Le secteur du bâtiment et des travaux publics vit une crise sans précédent en Martinique. Le 2 septembre 2025, lors d’une audience au Tribunal Mixte de Commerce, sur 50 entreprises liquidées, 24 appartenaient au BTP. Autrement dit, près d’une sur deux. Ce chiffre brut illustre l’ampleur d’un effondrement qui dépasse le simple cadre des chantiers et qui menace tout l’équilibre économique local.
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Le BTP, un secteur vital qui vacille
Le BTP martiniquais n’est pas une activité isolée. Il est décrit par le COBATY comme le « cœur battant de l’économie locale », moteur de l’investissement public et privé, catalyseur de la construction de logements sociaux et de l’aménagement du territoire. Il irrigue également une multitude d’activités connexes, des matériaux à l’ingénierie, en passant par le transport et les services. D’où cette formule choc qui revient avec insistance : « Quand le BTP ne va pas, rien ne va ».
Une menace aggravée par la LODEOM
Alors que la situation est déjà critique, le gouvernement sortant, envisageait une économie de 350 millions d’euros sur la LODEOM Pour le COBATY Martinique, une telle décision serait une faute majeure. « La LODEOM sociale n’est pas une faveur accordée aux territoires ultramarins. Elle est un outil stratégique conçu pour compenser les surcoûts structurels », rappelle l’association.
En pratique, cela signifie que la LODEOM permet aux entreprises locales de bénéficier d’exonérations de charges sociales et fiscales, afin de compenser l’éloignement géographique, la dépendance aux importations et la taille réduite du marché. Réduire cet outil au moment même où le secteur s’effondre reviendrait à fragiliser directement la compétitivité des entreprises martiniquaises. Selon Serge Capgras, « affaiblir la LODEOM dans un contexte pareil, c’est condamner le logement social et l’emploi à un déclin accéléré ».
Des propositions concrètes
Face à cette hémorragie, le COBATY Martinique avance plusieurs pistes pour enrayer la spirale. La première priorité est de « relancer immédiatement la construction de logements sociaux et accélérer la réhabilitation, la mise en conformité du parc existant ». L’association a d’ailleurs initié « une étude sur le modèle financier optimal au développement du logement social en Martinique ». Cette démarche vise à identifier des solutions viables, en explorant des pistes comme les partenariats public-privé ou un meilleur équilibre entre subventions et financements bancaires.
Le président Serge Capgras insiste aussi sur la nécessité d’« encourager l’entrepreneuriat local ». Le document rappelle que « chaque année, nos lycées forment de nombreux techniciens supérieurs qualifiés. Il faut transformer cette richesse humaine en capacité entrepreneuriale ». Ce constat met en lumière un paradoxe : la jeunesse dispose de compétences, mais trop peu franchissent le pas de la création d’entreprise faute d’accompagnement adapté.
Le développement de « formations courtes en gestion et gouvernance, portées par la Chambre de commerce et soutenues par l’État », fait également partie des solutions proposées. Enfin, stabiliser la LODEOM et renforcer la « solidarité économique locale » sont présentés comme des leviers indispensables pour éviter l’asphyxie du secteur.
Un appel à la responsabilité collective
Pour Serge Capgras, il est urgent d’aller au-delà des discours de façade et des débats institutionnels. « Ce sont les entreprises locales, et notamment celles du BTP, qui créent la richesse et l’emploi. Sans elles, aucune politique sociale durable n’est possible », affirme-t-il. Selon lui, « la misère qui touche nos familles, nos parents et nos jeunes ne sera pas résolue immédiatement par un changement de statut ou une autonomie proclamée ».
Le constat est clair : l’économie martiniquaise risque une récession durable si le BTP continue de s’enliser. « Laisser mourir le BTP, c’est condamner toute la Martinique à la récession, à l’exode et à la désespérance », avertit le président du COBATY. Depuis Fort-de-France, le 8 septembre 2025, l’association appelle à une réaction immédiate et collective.
« Il est encore temps d’agir, mais il faut le faire maintenant », conclut Serge Capgras.
COBATY Martinique – Appel à des mesures urgentes et concrètes (document du 8 septembre 2025)