques inédites, des retours d’expériences documentés et une dynamique collective entre institutions, chercheurs et praticiens. Le CAUE de Mayotte poursuit la diffusion des résultats avec le guide « 10 enseignements : Bâtiments performants à Mayotte », tandis que la DEAL s’appuie sur ces acquis pour nourrir les futures orientations locales en matière de construction durable.
Le séminaire a également rappelé le lien entre recherche et politique publique. Les Assises de la construction durable en Outre-mer, organisées dans le cadre du programme, ont conduit à l’adoption de la loi Bellim en mars 2025, créant des cellules référentielles locales et une instance inter-Outre-mer pour coordonner les normes constructives.
Au-delà des chiffres et des prototypes, OMBREE a surtout démontré qu’une autre manière de construire est possible : sobre, climatique et ancrée dans les réalités locales. À Mayotte, la transition énergétique ne se décrète pas, elle se construit — pas à pas, projet après projet, sous un climat qui invite à l’intelligence plutôt qu’à la surconsommation.