Alors que les signaux de redressement commençaient à se confirmer début 2025, le secteur des matériaux de construction marque une pause en avril. La dernière Lettre mensuelle de conjoncture de l’UNICEM (n°146, juin 2025) offre un état des lieux complet et chiffré de l’activité des granulats, du béton prêt à l’emploi (BPE) et des autres produits minéraux. Entre rebonds sectoriels et instabilité macroéconomique, la filière progresse à pas comptés.
—
Un contexte international défavorable qui freine la reprise
La trajectoire encourageante observée fin 2024 dans le bâtiment résidentiel a été heurtée de plein fouet par l’irruption d’une guerre commerciale déclenchée par les États-Unis au début de l’année 2025. Cette escalade tarifaire, couplée à l’annonce d’un plan de réarmement européen, a ravivé les tensions sur les marchés financiers et poussé les taux longs à la hausse.
Dans ce climat incertain, les banques se montrent plus prudentes : elles hésitent à répercuter la baisse des taux courts, tandis que les ménages retardent leurs investissements dans l’immobilier. Résultat : bien que les indicateurs de la filière matériaux progressent encore, la reprise amorcée en 2024 s’essouffle au printemps.
Granulats en progression, mais la dynamique reste fragile
Après un mois de mars plutôt positif, l’activité des granulats recule en avril : –5,2 % sur un mois et –3,2 % par rapport à avril 2024 (CVS-CJO). Pourtant, en cumul sur les quatre premiers mois de l’année, la production reste en hausse de +1,5 % sur un an. Cette progression témoigne d’une dynamique toujours présente, bien que plus heurtée.
Sur douze mois glissants, le recul reste modéré : –1,4 % à fin avril 2025, contre –4,1 % à fin décembre 2024. La tendance reste donc orientée à la stabilisation, mais sans impulsion franche à ce stade du semestre.

Le BPE toujours en repli, sans signe de redémarrage clair
Côté béton prêt à l’emploi, la situation demeure plus préoccupante. Les livraisons de BPE baissent de –1,4 % en avril (vs mars) et de –6,5 % en glissement annuel. Sur la période février–avril, la production cède –3,2 % par rapport au trimestre précédent et –5,3 % sur un an.
La tendance baissière est donc persistante : de janvier à avril, le recul atteint –4,4 % comparé à la même période de 2024, et le cumul glissant sur douze mois s’établit à –8,3 %. Aucune inversion de cycle ne se dessine clairement pour l’instant, même si le rythme de contraction ralentit légèrement.
Une filière minérale inégale selon les matériaux
L’indicateur global de l’activité des matériaux s’établit à 82,9 en mars 2025, en progression de 1,8 % sur un mois et de 1,1 % sur un an. Toutefois, sur l’ensemble du premier trimestre, l’activité en volume recule de 3,6 % par rapport au trimestre précédent.
La reprise est contrastée selon les familles de produits. Les granulats, en hausse annuelle de 1,5 %, tirent vers le haut une tendance globale encore fragile. Les produits en béton enregistrent une très légère hausse de 0,3 %, tandis que les tuiles et briques réduisent leurs pertes à 1,6 %.
À l’inverse, le ciment accuse une forte baisse de 9,8 %, les mortiers reculent de 7,2 %, et la pierre de construction cède 4,3 %. L’hétérogénéité des trajectoires illustre les déséquilibres persistants au sein de la filière minérale.
Logement, travaux publics : des signaux divergents pour la filière
Dans le logement neuf, les mises en chantier progressent de +5,2 % sur les trois derniers mois, avec un total glissant de 291 000 unités, en hausse de +2,2 % sur un an. Les permis de construire repartent nettement à la hausse : +15,9 % sur trois mois, notamment grâce à l’individuel pur (+6,6 %) et aux résidences collectives (+9,9 %).
Côté ventes, le marché de la maison individuelle rebondit fortement : +44,7 % en avril par rapport à avril 2024, selon Markemétron, avec une progression annuelle glissante de +9,5 % (56 000 ventes). Les prévisions pour 2025 s’établissent à environ 65 000 ventes, soit bien au-dessus des 58 500 de 2023, mais encore loin des 120 000 ventes en rythme de croisière.
Dans les travaux publics, la production se maintient : +0,3 % en avril (mensuel), +5 % sur un an, avec une croissance cumulée de +2,5 % depuis janvier. En revanche, les prises de commandes baissent de –8,1 % sur les quatre premiers mois de l’année, un indicateur qui pourrait annoncer un ralentissement progressif de l’activité en fin d’année.
Une vigilance de rigueur pour la seconde moitié de 2025
Les conditions pour une poursuite du redressement restent présentes : taux d’intérêt modérés, mesures de soutien à l’accession, fort besoin de logements. Mais les incertitudes s’accumulent. Outre la guerre commerciale et les tensions géopolitiques, l’instabilité politique intérieure – notamment autour du budget 2026 – ajoute un facteur de risque pour l’investissement public comme privé.
Dans ce contexte, la filière matériaux évolue sur une ligne de crête : certains signaux sont encourageants, mais la visibilité à moyen terme reste faible. Les prochains mois seront déterminants pour valider ou non un réel changement de cycle.