Depuis plusieurs années, le nombre de demandeurs de logements sociaux explose à La Réunion, alors que les attributions stagnent voire reculent. Selon le rapport annuel 2025 de l’ARMOS-OI, chaque logement attribué correspond en moyenne à sept demandes en attente. Ce chiffre-clé illustre une tension structurelle du parc social qui touche l’ensemble du territoire, avec des disparités territoriales fortes.
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Une tension globale qui s’aggrave d’année en année
Au 1er janvier 2025, 49 238 demandes étaient enregistrées dans le Système National d’Enregistrement (SNE), pour moins de 6 500 logements attribués sur l’année 2024. Cela correspond à une moyenne de 7,6 demandes pour chaque logement attribué.
En 2020, cette moyenne était encore inférieure à 6. L’écart se creuse année après année. Les causes sont identifiées : un afflux constant de nouvelles demandes (+77 % en 9 ans), une baisse durable de la production de logements, et une diminution de la rotation dans le parc existant.
« L’indicateur de tension s’est renforcé de manière très significative depuis quatre ans. L’explication est à rechercher dans l’augmentation du nombre de demandes avec des attributions en baisse qui ne permettent pas de répondre aux besoins exprimés. » (ARMOS-OI, rapport annuel 2025)
L’indicateur de tension global, qui rapporte le nombre de demandes au nombre d’attributions, est passé de 5,1 en 2023 à 5,6 en 2024. Mais cette moyenne masque des situations extrêmement critiques dans certains secteurs.
Le TO et la CIVIS : des zones en surchauffe
Les territoires du TCO et de la CIVIS apparaissent comme les plus déstabilisés. Le TCO atteint un indice de tension record de 12,1. Cela signifie que pour chaque attribution, 12 familles restent en attente. La CIVIS suit avec un indice de 8,8. La CINOR, jusque-là plus stable, enregistre un niveau de tension supérieur à 6.
Dans les zones plus résiduellement tendues, comme le CIREST (4,6) ou la CASUD (5,1), la situation reste relativement maîtrisée, mais la tendance est à la hausse. Le parc social ne parvient plus à absorber les nouvelles demandes, notamment en l’absence de solutions accessibles dans le parc privé.
Personnes seules et familles nombreuses : double impasse
Les inégalités de tension ne sont pas que géographiques. Elles touchent aussi des profils de ménage bien identifiés. Les personnes seules, qui représentent désormais 43 % des demandes, sont particulièrement touchées : l’indice de tension atteint 7,9 en moyenne, avec un pic de 17 au TCO. Autrement dit, une personne seule a aujourd’hui très peu de chances d’être relogée rapidement.
Les familles nombreuses (5 personnes et plus) se heurtent elles aussi à une offre insuffisante. Leur indice de tension dépasse 8,7 sur l’ensemble du territoire, et atteint plus de 12 à la CIVIS.
La difficulté à produire des logements de grande taille, combinée à la rareté de la vacance dans ce segment, aggrave cette situation d’exclusion silencieuse.
Un parc social sous pression permanente
L’indicateur de tension est devenu un révélateur d’un système bloqué. Les attributions ne permettent plus de faire face au flux de nouvelles demandes. Les bailleurs peinent à reloger même en cas de mutation ou de situation prioritaire.
Le ralentissement de la rotation s’ajoute à une baisse prolongée des livraisons. En conséquence, même les territoires jusqu’alors moins exposés commencent à dépasser les seuils critiques.
Le rapport souligne également que l’écart croissant entre l’offre construite et les profils de la demande fragilise l’efficacité du parc : trop de logements inadaptés à des personnes seules ou à des familles nombreuses. Cela freine la rotation et alourdit la tension.
Consultez ici le rapport annuel de l’ARMOS-OI, édition 2025
Le chiffre de 7 demandes pour un seul logement social attribué à La Réunion révèle un blocage systémique. Il appelle une réponse rapide, ciblée et coordonnée des acteurs publics et des bailleurs pour enrayer cette spirale de tension permanente.









