IMMOBILIER DURABLE en 2024 : une année charnière entre normes et réalité

0
immobilier durable 2024

Bousculé par une série de textes structurants, pris entre les échéances du climat et les tensions sur le logement, le secteur immobilier a vu en 2024 un véritable moment de bascule. Cette année charnière, documentée par l’OID dans son récapitulatif annuel, « Que s’est-il passé pour l’immobilier durable en 2024 ? », met en lumière les lignes de force d’un secteur en recomposition.

Des réglementations européennes structurantes pour l’immobilier

La montée en puissance des exigences ESG s’est traduite par l’entrée en vigueur de deux textes majeurs. D’abord, la directive CSRD a redéfini le champ du reporting extra-financier. Dès janvier 2025, ce sont plus de 50 000 entreprises européennes qui devront publier des rapports de durabilité, contre 10 000 auparavant sous le régime NFRD.

Avec l’adoption des standards ESRS, le secteur immobilier est directement concerné : les catégories « construction et ingénierie«  et « immobilier & services«  devront produire des données matérielles, quantitatives, vérifiées, selon une logique de double matérialité.

En parallèle, la directive EPBD a été refondue pour aligner le secteur du bâtiment sur les objectifs du Green Deal. Ce texte impose des bâtiments à émissions nulles pour les constructions publiques dès 2028, et pour l’ensemble du parc d’ici 2030.

Il généralise également l’usage de systèmes d’automatisation (BACS), prévoit un passeport de rénovation et renforce les exigences de performance énergétique pour les rénovations lourdes. Une ambition forte, encore soumise aux dynamiques nationales de transposition.

Enfin, l’adoption en juin de la « Nature Restoration Law » marque une avancée à la fois écologique et politique : elle vise à restaurer 20 % des zones terrestres d’ici 2030, tout en posant des objectifs de verdissement urbain qui toucheront inévitablement les pratiques immobilières.

 

En France, une année de renforcement réglementaire sous contrainte sociale

En 2024, l’État français a poursuivi la mise en musique de sa feuille de route climat, mais avec des inflexions notables. Le décret tertiaire a continué de s’étoffer : les valeurs absolues IV et V ont intégré de nouvelles activités (santé, justice, sport, culture…), complétant un corpus déjà dense.

Parallèlement, les données collectées via la plateforme OPERAT ont permis une première lecture du réel : sur 740 000 déclarations, une baisse moyenne de 22 % de consommation a été constatée.

Mais c’est surtout la réforme du DPE pour les petites surfaces qui a attiré l’attention : en corrigeant une anomalie méthodologique, l’arrêté d’avril 2024 a permis de reclasser 140 000 logements hors de la catégorie des passoires thermiques.

Une décision pragmatique, alors que la crise du logement menace, et que les logements classés G seront jugés « non décents » au 1er janvier 2025. La difficulté d’articuler transition écologique et préservation du parc locatif reste palpable.

Le climat comme facteur de mutation du cadre assurantiel et technique

Si le cadre normatif évolue, c’est aussi sous la pression du climat. Le retrait-gonflement des argiles (RGA), les incendies, les vagues de chaleur et les inondations éprouvent les modèles assurantiels classiques.

Deux décrets ont modifié le régime CatNat : ils imposent une expertise indépendante et raccourcissent les délais de réponse. Surtout, la surprime sur les contrats habitation passe de 12 % à 20 % dès 2025.

L’étude ECOTRACC, publiée en mars, estime que 72 % du parc immobilier serait fortement exposé dans une France à +4 °C. Une vision d’adaptation radicale, qui commence à infuser dans les textes nationaux : le plan national d’adaptation (PNACC) repose désormais sur ce scénario, et le guide des actions adaptatives de l’OID a été mis à jour en conséquence.

Une dynamique internationale de coordination mais encore fragile

Le Forum mondial sur les bâtiments et le climat, organisé à Paris en mars 2024, a accouché de la Déclaration de Chaillot. Signée par 70 pays, elle définit des principes communs : normes contraignantes, incitations, labels, matériaux bas carbone, et création d’un Conseil intergouvernemental.

Mais cette feuille de route n’a de valeur que si elle est suivie d’effets. En octobre, la COP16 a buté sur la répartition des ressources, et la COP29 n’a convaincu que partiellement, avec son objectif de 300 milliards $/an pour le financement climatique.

Dans ce contexte, les pays du Sud rappellent l’urgence d’une adaptation différenciée : si l’Europe doit rénover massivement, d’autres doivent construire sans reproduire les erreurs du passé. C’est tout l’enjeu d’une approche systémique, que les futures négociations devront intégrer.

Le secteur immobilier au cœur des stratégies nationales

La stratégie française énergie-climat s’est progressivement structurée autour de trois piliers : la SNBC (neutralité carbone), la PPE (programmation énergétique), et le PNACC (adaptation). Tous ont fait l’objet de consultations à l’automne. Le Plan national intégré énergie-climat (PNIEC) fixe notamment un objectif de réduction de 43 % des émissions du secteur du bâtiment entre 2022 et 2030, en cohérence avec l’objectif global de –50 % de GES à l’échelle nationale.

En parallèle, le Plan Nature en Ville a posé une méthodologie nationale pour favoriser la renaturation des tissus urbains, avec un soutien de 500 millions € via le Fonds vert.

Côté local, le PLU bioclimatique de Paris a introduit le mécanisme des externalités positives, valorisant les projets exemplaires. Mais certaines limites subsistent : absence d’objectifs chiffrés, zones patrimoniales exclues, risques climatiques partiellement pris en compte. Le réflexe d’urbanisme réglementaire reste encore à transformer. Ces limites tiennent aussi au manque de modalités opérationnelles chiffrées, à l’absence d’un suivi d’indicateurs environnementaux concrets par quartier, et au peu d’incitations pour les projets ambitieux dans les secteurs non couverts par le dispositif.

Enfin, l’immobilier découvre de nouveaux outils de pilotage ESG : baromètres sectoriels, labels ISR adaptés, obligations de taxinomie, et préparation aux premiers reportings CSRD. L’intégration ESG devient technique, contractuelle, financière. Elle sort du champ volontaire.

Quels défis pour 2025 et au-delà ?

Dès janvier 2025, plusieurs dispositions entrent en application : les systèmes BACS deviennent obligatoires au-dessus de 290 kW, les logements G sont officiellement « indécents », et les premiers rapports CSRD devront être produits. Les États membres de l’UE doivent aussi transmettre leur plan national de rénovation. C’est là que la capacité à articuler ambition et mise en œuvre sera testée.

Au-delà, les projecteurs sont déjà tournés vers 2028 : date d’entrée en vigueur du seuil d’indécence pour les logements classés F. Ce sera un tournant pour le parc locatif, et un point de passage crucial pour les politiques de rénovation. L’immobilier durable devra alors composer avec une double exigence : être sobre, mais aussi inclusif, résilient, et cohérent avec les territoires.

 


immobilier durable 2024

QUE S’EST-IL PASSÉ POUR L’IMMOBILIER DURABLE EN 2024 ?


 

Au croisement des politiques climatiques, des mutations techniques et des ajustements sociaux, l’immobilier durable entre en 2025 dans une phase de concrétisation. Plus que des objectifs, ce sont désormais les moyens, les rythmes et les priorités territoriales qui feront la différence. Le secteur devra prouver qu’il peut transformer la transition en action, sans perdre de vue l’équité ni la résilience.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici