Le Bilan climat 2024 du groupe Agence française de développement (AFD) met en lumière un chiffre qui retient particulièrement l’attention dans les territoires ultramarins : 890 millions d’euros ont été engagés pour la région des Trois Océans (Caraïbes, océan Indien, Pacifique), qui inclut les Outre-mer français et leurs voisins insulaires. Une enveloppe significative au regard des vulnérabilités locales, mais qui interroge sur sa suffisance face aux immenses défis climatiques.
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Une finance climat en pleine croissance
En 2024, l’AFD a engagé 7,7 milliards d’euros de financements climat à travers le monde. Cette enveloppe se divise entre 3,1 milliards pour l’adaptation aux effets du dérèglement et 4,6 milliards pour l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Depuis 2015, le total cumulé atteint 55 milliards d’euros. L’institution rappelle son engagement : « 100 % des interventions en financement du Groupe sont cohérentes avec un développement bas carbone et résilient au niveau des pays ».
Au-delà des chiffres, le rapport marque une inflexion stratégique : climat et biodiversité sont désormais placés « au même niveau d’exigence », avec pour objectif une activité « 100 % Cadre mondial biodiversité dès 2025 ».
Trois Océans, territoires en première ligne
Dans la répartition géographique 2024, les Trois Océans arrivent derrière l’Afrique (2,5 Md€), le Moyen-Orient et l’Asie (2,8 Md€) et l’Amérique latine (1,4 Md€). Leur part de 890 M€, soit environ 11,5 % des financements climat 2024 (calcul rédactionnel), peut sembler modeste, mais l’enjeu est vital. Ces territoires insulaires cumulent les vulnérabilités : cyclones intenses, érosion côtière, pression croissante sur les ressources en eau, dépendance énergétique.
Le rapport insiste : « Face aux effets du changement climatique, le groupe AFD s’engage à mieux cibler les populations et pays les plus exposés, intégrant les enjeux de pertes et préjudices et de réduction des risques de catastrophes ». Une orientation qui résonne fortement dans le contexte ultramarin.
Quels secteurs financés dans les Outre-mer ?
À l’échelle mondiale des engagements 2024, la répartition des financements d’adaptation place la gestion de l’eau en tête (30 %), suivie par la résilience urbaine et des infrastructures (21 %), l’agriculture durable et la préservation des zones côtières (14 %), la gouvernance et gestion des risques climatiques (13 %), les systèmes financiers (12 %) et les infrastructures sociales (10 %).
L’AFD projette que ces investissements permettront à 15,9 millions de personnes de renforcer leur résilience climatique et à plus de 180 000 exploitations agricoles familiales de se convertir vers des pratiques agroécologiques.
Des projets réalisés hors Outre-mer donnent un aperçu des solutions transposables aux contextes insulaires. À Tamale, au Ghana, l’AFD finance par exemple des espaces verts et des systèmes de gestion des eaux pour réduire le risque d’inondations et de vagues de chaleur (subvention de 5 M€, cofinancement UE 23 M€).
Au Brésil, une ligne de crédit de 120 M€ soutient les collectivités régionales dans l’anticipation et la réduction des impacts climatiques extrêmes. Ces expériences, bien qu’éloignées géographiquement, offrent des pistes concrètes pour les territoires ultramarins confrontés à des défis similaires.
Côté atténuation, les financements se concentrent sur les énergies renouvelables (27 %) et les transports collectifs durables (25 %), complétés par l’appui aux systèmes financiers (20 %), la gestion des déchets et assainissement (14 %), l’agriculture et la biodiversité (10 %) et l’efficacité énergétique (4 %). Ces priorités trouvent une résonance particulière dans les îles, où la transition énergétique et la mobilité durable restent des enjeux structurels majeurs.
Une dotation encore insuffisante ?
Comparée aux autres régions, la dotation de 890 M€ pour les Trois Océans reste limitée face aux 2,5 Md€ alloués à l’Afrique et aux 2,8 Md€ pour l’Asie-Moyen-Orient. Pourtant, les Outre-mer figurent parmi les territoires les plus exposés à l’échelle mondiale aux conséquences du changement climatique : intensification des cyclones, montée du niveau de la mer, sécheresses accrues.
Ce déséquilibre pose une question centrale : les montants engagés sont-ils à la hauteur des besoins réels ? Le rapport met en avant la volonté de renforcer les approches locales et participatives, mais la réalité financière reste contrastée.
Les Outre-mer peuvent toutefois jouer un rôle stratégique en devenant des laboratoires d’innovation climatique. Leur position de « territoires sentinelles » face au réchauffement en fait des vitrines internationales pour tester et démontrer des solutions énergétiques, urbaines et agricoles qui pourraient ensuite être répliquées dans d’autres régions vulnérables.

Consulter le bilan climat 2024 du groupe AFD
Avec 890 M€ investis en 2024, l’AFD confirme son engagement dans la région des Trois Océans, incluant les Outre-mer. Mais la fragilité particulière de ces territoires exige un renforcement durable des financements. Car au-delà de la protection des populations locales, il s’agit de montrer que les îles, souvent en avance par contrainte, peuvent devenir de véritables vitrines de résilience et d’innovation climatique à l’échelle mondiale.









