MAYOTTE face à l’ « après-CHIDO » : entre blocages et espoirs de reconstruction, M. Nizar Assani Hanaffi s’exprime !

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Cinq mois après le passage du cyclone CHIDO, le paysage mahorais porte encore les stigmates de la catastrophe. Avec plus de 15 000 foyers touchés, des infrastructures détruites et des familles plongées dans l’incertitude, la question de la reconstruction reste cruciale. Mais derrière les toitures arrachées et les maisons effondrées, c’est tout un modèle de développement qu’il faut repenser. M. Nizar Assani Hanaffi, président du comité territorial Action Logement, dresse un état des lieux sans détours et appelle à une refondation complète du territoire.

 

Une reconstruction bloquée, deux réalités pour les sinistrés

Les Mahorais assurés attendent des indemnisations dont les procédures sont longues et poussent à l’abandon. Ceux sans assurance, eux, n’ont tout simplement plus rien et devront réfléchir à des solutions que l’on n’a pas encore inventées. Pour M. Assani Hanaffi, cette fracture est au cœur de la crise actuelle.

M. Nizar Assani Hanaffi, président du comité territorial Action Logement.

« Ce qui nous préoccupe le plus aujourd’hui, ce sont les familles sans assurance. Elles ont tout perdu, et il leur est impossible de se reconstruire seules. Nous avons tous entendu l’annonce du prêt à taux zéro (PTZ) faite lors de la venue du Président de la République. Les Mahorais attendent désormais avec impatience des précisions sur ce dispositif. Les rumeurs qui circulent alimentent les doutes et les interrogations : il est temps d’apporter des réponses claires et concrètes. Dans le même élan, le Conseil départemental doit pleinement jouer son rôle pour accompagner les familles mahoraises dans l’amélioration de leur cadre de vie. Il en va de la dignité des habitants, de la cohésion sociale et de la reconstruction durable de notre territoire ».

Selon les données de la Caisse centrale de réassurance, le cyclone CHIDO a causé des dégâts estimés entre 650 et 800 millions d’euros. Mais à Mayotte, seuls 6 % des particuliers disposent d’une assurance habitation. La majorité des sinistrés se retrouvent donc sans solution d’indemnisation, plongés dans une impasse économique et sociale.

“Reconstruire” ou “construire” ? Une remise à plat nécessaire

L’usage même du terme « reconstruction ». est problématique selon lui. « Reconstruire à l’identique n’a aucun sens. Il faut tout revoir, sur tous les plans ».

Pour M. Assani Hanaffi, le cyclone Chido doit être une opportunité de repenser le développement de Mayotte. Il s’inquiète sur les erreurs passées, où l’urgence a souvent conduit à reproduire des modèles fragiles, inadéquats.

« On ne peut pas se contenter de remettre en état ce qui était déjà vulnérable. Cela concerne aussi bien l’habitat que les infrastructures publiques, l’éducation, la santé ou encore la sécurité. La reconstruction ne peut être sectorielle : elle touche l’ensemble des domaines. C’est pourquoi il est impératif d’adopter une vision d’ensemble, globale, stratégique  et non une analyse fragmentée ou subjective. Si nous voulons bâtir un avenir durable pour Mayotte, nous devons penser en cohérence et agir avec méthode ».

Au lendemain du cyclone CHIDO

BTP local : un besoin urgent de formation et de montée en compétence

Interrogé sur les besoins du secteur, M. Nizar Hanaffi insiste sur la nécessité de développer les compétences locales. « Nous avons besoin de formation pour tous : salariés comme chefs d’entreprise ».

Dans un contexte où la reconstruction suppose des savoir-faire adaptés, la formation devient une priorité stratégique. À Mayotte, près de 5 810 projets de recrutement sont prévus dans le BTP en 2025, mais près de 50 % de ces postes sont jugés difficiles à pourvoir, selon l’enquête Besoins en Main-d’Œuvre.

« Le véritable problème aujourd’hui, c’est le manque criant de main-d’œuvre qualifiée. Il est urgent de former nos jeunes, mais aussi d’accompagner les dirigeants que nous sommes dans l’adoption de méthodes modernes. Nos entreprises et leurs collaborateurs doivent être outillés pour répondre aux besoins de notre territoire. Cela permettra d’évacuer ce spectre de remplacement des acteurs locaux que beaucoup par des structures extérieures, qui ne doivent intervenir qu’en complément, là où nos capacités sont encore en construction. En parallèle, il est aussi nécessaire d’admettre que certains domaines exigent l’intervention de spécialistes : là aussi, nous sommes lucides et la coopération doit primer ».

Institutions, entreprises : un manque de coordination qui freine l’action

Le terrain, selon lui, souffre d’un décalage criant entre les discours officiels et la réalité. « On est écouté, reçu… mais il ne se passe rien. Le temps de l’analyse est long ! ».

Les entreprises locales, déjà fragilisées, peinent à redémarrer, elles attendent aussi une réaction des mesures longtemps annoncées. Les promesses de soutien, souvent affichées lors des visites officielles, se heurtent à des retards administratifs et à un manque de coordination entre les acteurs publics et privés. Des réunions, des missions parlementaires se succèdent, mais sans impact concret pour le moment.

« Les entreprises, sans soutien, sont contraintes de survivre seules. Les cotisations sociales qui nous seront exigées très bientôt en mode rattrapage et les emprunts bancaires n’ont pas cette patience ». Le président du comité territorial Action Logement appelle à une approche pragmatique, fondée sur des mesures concrètes et une écoute des besoins réels.

« Il est essentiel de reconnaître et de saluer les diverses initiatives des services de l’État en matière de contrôle pour garantir le respect de la réglementation et prévenir toute dérive. Cependant, adopter une stratégie exclusivement répressive, sans politique d’accompagnement, est totalement inadapté ».

Dégâts laissé par CHIDO

Un petit mot de la fin…

À Mayotte, la reconstruction post-CHIDO ne pourra pas se limiter à des chantiers. Elle implique un choix clair : faire confiance aux acteurs du territoire, les soutenir concrètement, et sortir des logiques d’urgence pour bâtir durablement. Les accompagner dans les nouveaux défis sur les sujets vitaux tels que la convergence sociale pour un développement économique équitable. 

« Si l’on veut véritablement sauver la situation dans nos territoires, il est essentiel de passer à l’action. Il faut soutenir concrètement le tissu économique par l’aide à l’investissement, faire confiance à celles et ceux qui ont la capacité d’agir, et entrer enfin dans le vif du sujet. Les constats ne suffisent plus, c’est désormais de courage et de décisions qu’il s’agit »  affirme M. Nizar Assani Hanaffi.

« Le territoire est ouvert à tous les conseils et à tous les accompagnements. Mais ne faisons pas l’erreur de croire que ceux qui ne vivent pas ici savent ce qu’il y a de mieux pour nous et pour le territoire. Ceux qui y vivent savent ce qu’ils ont perdu, et surtout ce dont ils ont besoin pour se relever ».

Mayotte sera-t-elle entendue ?


 

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