Trois ans après leur lancement, Les Générateurs publient leur enquête annuelle 2024. Ce réseau de conseillers, cofinancé par l’ADEME et les Régions, accompagne les collectivités dans la phase d’émergence de projets éoliens et photovoltaïques. Le rapport dévoile à la fois un bilan chiffré et des retours de terrain, en métropole comme en Outre-mer. Derrière les statistiques, se dessinent les réussites mais aussi les défis d’un dispositif en pleine structuration.
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Un dispositif en montée en puissance depuis 2022
En trois ans, le réseau a connu une progression spectaculaire. Les dossiers techniques – c’est-à-dire les projets concrets pré-identifiés – sont passés de 614 en 2022 à 1 312 en 2024, soit plus du double en deux ans.
La puissance estimée cumulée atteint 1 675 MW en 2024, contre seulement 378 MW deux ans plus tôt. Cette croissance traduit la volonté des collectivités de s’engager davantage, malgré des contraintes fortes.
Côté animation territoriale (sensibilisation, premiers contacts), le rythme s’est stabilisé : 1 056 actions recensées en 2024, un chiffre proche de celui de 2023 après la forte accélération de la première année.
Si cette stabilité reflète une montée en maturité du réseau, elle soulève aussi une question : comment maintenir un flux constant de nouveaux projets si les actions de sensibilisation ne progressent plus ?
Le rapport note que « les RDV restent le premier levier des actions d’animation », mais il souligne également la nécessité de diversifier les formats, notamment autour de l’éolien, encore sous-représenté.
Cette montée en charge a un coût organisationnel : chaque conseiller suit désormais en moyenne 21 projets et 17 collectivités, contre 12 projets et 11 collectivités en 2022.
Cette intensification pose un défi de taille : comment continuer à garantir un accompagnement de proximité si la charge par conseiller continue de croître ? La question est encore plus sensible dans les territoires ultramarins, où les déplacements sont longs et les moyens humains limités.
Les attentes des collectivités : motivation forte, moyens limités
Les collectivités interrogées affichent une connaissance moyenne des énergies renouvelables (5,1/10) mais une motivation élevée (7,6/10) pour développer des projets sur leur territoire. Ce décalage entre volonté et expertise interne se traduit par une dépendance accrue aux Générateurs.
Parmi les compétences les plus recherchées figurent l’expertise technique (79 %), l’expertise financière (77 %) et l’expertise juridique (70 %). Ce trio reflète les besoins concrets des élus et techniciens lorsqu’ils passent de l’intention à l’action.
Comme le note le rapport, « 73 % des collectivités interrogées indiquent ne pas disposer des compétences techniques nécessaires pour entreprendre un projet éolien ou photovoltaïque » : un constat qui justifie pleinement l’existence du dispositif.
Les collectivités accompagnées se disent globalement très satisfaites : elles attribuent une note moyenne de 8,1/10, et 87 % recommanderaient le réseau. La sensibilisation aux énergies renouvelables obtient même la meilleure appréciation avec 8,5/10.
Outre-mer : un accompagnement encore limité mais stratégique
Dans les départements d’Outre-mer, le rapport confirme que l’activité reste plus modeste qu’en métropole.
Plusieurs facteurs expliquent cette différence : réseaux insulaires non interconnectés (ZNI), dépendance aux importations d’équipements, relief contraignant et ressources humaines limitées. Ces contraintes rendent les projets plus longs et plus coûteux à initier.
À La Réunion, 69 actions ont été réalisées en 2024. L’exemple de Saint-Paul illustre le rôle clé des conseillers : la commune a bénéficié de deux notes d’opportunité pour identifier son potentiel photovoltaïque sur équipements publics.
Les résultats sont parlants : un potentiel de 1 015 kWc sur 5 300 m² de toitures, mais aussi la mise en évidence de bâtiments inadaptés, évitant ainsi des erreurs d’investissement.
En Guyane, seules 13 actions ont été recensées, toutes centrées sur des projets techniques. Le territoire, qui totalise environ 55 MW de puissance photovoltaïque installée, n’a vu aucun raccordement nouveau en 2024.
L’absence d’ingénierie interne et la lenteur des procédures administratives freinent le passage à l’échelle.
La Guadeloupe affiche un bilan un peu plus dynamique : 10 actions recensées, dont 4 projets concrets. La puissance installée atteint 143 MW. Les projets concernent pour moitié du photovoltaïque au sol, avec quelques initiatives multifilières.
Ces chiffres peuvent sembler faibles, mais le rapport insiste sur la nécessité de « tenir compte des spécificités de ces territoires », où la transition énergétique dépend d’équilibres plus fragiles que dans l’Hexagone. En d’autres termes, un petit nombre de projets réussis peut y avoir un impact bien plus structurant qu’une accumulation de statistiques.
Témoignages et retours du terrain
Derrière les chiffres, le rapport donne la parole aux élus et techniciens. À Tramayes (Bourgogne-Franche-Comté), un maire raconte que l’accompagnement juridique et technique reçu a permis de rééquilibrer la gouvernance d’un projet éolien, renforçant l’implication de la commune : un pas décisif pour l’adhésion locale.
À Saint-Paul (La Réunion), les conseillers ont confirmé le potentiel solaire mais ont aussi écarté des sites inadaptés, ce qui a évité des dépenses inutiles. Enfin, à Gennes-Val-de-Loire, l’accompagnement a débouché sur un montage juridique innovant en autoconsommation collective, profitant à la commune et aux habitants.
Ces témoignages soulignent la neutralité et l’impartialité des conseillers, régulièrement saluées par les collectivités. Le rapport précise que « la note moyenne pour l’ensemble des questions sur l’accompagnement est de 8,1/10 », confirmant la pertinence du réseau.
Ce que dit le bilan : défis et recommandations
Malgré ses succès, le réseau doit encore progresser. Le rapport met en avant plusieurs recommandations :
- Renforcer la compétence financière des conseillers, domaine où les attentes sont fortes et où la satisfaction reste la plus basse (7,7/10).
- Améliorer la communication et la lisibilité des missions, pour que davantage de collectivités comprennent le rôle des Générateurs et sachent les solliciter.
- Rééquilibrer les accompagnements en développant davantage l’animation autour de l’éolien, encore sous-représentée.
- Étendre la couverture territoriale, notamment en Mayotte, en Corse et en Auvergne-Rhône-Alpes, où le dispositif reste absent ou limité.
Consulter l’enquête annuelle 2024 du réseau Les Générateurs ici.
En trois ans, Les Générateurs se sont imposés comme un relais essentiel entre collectivités et transition énergétique. Avec plus de 1 300 projets accompagnés en 2024, une satisfaction élevée et des premiers résultats visibles, le réseau a démontré son utilité. Mais en Outre-mer, l’accompagnement reste encore fragile et dépendant de moyens humains limités. Le rapport 2024 trace une feuille de route claire : renforcer les compétences financières, gagner en visibilité et adapter l’approche aux spécificités territoriales. Une étape nécessaire pour que la dynamique enclenchée profite pleinement à l’ensemble des territoires.