La reprise du secteur BTP freinée par les matériaux ?

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BTP 2025

Alors que les signes d’un redémarrage semblaient enfin s’affirmer en début d’année, la filière construction peine à maintenir le cap à l’approche de l’automne. Les derniers chiffres publiés dans la lettre de conjoncture de l’UNICEM traduisent un paysage brouillé, où l’accélération des autorisations de construire ne se reflète ni dans la consommation de matériaux ni dans la dynamique des chantiers. Un secteur désynchronisé, pris entre regain d’intentions et inertie opérationnelle.

Une autorisation de construire en plein rebond

Sur les cinq premiers mois de 2025, le nombre de permis de construire déposés connaît une nette embellie. La croissance atteint +12,7 % par rapport à la même période de 2024, avec une progression marquée tant dans le collectif (+15,9 %) que dans l’individuel (+7 %).

Cette hausse se confirme également dans le non-résidentiel, particulièrement du côté de l’industrie et de l’agriculture, qui « tirent désormais la tendance », comme le souligne l’UNICEM.

À fin mai, 346 300 permis étaient enregistrés sur douze mois glissants, soit un léger recul encore (–2,7 %) par rapport à l’année précédente, mais une dynamique enclenchée depuis le début d’année.

Les chiffres sont d’autant plus encourageants que ce mouvement semble transversal. Que ce soit dans le logement ou les locaux d’activité, les intentions repartent à la hausse, soutenues notamment par les grandes métropoles. Mais cette dynamique administrative reste à ce stade en avance sur les concrétisations.

Mises en chantier : une inertie persistante

Car dans le même temps, la mise en œuvre des projets connaît un net repli. Sur la période mars-avril-mai 2025, les mises en chantier de logements chutent de –11,7 % par rapport aux trois mois précédents, et de –3,3 % sur un an. Les locaux d’activité suivent la même pente, avec une baisse de –8,5 % sur douze mois.

Une phrase de la lettre de conjoncture résume bien ce paradoxe : « La dynamique des permis, logements et locaux, semble donc se déconnecter de celle des mises en chantier. »

Ce découplage interroge. La solvabilité des porteurs de projet — ménages, collectivités, promoteurs — reste fragile, freinée par un contexte économique incertain. Les taux d’emprunt habitat, bien qu’en léger recul, se stabilisent autour de 3,07 %, sans réelle détente à l’horizon.

Par ailleurs, les conditions d’accès au crédit, notamment dans le neuf, restent tendues, avec un volume de production encore inférieur de 40 % à la moyenne des années 2016–2019.

Matériaux de construction : une activité en recul

Cette frilosité se ressent directement dans les chiffres de la filière matériaux. Le Béton Prêt à l’Emploi (BPE), baromètre direct des chantiers, recule de –4,2 % sur les six premiers mois de l’année.

En juin 2025, la baisse atteint même –9,1 % sur un an. Les granulats, de leur côté, résistent mieux (+0,8 % sur le semestre), mais affichent un repli de –2,6 % sur un an au mois de juin.

Le recul est général sur les autres segments : –6,0 % pour le ciment, –6,6 % pour les mortiers, –5,2 % pour la pierre de construction. L’indicateur agrégé « Matériaux », qui mesure un panier représentatif du secteur, recule de –1,2 % sur les quatre premiers mois de 2025.

La lettre souligne : « La moins bonne orientation des derniers mois nous invite à modérer la confiance pour le second semestre et à revoir à la baisse nos perspectives pour 2025. »

Ainsi, les prévisions sont désormais révisées à la baisse : entre –4 % et –6 % pour le BPE, et entre 0 % et –2 % pour les granulats.

Travaux publics : une activité encore soutenue, mais sous tension

Seul rayon de soleil : les travaux publics, qui conservent une dynamique positive. De janvier à mai 2025, l’activité croît de +2 %, portée par les investissements des grandes agglomérations. En mai, les travaux réalisés enregistrent +2,4 % sur un an, un niveau qui reste encourageant dans un contexte général plutôt terne.

Cette tendance reste cependant fragile. La FNTP alerte sur une baisse sensible des prises de commandes, accélérée par la fin du cycle électoral et les restrictions budgétaires annoncées dans le cadre du Plan de consolidation 2026.

Plusieurs acteurs du secteur pointent un risque de retournement dès le dernier trimestre 2025, notamment pour les segments dépendants des financements publics.

Sur le terrain, un climat d’attentisme

Si les données macro dessinent une reprise en décalage, les retours des acteurs opérationnels confirment un climat encore fébrile. Des entreprises de gros œuvre évoquent un allongement des délais de lancement de chantiers publics, parfois suspendus faute de garanties financières.

Côté distributeurs, la rotation des stocks ralentit, et certains négociants notent un basculement progressif des commandes vers des lots plus fragmentés, « à la découpe », témoignant d’une gestion prudente des trésoreries.


BTP 2025

Consulter la lettre mensuelle de conjoncture – JUILLET – AOÛT 2025


Le secteur construction semble aujourd’hui marcher sur deux tempos. D’un côté, des signaux administratifs encourageants, qui trahissent une volonté de relance. De l’autre, des données concrètes (chantiers, matériaux, crédit) qui marquent le pas. Ce décalage, bien connu des professionnels, prend ici une ampleur plus structurelle.

Dans ce contexte, les mois à venir seront déterminants. La poursuite de la reprise dépendra non seulement de la traduction effective des permis en chantiers, mais aussi de la capacité des acteurs à sécuriser leurs financements et à composer avec un environnement politique et budgétaire de plus en plus contraint.

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