Logement à LA REUNION : une fracture territoriale qui s’accentue !

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À La Réunion, la crise du logement ne se vit pas de manière uniforme. Les données du rapport annuel 2025 sur l’état du mal-logement, publié par la Fondation pour le Logement, révèlent de fortes disparités entre les intercommunalités de l’île. Les écarts concernent à la fois le niveau des loyers, l’accès au logement social, les besoins de construction à long terme et la mobilité résidentielle. Cette géographie contrastée dessine une fracture territoriale qui met à l’épreuve la cohésion sociale du territoire.

Nord : un besoin massif autour de la Cinor

Dans le nord, la Communauté intercommunale du nord (Cinor) concentre les besoins les plus importants. D’ici 2050, près de 52 200 logements supplémentaires seraient nécessaires, selon les projections de l’Insee. Cette demande est alimentée par la croissance démographique et la densité urbaine de Saint-Denis et de son agglomération.

Face à cette pression, les délais d’attribution de logements sociaux atteignent 18 mois en moyenne, bien au-delà des 12,6 mois observés en 2020. La demande sociale y est forte : Saint-Denis concentre à elle seule plus de 13 000 demandes actives fin 2024.

Les prix du parc privé renforcent cette tension : les loyers y figurent parmi les plus élevés de l’île, limitant l’accès des ménages modestes. Le nord s’impose ainsi comme l’épicentre de la crise du logement réunionnaise.

Ouest : le territoire le plus contraint

Le Territoire de l’Ouest (TCO) se distingue par des délais d’attente records. Fin 2024, un demandeur de logement social devait patienter en moyenne 22 mois, soit le temps le plus long de l’île.

Les besoins de construction sont estimés à 35 500 logements d’ici 2050, un volume considérable. Les communes de Saint-Paul et Saint-Leu concentrent les difficultés : les prix du marché privé y atteignent des niveaux parmi les plus élevés, ce qui réduit fortement la mobilité dans le parc social.

Le taux de rotation y est particulièrement faible, bloquant l’accès pour de nouveaux ménages. S’y ajoute une pression spécifique liée au développement touristique et aux résidences secondaires, qui accentuent encore la rareté de l’offre accessible pour les habitants permanents.

Sud : entre Civis et Casud, deux dynamiques contrastées

Dans le sud, les réalités diffèrent entre les deux intercommunalités. La Civis (Saint-Pierre, Saint-Louis, etc.) affiche un besoin de 35 400 logements d’ici 2050, avec un délai moyen d’attribution de 20 mois. La Casud, qui couvre les communes du sud profond (Saint-Joseph, Le Tampon), en nécessitera 26 900.

Ici, les délais sont plus courts – autour de 16 mois – mais la pauvreté structurelle pèse fortement sur la demande. Les familles monoparentales représentent une part croissante des demandeurs, accentuant la tension sur le parc social.

Cette situation illustre un paradoxe : des délais légèrement plus favorables, mais une demande socialement plus vulnérable, ce qui complique le maintien dans le logement une fois attribué.

Est : la Cirest face à la pauvreté et au parc indigne

L’est de l’île, représenté par la Cirest, devra construire 22 500 logements d’ici 2050. Le délai d’attribution reste relativement contenu (16 mois en moyenne), mais le territoire est confronté à d’autres difficultés majeures. La pauvreté y est particulièrement marquée, avec des taux supérieurs à la moyenne régionale.

Le parc de logements indignes y est également plus présent : en 2021, plus de 4 000 bâtis précaires étaient recensés dans la zone, exposant les habitants à de multiples risques, notamment lors d’événements climatiques.

Le passage du cyclone GARANCE, en février 2025, a rappelé la vulnérabilité des communes de l’Est, où de nombreux foyers vivent encore dans des maisons en bois ou sous tôle. Ici, la priorité réside autant dans la réhabilitation et la résorption de l’habitat indigne que dans la production de nouveaux logements.

Des inégalités qui bloquent les parcours résidentiels

À l’échelle de l’île, la mobilité dans le parc social s’effondre : 6 % en 2023, contre 9,4 % en 2019. Cette faible rotation bloque les parcours résidentiels et empêche les ménages de progresser dans leur trajectoire de logement.

Dans le même temps, le marché privé reste inaccessible pour la majorité : huit familles monoparentales sur dix et six personnes seules sur dix n’ont pas les revenus suffisants pour y accéder.

L’écart de prix entre le parc social et le parc privé s’élargit : 6,48 €/m² dans le social contre 10,70 €/m² dans le privé, un différentiel qui exclut durablement les ménages modestes et renforce les inégalités territoriales.

Une politique qui doit être territorialisée

Les données révèlent une réalité simple : il n’existe pas une crise du logement unique à La Réunion, mais plusieurs crises locales aux visages différents. Le nord et l’ouest subissent une pression démographique et des prix élevés, le sud une fragilité sociale accrue, et l’est une concentration de pauvreté et d’habitat indigne.

Répondre à ces situations suppose des politiques territorialisées : relance de la production sociale, réhabilitation ciblée, régulation des loyers dans les zones les plus tendues, et accompagnement renforcé pour les ménages vulnérables.

Un chiffre résume l’ampleur du défi : 172 500 logements devront être construits d’ici 2050 pour répondre aux besoins de la population réunionnaise. Sans un effort massif et différencié selon les territoires, la fracture du logement risque de s’aggraver encore.


Consulter ici le FONDATION POUR LE LOGEMENT L’état du mal-logement à La Réunion RAPPORT ANNUEL 2025 


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