En 2023, le secteur français des matériaux de construction a subi un recul significatif de l’emploi, rompant avec deux années de reprise. Les effectifs salariés permanents ont diminué de 2,5 % sur un an, et l’intérim a enregistré un plongeon de 13,3 %. Ce constat émane de la 4ᵉ édition du tableau de bord « Activité, Emploi, Formation », publié en décembre 2024 par le Réseau des CERC avec l’UNICEM et les OPCO. Le rapport dresse un état des lieux complet de la filière à l’échelle nationale, en analysant les dynamiques régionales, les profils des salariés et les réponses offertes par la formation.
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Une année de repli après deux ans de rebond post-Covid
Après avoir connu une reprise modérée en 2021 et 2022, l’industrie des matériaux a marqué un net ralentissement en 2023. Le secteur comptait 68 000 salariés et environ 6 000 intérimaires en fin d’année. Ce sont près de 1 700 emplois salariés qui ont été perdus sur l’année, tous types d’activités confondus.
Les métiers les plus concernés par cette baisse sont ceux de la fabrication de produits principaux (éléments en béton, mortiers, bétons secs…), qui concentrent 45 % des effectifs. L’extraction et l’exploitation représentent 26 % de l’emploi, et la fabrication d’autres produits (plâtre, chaux, tuiles, etc.) environ 21 %. Seule exception, ce dernier segment progresse très légèrement (+0,3 %) entre 2022 et 2023.
En parallèle, l’intérim s’effondre, avec une baisse nationale de 13,3 %. Ce recul touche en priorité les régions qui recouraient fortement aux contrats courts, comme la Normandie, le Centre-Val de Loire et la Bretagne. À l’échelle nationale, on comptait 8,5 intérimaires pour 100 salariés en 2023, un taux historiquement élevé malgré la baisse.
Une géographie contrastée, des territoires ultramarins à contre-courant
La baisse de l’emploi salarié n’épargne aucune région métropolitaine. L’Île-de-France affiche le repli le plus marqué avec -5,8 %, suivie de la Corse (-3,9 %), de l’Occitanie (-3,6 %) et de la Bretagne (-2,7 %). Les grandes régions industrielles comme l’Auvergne-Rhône-Alpes ou les Pays de la Loire ne sont pas épargnées non plus.

À contre-courant de cette dynamique, les départements d’outre-mer se démarquent. Selon la cartographie établie par le Réseau des CERC, l’emploi dans la filière des matériaux progresse légèrement à Mayotte (+0,5 %), en Guyane (+0,3 %) et à La Réunion (+0,1 %). Ces hausses restent marginales, mais contrastent avec le tableau général. Elles pourraient s’expliquer par une dynamique locale portée par les besoins en infrastructures et la montée en puissance de projets de rattrapage structurel.
Des métiers sous pression : vieillissement, déséquilibres, besoin de renouvellement
La photographie des effectifs révèle des déséquilibres structurels. Près de 39 % des salariés sont employés dans des fonctions de production, 24 % relèvent des fonctions techniques et d’encadrement, et 23 % occupent des postes administratifs ou commerciaux. La maintenance et la conduite d’engins représentent respectivement 8 % et 6 % des postes.
Le vieillissement des effectifs est un facteur d’alerte : 37 % des salariés ont 50 ans ou plus, contre seulement 13 % de moins de 30 ans. Certains métiers sont particulièrement concernés : les fonctions techniques, l’encadrement, ou encore les postes en maintenance présentent une proportion élevée de seniors.
À l’inverse, les opérateurs et manutentionnaires non qualifiés apparaissent comme des métiers “renouvelés”, avec une part de jeunes plus élevée que la moyenne.
Le déséquilibre entre les sexes reste massif : 83 % des salariés sont des hommes, pour seulement 17 % de femmes. En parallèle, 96 % des salariés bénéficient d’un contrat à durée indéterminée (CDI), soulignant une relative stabilité contractuelle dans le secteur. Le salaire brut annuel médian se situe dans une fourchette de 30 000 à 35 000 euros, mais avec des écarts notables selon les métiers.
La formation en soutien : 39 000 stagiaires et 3 700 alternants mobilisés en 2023
Face aux tensions sur l’emploi et à la transformation des métiers, la formation constitue un levier mobilisé de manière active par les entreprises. En 2023, plus de 2 200 entreprises ont engagé des actions de formation continue, concernant 39 000 stagiaires.
Les ouvriers représentent 40 % des bénéficiaires, devant les techniciens et agents de maîtrise (24 %), les employés (18 %) et les cadres (18 %). Le financement volontaire reste majoritaire (79 % des cas), loin devant les plans de développement des compétences (21 %) ou l’alternance (5 %).
Du côté de la formation initiale, l’alternance poursuit sa progression, avec 3 732 jeunes formés en 2023-2024, toutes spécialités confondues. Les spécialités les plus attractives restent la conduite d’engins (1 791 jeunes), la mécanique d’engins (1 191) et les métiers de la pierre (499). Le diplôme de Technicien de Production des Matériaux pour la Construction et l’Industrie (TPMCI) attire quant à lui 210 jeunes.
En voie scolaire, les effectifs s’élèvent à environ 3 030 jeunes, avec une légère baisse cette année. La mécanique d’engins continue de séduire (1 646 inscrits), devant les conducteurs d’engins (776) et les métiers de la pierre (253).

Le ralentissement de l’emploi dans l’industrie des matériaux en 2023 marque un tournant après deux années de reprise. Tandis que les régions ultramarines font figure d’exception, la fragilité du secteur impose un besoin urgent de renouvellement des compétences. La formation continue et l’alternance s’affirment comme des outils mobilisés, mais encore insuffisants pour compenser le vieillissement des effectifs. Le défi des prochaines années sera de concilier attractivité des métiers et adéquation formation-emploi.









