Le Parlement a définitivement adopté ce 10 juillet 2025 la loi de programmation pour la refondation de Mayotte, accompagnée d’une loi organique. Après un vote favorable à l’Assemblée nationale, le texte a été validé par le Sénat à une large majorité — 228 voix contre 16. Dans un communiqué publié dans la foulée, le ministère des Outre-mer souligne la portée historique de cette adoption et affirme une ambition forte de transformation du territoire. À travers ce texte, l’État engage 4 milliards d’euros sur six ans et promet une mise en œuvre planifiée. Retour sur les principaux axes de cette réforme, à la lumière des informations transmises par le Gouvernement.
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Une ambition politique affichée pour tourner la page de l’immobilisme
Lors de son allocution à l’Assemblée nationale, Manuel Valls, ministre d’État, ministre des Outre-mer, n’a pas dissimulé l’ampleur du défi. « Mahoraises et Mahorais, ce texte est historique. Vous l’attendez depuis de nombreuses années. » a-t-il déclaré.
Face à un scepticisme nourri par des années de promesses non tenues, le ministre a appelé à la confiance. Il promet une mise en œuvre rigoureuse, avec une stratégie planifiée qui sera présentée dans la foulée de l’adoption.
Le texte législatif, présenté comme le fruit d’un dialogue exigeant entre l’État et les acteurs mahorais, entend répondre à une double urgence : restaurer les conditions de vie et refonder durablement les structures du territoire.
L’adoption finale intervient après un travail transpartisan, mené notamment en commission mixte paritaire, qui a permis d’enrichir le projet initial.

Une réponse concrète à la crise, déjà amorcée sur le terrain
Le vote du Parlement intervient dans un contexte d’intervention publique déjà intense. Depuis décembre, plus de 500 millions d’euros ont été mobilisés dans le cadre de dépenses d’urgence. Ces crédits ont permis d’appuyer les collectivités, soutenir la filière agricole et les entreprises locales, ou encore accompagner les salariés par des dispositifs d’activité partielle.
L’État a également instauré un prêt à taux zéro pour aider les particuliers à reconstruire leurs habitations. Une mission interministérielle spécifique, confiée au général Pascal Facon, pilote les opérations de reconstruction. Des militaires sont déployés pour réhabiliter écoles, complexes sportifs et réseaux d’eau.
Un établissement public de reconstruction est en cours de mise en place. Il concentrera les moyens techniques et financiers nécessaires à la transformation du territoire, et portera les projets les plus structurants en lien avec les collectivités locales.
Immigration, logement, économie : les axes forts de la refondation
Le texte voté introduit plusieurs mesures structurantes sur des enjeux de fond. Sur le plan migratoire, les parlementaires ont rétabli en séance les articles supprimés en commission, durcissant les conditions d’accès au séjour pour l’immigration familiale et apportant de nouveaux outils juridiques pour lutter contre les bidonvilles.
Le projet prévoit également la suppression du titre de séjour territorialisé à compter du 1er janvier 2030, une demande portée depuis plusieurs années par les élus mahorais.
Sur le plan économique, une zone franche globale est créée pour stimuler le tissu local. Côté social, l’État affiche une volonté de convergence accélérée avec l’Hexagone. Parmi les mesures phares :
- SMIC porté à 87,5 % du niveau national dès le 1er janvier 2026 ;
- Renforcement des exonérations de cotisations patronales pour préserver la compétitivité des entreprises ;
- Mise en œuvre de la protection universelle maladie (PUMA) ;
- Simplification de l’accès à la complémentaire santé solidaire (C2S).
Ces dispositions s’inscrivent dans un calendrier de convergence devant aboutir, au plus tard, en 2031.
Un cap financier et institutionnel pour six ans
Au-delà des mesures immédiates, la loi engage l’État sur une trajectoire budgétaire claire : 4 milliards d’euros programmés sur 6 ans pour financer les transformations nécessaires.
Plusieurs projets structurants sont déjà actés :
- la transformation du port de Longoni en grand port maritime, grâce à un amendement adopté en séance ;
- la création d’un deuxième site hospitalier à Combani ;
- et la refonte du cadre institutionnel.
Le territoire prendra le nom de “Département-Région de Mayotte”, avec un nouveau mode de scrutin à la clé.
La mise en œuvre de ces engagements fera l’objet d’un pilotage renforcé. Le ministère prévoit la publication d’un décret de mise en œuvre dès l’automne 2025, accompagné de la création d’un comité de suivi territorial réunissant élus, administration et acteurs socio-économiques. Ce cadre visera ainsi à garantir la bonne répartition des financements et à prioriser les chantiers urgents, notamment en matière d’éducation, de santé et d’accès à l’eau potable.
Une dynamique politique assumée, malgré des points de friction
Le ministre a salué le travail mené en commission mixte paritaire, qui a permis d’aboutir à une version « solide et ambitieuse » du texte. Il a toutefois exprimé un regret : l’absence de rétablissement de l’article 19, qui visait à élargir temporairement la procédure de prise de possession anticipée de terrains pour des infrastructures urgentes.
Manuel Valls a toutefois souligné le caractère décisif de cette étape. « Tout au long de ces derniers mois, je me suis battu, avec de nombreux sénateurs et députés engagés, pour que nous puissions collectivement construire un projet de loi ambitieux, sérieux, solide », a-t-il rappelé. Pour lui, l’enjeu est désormais d’ancrer dans la réalité les promesses portées par le texte.
Consulter ici le communiqué de presse du 10.07.2025 du Ministère des Outre-mer
Une étape décisive, un avenir encore à construire
Avec l’adoption de cette loi, l’État s’engage formellement sur un changement d’échelle pour Mayotte. Mais les effets ne se mesureront qu’à l’aune de leur mise en œuvre. La planification, les moyens humains, et le dialogue local seront les clés de cette transformation promise. Pour les Mahorais, cette loi est un signal fort, mais les attentes restent entières.