MaPrimeRénov’ : le gouvernement confirme une suspension, les professionnels dénoncent un “coup de massue”

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    Alors que la rénovation énergétique des logements est au cœur des ambitions climatiques françaises, le gouvernement vient de confirmer une suspension temporaire de MaPrimeRénov’. Une annonce qui provoque une onde de choc dans tout le secteur du bâtiment.


    Un dispositif à l’arrêt dès juillet ?

    L’information a été officiellement confirmée le 4 juin 2025 par Éric Lombard, ministre de l’Économie, lors des questions au gouvernement au Sénat. Le dispositif MaPrimeRénov’, censé accompagner la transition énergétique des logements, va être suspendu dans les semaines à venir, sans date de reprise précise.

    Face à l’interpellation du sénateur écologiste Ronan Dantec, Éric Lombard a reconnu une double difficulté : une saturation des demandes et un volume anormal de fraudes. Il a indiqué que le processus pourrait reprendre « une fois que cela sera réglé », tout en assurant que le gouvernement visait une remise en fonctionnement avant la fin de l’année.

    Du côté du ministère du Logement, Valérie Létard entretient le flou : « Aucune décision n’est encore prise », a-t-elle déclaré à BFMTV, renvoyant à la mi-juin pour des arbitrages définitifs.

    Afflux de demandes, fraude et retards : les arguments avancés par Bercy

    Selon les données partagées par le gouvernement et relayées dans plusieurs médias, le nombre de logements rénovés via MaPrimeRénov’ a triplé au 1er trimestre 2025, par rapport à la même période en 2024. Cette accélération intervient alors même que le budget annuel alloué au dispositif a été réduit dans le cadre de la loi de finances 2025.

    Résultat : un afflux massif de dossiers, une surcharge des services instructeurs et des retards croissants dans l’engagement des aides. À cela s’ajoute un problème de fraude de grande ampleur : 16 000 dossiers sont aujourd’hui jugés suspects, soit 12 % du stock total, selon les chiffres avancés par Éric Lombard.

    Pour autant, l’exécutif nie tout gel budgétaire dissimulé : 1,3 milliard d’euros ont été consommés sur les 3,6 milliards prévus. Le ministre affirme que l’objectif est avant tout de mieux cibler les aides et de reprendre le contrôle sur un dispositif exposé à des abus.

    Une onde de choc pour les artisans et le secteur du bâtiment

    La suspension annoncée de MaPrimeRénov’ a provoqué un vif émoi au sein de la Fédération Française du Bâtiment (FFB). Dans un communiqué du 3 juin, la FFB juge cette décision « inacceptable » et alerte sur les conséquences économiques et sociales immédiates : désorganisation des entreprises, perte de confiance des ménages, et menace sur près de 100 000 emplois.

    « On ne peut pas appeler à accélérer la rénovation énergétique et, dans le même temps, saboter un des seuls outils qui fonctionne ! », déclare Olivier Salleron, président de la FFB. Il dénonce un message politique incohérent et rappelle que MaPrimeRénov’ est l’un des rares dispositifs qui permet à la fois de soutenir l’activité du bâtiment et de répondre aux enjeux de décarbonation. La fédération insiste sur la nécessité de restaurer la confiance et d’apporter des garanties immédiates, notamment sur le sort des dossiers déposés avant le 30 juin.

    La CAPEB partage cette inquiétude dans son communiqué, et appelle à ne pas sacrifier les petites entreprises artisanales, déjà affectées par une baisse d’activité de 5 % au premier trimestre 2025, selon ses données. Son président, Jean-Christophe Repon, déplore une gestion budgétaire à courte vue et défend un modèle de rénovation plus étalé, basé sur un “parcours de travaux” progressif. Ce modèle, selon lui, permettrait de mieux cibler les aides, de limiter les fraudes et de réduire la pression sur les crédits.

    À ces alertes s’ajoutent celles de l’UMGCCP et des industriels comme Uniclima ou Vaillant, qui craignent que cette suspension n’enraye une dynamique d’investissement dans la filière. Tous appellent à un retour rapide à une stratégie claire, avec des règles stables et des engagements budgétaires sur plusieurs années.

    Vers une refonte ou une pause ? Une décision attendue courant juin

    Pour l’heure, le ministère du Logement entretient une position prudente, renvoyant toute décision définitive à la mi-juin. Une série de réunions techniques est en préparation pour revoir les modalités d’attribution des aides, renforcer le filtrage des dossiers suspects et mettre à jour les critères d’éligibilité.

    Le gouvernement compte notamment s’appuyer sur la nouvelle loi contre les fraudes aux aides publiques, adoptée par le Parlement fin mai, pour structurer un cadre plus robuste. Des arbitrages pour la reconduction ou la transformation du dispositif en 2026 sont également à l’étude.

    Une délégation de représentants du bâtiment – dont la CAPEB, la FFB, et l’UMGCCP – est attendue à Bercy le vendredi 6 juin pour défendre la stabilité du dispositif et alerter sur les impacts immédiats de cette suspension.

    Une crise de confiance dans un dispositif central

    Qu’elle soit temporaire ou prélude à une refonte, la suspension de MaPrimeRénov’ marque une rupture de confiance pour les professionnels comme pour les ménages. En l’absence de visibilité claire, les artisans désertent le dispositif RGE, les clients suspendent leurs projets, et l’objectif de massification des rénovations énergétiques recule.

    Avec 30 modifications en quatre ans, MaPrimeRénov’ cristallise aujourd’hui les critiques d’un secteur épuisé par le « stop-and-go » réglementaire. La décision attendue à la mi-juin sera décisive pour redonner une trajectoire lisible à la politique de rénovation énergétique, ou entériner une nouvelle phase d’incertitude.

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