Le passage du cyclone CHIDO en décembre 2024 a laissé Mayotte face à un défi de reconstruction sans précédent. En réponse, le CAUE 976 a engagé une action territoriale d’envergure. Sa 1ʳᵉ édition du journal HODI !, publié en avril 2025, revient en détail sur les dispositifs mis en place pour organiser la réorganisation du territoire après le cyclone. Dès les premières semaines, ses équipes ont apporté leur appui technique, coordonné les diagnostics et renforcé leur présence auprès des habitants et des institutions.
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Diagnostics d’urgence : 62 000 bâtiments passés au crible
Dès le 15 décembre 2024, les architectes du CAUE ont rejoint les équipes d’Architectes de l’urgence pour établir un état des lieux précis des dommages. Trois domaines ont été ciblés en priorité :
- 221 écoles publiques du 1er degré : chaque salle a été classée selon quatre niveaux de gravité, du simple nettoyage nécessaire jusqu’à l’atteinte structurelle des fondations.
- Équipements publics (ERP) : codification en vert, orange et rouge selon le degré de dégradation observé dans les 17 communes.
- Habitat résidentiel : au 27 janvier 2025, 62 350 bâtiments ont été inspectés. À Koungou, 7 100 logements ont été recensés ; à Mamoudzou, 4 440 ; à Dembéni, 2 700. Partout, la distinction a été faite entre l’habitat léger et les constructions en dur.
Ces diagnostics ont permis aux services de l’État et aux collectivités d’établir une cartographie des priorités d’intervention.
Un accompagnement individuel dans les 75 villages
L’après-Chido a révélé l’ampleur du besoin d’appui technique à l’échelle des foyers. Pour répondre à cette urgence, le CAUE a déployé une permanence itinérante dans l’ensemble des 75 villages de l’île, en coordination avec les intercommunalités et les communes.
Chaque permanence repose sur un processus structuré en sept étapes : planification communale, recueil des demandes, analyse préalable des PLU et risques, visite domiciliaire, avis architectural, rédaction d’un rapport, suivi éventuel par les partenaires.
Depuis janvier 2025, des centaines de familles ont déjà bénéficié de ce dispositif, bien au-delà de la seule zone urbaine de Mamoudzou. Les conseils portent notamment sur :
- la sécurisation d’un bâti existant après sinistre,
- la conformité d’un projet neuf vis-à-vis du droit de l’urbanisme,
- l’amélioration de l’insertion architecturale et environnementale.
En cas de besoin, le CAUE mobilise les compétences de SOLIHA Mayotte pour accompagner les démarches sociales ou les demandes de financement, et la CUF pour les aspects fonciers. Ce travail de terrain permet également de répertorier les zones les plus informelles, mal desservies ou sans document d’urbanisme, pour orienter les futures actions de planification à l’échelle intercommunale.
De la table ronde à la stratégie territoriale
Pour fluidifier les échanges entre acteurs publics et associatifs, le CAUE a mis en place une table ronde hebdomadaire baptisée #CAUE. Ce canal de discussion a été utilisé par la mission interministérielle IGEDD, IGF et IGA le 13 février 2025 pour identifier les urgences liées aux logements sinistrés et aux équipements de proximité.
Ce rôle de médiateur technique conforte la place du CAUE comme interface territoriale entre la société civile, les institutions et les experts de l’aménagement.
Relancer la production de logements par les familles elles-mêmes
En 2025, le CAUE participe activement à une stratégie territoriale ambitieuse portée par le Conseil départemental : encourager les familles mahoraises à devenir bailleurs privés. L’objectif est double : accroître l’offre locative à Mayotte, encore très largement dépendante des bailleurs institutionnels, et favoriser l’accès des ménages à un patrimoine durable et générateur de revenus.
Le rôle du CAUE consiste à accompagner techniquement les porteurs de projets via :
- des études architecturales et économiques personnalisées,
- une analyse réglementaire du foncier disponible,
- des préconisations sur les matériaux, les volumes, la conception bioclimatique et la durabilité.
Les publics cibles sont principalement les propriétaires familiaux disposant d’un foncier régularisable et souhaitant bâtir une ou plusieurs unités de logements à la location. L’enjeu est d’éviter les erreurs d’implantation, les mauvaises orientations, ou les matériaux inadaptés, tout en assurant la conformité des projets avec les documents d’urbanisme (PLU, cartes d’aléas).
Pour cela, le CAUE bénéficie du soutien de AL’MA et Action Logement, qui cofinancent l’accueil de résidences d’architectes dans les quartiers prioritaires de Kaweni et Dzaoudzi. Ces professionnels travailleront sur site, en interaction directe avec les familles, pour adapter leurs conseils aux réalités locales.
L’approche est collective : au lieu d’une logique individuelle, l’accompagnement s’étend à l’échelle du quartier, avec un travail sur les circulations, les alignements, l’insertion paysagère.
Vers un aménagement plus résilient
Le passage du cyclone a mis en évidence la vulnérabilité du tissu urbain et rural de Mayotte, notamment dans les zones littorales, les pentes instables ou les vallées inondables. Ces réalités imposent une révision de la planification territoriale.
Le SAR (Schéma d’Aménagement Régional) doit désormais intégrer ces données issues des diagnostics post-Chido. L’enjeu est de mieux articuler urbanisation et gestion des risques, en révisant les orientations d’aménagement, les zones à urbaniser, les reculs obligatoires et la densité admissible.
Le CAUE, en lien avec la DEALM, préconise également de repenser les matériaux utilisés et l’organisation des îlots bâtis pour optimiser la ventilation naturelle, la gestion des eaux pluviales, et limiter l’effet d’îlot de chaleur.
Dans ce contexte, la revue de projets trimestrielle constitue un levier central. Coanimée par le CAUE, la DEALM, la DAC, l’AUDM et les services de l’État, elle permet de co-construire des avis techniques partagés sur des projets structurants. Parmi les cas abordés récemment figurent :
- le front de mer de Mamoudzou (protection côtière, recomposition du terre-plein),
- le projet Mangrove Parc (valorisation écologique et accès public),
- des opérations de régularisation foncière dans des zones bâties informelles.
Cette approche partenariale vise à créer une culture commune de l’aménagement résilient, tout en accélérant la mise en œuvre des projets.
Un tournant pour le CAUE de Mayotte
Sur le plan institutionnel, l’année 2025 marque une réorganisation de la gouvernance. Après les nominations départementales et préfectorales début 2025, les représentants de la société civile seront élus le 22 avril. Un nouveau président sera ensuite désigné.
Au fil des crises et des projets, le CAUE 976 a affirmé sa vocation publique d’appui au cadre de vie. Son indépendance technique, sa proximité avec les habitants, et sa capacité à fédérer les acteurs font de lui un levier central dans la transition territoriale de Mayotte.
Lire la 1ʳᵉ édition du journal HODI ! du CAUE Mayotte ici.
Le CAUE 976 ne se contente plus de conseiller. Il coordonne, accompagne et structure. Dans le contexte post-Chido, son rôle d’interface entre urgence et aménagement en fait un acteur clef de la reconstruction et de l’innovation territoriale à Mayotte.









