le projet Iso-RHUM face au défi de l’humidité dans les parois isolantes

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Iso-RHUM

Dans les départements et collectivités d’outre-mer, l’humidité n’est pas un simple paramètre climatique : c’est un facteur structurel qui menace la performance thermique des bâtiments. Le projet Iso-RHUM, mené dans le cadre des travaux OMBREE, s’attaque de front à cette problématique invisible mais redoutable. Son ambition : comprendre les mécanismes physiques à l’œuvre dans les parois des constructions tropicales et proposer des solutions concrètes pour pérenniser l’efficacité des matériaux isolants dans le temps.

Un climat qui épuise les matériaux

Guadeloupe, Martinique, Mayotte, Guyane, La Réunion, mais aussi Saint-Martin, Wallis-et-Futuna ou la Polynésie française… tous ces territoires partagent un point commun : une hygrométrie exceptionnellement élevée, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des bâtiments. Cette saturation de l’air en humidité favorise un phénomène insidieux : la condensation au cœur même des parois.

Les constructions récentes, plus étanches à l’air, emprisonnent cette humidité intérieure. Résultat : loin d’être un progrès, l’amélioration de l’isolation peut dans certains cas aggraver les désordres.

Cloques, moisissures, perte d’efficacité thermique… Les isolants, en particulier les matériaux fibreux ou biosourcés, voient leurs performances chuter bien avant leur durée de vie théorique. Dans les DROM, ce paradoxe climatique pèse lourd sur la durabilité des bâtiments.

Ce que l’on ne voit pas dans les murs

Iso-RHUM ne se contente pas de constater les dégâts. Le projet explore en profondeur les transferts physiques invisibles qui se jouent à l’intérieur des parois isolantes : circulation de vapeur d’eau, condensation, migration capillaire, échanges thermiques. Ces phénomènes, déjà complexes en climat tempéré, deviennent encore plus critiques sous climat tropical.

Trois types de transferts sont identifiés. D’abord, la chaleur circule par conduction et convection. Ensuite, la vapeur d’eau progresse au sein des matériaux poreux par advection et diffusion — une dynamique particulièrement marquée dans les isolants fibreux.

Enfin, l’eau liquide se déplace elle aussi dans les matériaux par diffusion ou capillarité, surtout lorsque les gradients d’humidité sont forts.

À cela s’ajoutent deux équilibres thermodynamiques : celui de l’air humide (mélange de gaz parfaits) et celui de l’adsorption de l’eau par les matériaux. Cette combinaison de processus engendre des points de rosée internes, souvent invisibles et pourtant destructeurs.

Un outil de simulation développé à La Réunion

Pour localiser et anticiper ces zones critiques, le Laboratoire PIMENT de l’Université de La Réunion a développé un outil de simulation spécifique. Il permet de modéliser la matérialisation du point de rosée à l’intérieur des parois selon les matériaux utilisés, la ventilation du bâtiment, et le climat local.

C’est une avancée essentielle pour dimensionner correctement les systèmes constructifs en zone humide.

Ce travail de modélisation scientifique replace les territoires ultramarins au centre de la production de solutions. Trop souvent, les outils et guides techniques sont conçus à partir de données tempérées, inadaptées aux réalités tropicales. Ici, l’ingénierie locale prend le relais.

Trois étapes vers des solutions tropicalisées

La démarche d’Iso-RHUM repose sur une méthode claire, en trois volets :

  • Identifier les phénomènes responsables des dégradations observées sur les isolants.
  • Proposer des solutions préventives pour éviter que ces phénomènes ne se produisent.
  • Elaborer un guide de bonnes pratiques à destination des professionnels.

Ce futur guide traitera notamment du positionnement optimal du pare-vapeur, des matériaux à privilégier ou à éviter selon les configurations de parois, et des précautions de pose adaptées aux différents contextes ultramarins.

Il s’agit non seulement d’adapter les méthodes de construction, mais aussi d’ancrer les choix techniques dans la compréhension fine du climat local.

Construire mieux, pas juste plus

Au-delà de la seule technique, Iso-RHUM pose une question plus large : les règles de construction actuelles prennent-elles réellement en compte les particularités climatiques des DROM ?

De nombreux professionnels pointent l’inadéquation de certaines normes métropolitaines, conçues pour un climat sec ou tempéré. Face à des taux d’humidité dépassant régulièrement 80 %, les DROM doivent adapter leur manière de bâtir — ou voir leurs efforts d’isolation anéantis par la condensation.

Ce projet illustre donc un enjeu plus vaste : celui de la tropicalisation des référentiels techniques. Adapter les DTU, créer des outils régionaux, former les acteurs locaux… autant de pistes ouvertes par les travaux d’Iso-RHUM.

Le savoir-faire issu des DROM pourrait même inspirer des régions confrontées demain à une hausse de leur humidité ambiante du fait du changement climatique.


Le projet Iso-RHUM démontre que la réponse aux enjeux climatiques dans la construction ne viendra pas uniquement de l’Hexagone. En matière d’humidité et de gestion des isolants, les DROM sont à l’avant-garde. L’alliance entre recherche académique, expertise territoriale et approche terrain ouvre une voie d’innovation technique fondée sur l’adaptation.

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