Le Conseil de l’Ordre des Architectes de La Réunion et de Mayotte (COARM) vient de publier son rapport d’activité pour l’année 2024. Un document dense, riche de chiffres, d’engagements et de prises de position, qui revient sur une année marquée par une forte activité institutionnelle, une implication réaffirmée dans les territoires ultramarins et une vigilance renouvelée sur les obligations professionnelles.
Dès les premières lignes, le ton est donné. Dans un discours d’ouverture singulier, à la fois poétique et critique, le président Eric Hugel dresse un constat acéré sur l’évolution du métier d’architecte : technocratisation, standardisation, perte de sens… Face à ces dérives, il rappelle avec force que l’architecture reste, avant tout, une discipline du vivant, de l’expérience sensible, de la relation au territoire et à l’autre. Cette vision, revendiquée et assumée, irrigue l’ensemble du rapport.
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Les architectes, toujours au rendez-vous sur le territoire
En 2024, le COARM comptait 335 architectes inscrits au tableau de l’Ordre, ainsi que 139 sociétés d’architecture. Au-delà des chiffres, ce sont des profils très variés qui cohabitent : libéraux, associés, fonctionnaires, retraités, salariés d’organismes publics ou privés, exerçant parfois hors du territoire, mais toujours inscrits dans une dynamique professionnelle rigoureuse.
Cette diversité traduit la vitalité du secteur à La Réunion et Mayotte, mais aussi ses fragilités structurelles, notamment pour les jeunes agences ou les architectes isolés.
L’Ordre veille à encadrer ces pratiques et à maintenir la cohésion de l’ensemble. La tenue du tableau, la gestion des inscriptions, le suivi des modalités d’exercice et la validation des attestations d’assurance constituent un socle indispensable à la reconnaissance professionnelle. En cela, le COARM agit comme un garant silencieux, mais constant du bon fonctionnement de la profession dans ces territoires insulaires.
Réguler, accompagner… et parfois sanctionner
Si l’Ordre s’attache à accompagner les professionnels, il doit aussi, parfois, intervenir dans des situations conflictuelles ou irrégulières. L’année 2024 a vu 8 procédures collectives ouvertes : 5 liquidations judiciaires et 3 dissolutions. Des chiffres en légère hausse par rapport à 2023.
Par ailleurs, le contrôle des assurances a donné lieu à 31 relances par lettre simple, 11 mises en demeure, 3 suspensions et 3 radiations d’architectes.
Côté sociétés, 28 relances, 16 mises en demeure, 7 suspensions et 5 radiations ont été enregistrées.
Ces chiffres illustrent un réel besoin de vigilance, mais aussi un cadre nécessaire à la sécurité juridique et déontologique de la profession.
Autre fait notable : 20 % des architectes n’ont pas réglé leur cotisation ordinale en 2024, un taux élevé qui interroge sur la situation économique du secteur et sur la perception du rôle de l’institution.
L’Ordre agit aussi en amont des contentieux : 7 conciliations ont été organisées en 2024, aboutissant à 3 accords, 3 échecs et 1 procès-verbal de carence.
Des dispositifs simples, parfois discrets, mais qui participent à maintenir un climat de confiance et de responsabilité au sein de la profession.
Former, échanger, représenter : un Ordre sur tous les fronts
La formation continue est au cœur des missions de l’Ordre. Chaque architecte doit suivre au minimum 20 heures de formation par an, dont 14 heures dites « structurées« . Le COARM recense près de 100 offres locales ou nationales, en présentiel comme à distance, portées par une grande diversité d’organismes. Cette dynamique permet d’adapter les compétences aux spécificités locales : climat, risques naturels, ressources matérielles, réglementation DOM, etc.
Le COARM n’est pas seulement régulateur. Il est aussi présent dans de nombreuses instances : CAUE, ENSAR, DEAL, commissions préfectorales, comités de sécurité, urbanisme, environnement… Ce maillage institutionnel illustre un engagement permanent pour faire entendre la voix des architectes dans toutes les décisions qui touchent à l’acte de construire dans ces territoires.
Des actions ancrées dans les réalités locales
2024 a été marquée par deux grands temps forts territoriaux. À La Réunion, le COARM a organisé une série de rencontres autour du thème « Aménager et construire avec les risques ». Une façon directe d’intégrer les enjeux de résilience face aux aléas naturels, dans une région particulièrement exposée.
À Mayotte, l’axe choisi était celui de l’économie circulaire : « Construire ( à ) Mayotte : passer des déchets aux ressources ». Une thématique audacieuse, ancrée dans la réalité d’un territoire confronté à de graves déficits en matières premières, en infrastructures et en modèles durables.
Ces actions illustrent une même volonté : replacer l’architecture au cœur des enjeux territoriaux, comme levier de transformation, d’adaptation et de dignité.
Et pour 2025 ? Cap sur plus de proximité et d’engagement
Le rapport s’achève sur une série d’engagements pour l’année 2025 : renouvellement du Conseil, déploiement de nouvelles actions territoriales, résidences d’architecture, concours de dessin, expositions itinérantes, participation aux journées du patrimoine et de l’architecture… Le COARM entend poursuivre sa mission dans un esprit de continuité et de renforcement des liens avec les professionnels.
Le fil rouge, lui, reste intact : porter une architecture vivante, consciente de ses responsabilités sociétales, attentive à son territoire, et résolument humaine. Comme le rappelle Eric Hugel dans son introduction : « L’architecture sait que nous vivons ». Et c’est bien de cela qu’il est question, au fond, dans ce rapport d’activité 2024.
RAPPORT D’ACTIVITÉ 2024 – Conseil de l’Ordre des Architectes de La Réunion et de Mayotte