Hydrogène vert en GUADELOUPE : une feuille de route ambitieuse jusqu’à 2050 !

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Le 15 mai 2025, la Région Guadeloupe a présenté sa stratégie de développement pour l’hydrogène vert, avec le soutien de la Banque européenne d’investissement. Cette feuille de route trace un plan de déploiement progressif jusqu’à 2050, visant à faire de l’hydrogène un levier clé de la décarbonation des transports, de la production énergétique locale et de la coopération régionale.

Portée par Suez Consulting et Hinicio, l’étude dresse une trajectoire structurante, adaptée aux spécificités d’un territoire insulaire et engagé dans la transition. Le dossier est encore ouvert à consultation publique jusqu’au 2 juin 2025.


 

La Guadeloupe face à un défi énergétique systémique

La Guadeloupe reste aujourd’hui largement dépendante des carburants fossiles importés, en particulier pour le secteur des transports qui constitue le principal poste d’émission de gaz à effet de serre du territoire.

En 2023, les transports terrestres, maritimes et aériens ont cumulé près de 892 kt de CO2 émis, pour une consommation finale d’énergie de plus de 7 600 GWh. Cette dépendance limite fortement les bénéfices des efforts engagés en faveur de l’électrification et du déploiement des énergies renouvelables.

Dans ce contexte, la Programmation Pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe des objectifs ambitieux pour 2028 et 2033 : parvenir à 100 % d’énergies renouvelables dans la production d’électricité, réduire la consommation globale d’énergie de 3 % en 2028 et de 4 % en 2033, et porter à 34 % puis 35 % la part d’EnR dans les consommations finales.

La PPE vise également une transition progressive vers une mobilité durable, avec 15 % de véhicules électriques dans le parc d’ici 2033, et un réseau de 1 000 bornes de recharge publiques.

Pour répondre à ces objectifs, la diversification du mix énergétique devient essentielle. Le potentiel local d’énergies renouvelables est important : solaire, éolien, biomasse et géothermie peuvent être mobilisés à grande échelle.

Toutefois, certains usages, dits non électrifiables, comme les transports lourds ou le maritime, nécessitent des solutions alternatives. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’ambition portée par la Région : faire de l’hydrogène vert un vecteur stratégique pour remplacer progressivement les combustibles fossiles dans ces secteurs clés.

L’hydrogène, un levier pour décarboner les usages non électrifiables

L’hydrogène vert, issu d’électricité renouvelable, répond aux limites de l’électrification directe dans les secteurs les plus énergivores. En Guadeloupe, il s’applique surtout aux poids lourds, transports publics longue distance, liaisons maritimes et aviation régionale.

Le plan stratégique identifie 5 grands segments prioritaires :

  1. les poids lourds (3,5 kt/an),
  2. le transport public (1,1 kt/an),
  3. le maritime inter-îles (1,6 kt/an),
  4. l’alimentation des navires à quai (3,3 kt/an) et l’aviation régionale (0,8 kt/an).

Ensemble, ces usages représentent une demande adressable directe de 11,5 kt/an, soit près de 351 GWh par an. Ces chiffres excluent les dérivés de l’hydrogène, comme le méthanol et le carburant d’aviation synthétique (e-SAF), dont les volumes sont bien plus élevés.

La pertinence de l’hydrogène repose aussi sur sa capacité à créer des carburants de synthèse pour les usages maritimes et aériens internationaux. La production de méthanol (272 kt/an) et de e-SAF (505 kt/an) nécessiterait à elle seule plus de 480 kt d’hydrogène par an.

Ces chiffres témoignent du potentiel industriel de la filière, mais aussi des défis en matière de production, d’infrastructures et de captation de CO2 biogénique. C’est un horizon à moyen et long terme, qui appelle à structurer des chaînes de valeur complètes sur le territoire et dans la région Caraïbe.

Trois étapes pour structurer une filière locale d’ici 2050

La feuille de route prévoit un déploiement progressif de la filière hydrogène guadeloupéenne, en trois grandes phases, chacune structurée autour d’objectifs opérationnels, d’usages ciblés et de volumes mobilisés.

  • Phase 1 : Amorçage (2025–2030)
    Cette première étape repose sur le lancement de projets démonstrateurs dans la mobilité routière, notamment pour les transports publics et les poids lourds. Elle prévoit la consommation de 135 tonnes d’hydrogène par an pour un investissement global de 25 millions d’euros. Cette phase vise à valider les premiers modèles techniques et économiques, et à initier les premières infrastructures de production et de distribution.
  • Phase 2 : Consolidation (2030–2035)
    Durant cette phase, la stratégie monte en puissance avec un élargissement des usages dans le transport routier intensif, le démarrage de la production de méthanol vert pour le maritime, et l’expérimentation de solutions portuaires. La consommation estimée atteint 4 800 tonnes/an d’hydrogène, avec un investissement cumulé de 263 millions d’euros. C’est également à ce stade que la coopération régionale commence à prendre forme.
  • Phase 3 : Massification (post-2035)
    Cette dernière étape prévoit une généralisation des usages dans les transports terrestre et maritime, l’installation d’unités de pyrogazéification de déchets, et la structuration d’une production régionale de carburants synthétiques, notamment e-SAF. Le territoire pourrait alors produire jusqu’à 14 000 tonnes d’hydrogène par an. L’ambition est de faire de la Guadeloupe un hub hydrogène dans la Caraïbe, capable de répondre à une demande locale, mais aussi exportatrice.

(c)guadeloupe-energie.gp

 

Une demande en hydrogène croissante, des besoins industriels massifs

Les besoins en hydrogène direct identifiés dans la stratégie s’élèvent à 11,5 kt/an, répartis sur les segments prioritaires du transport public, du fret routier, du maritime inter-îles, des navires à quai et de l’aviation régionale.

Ce volume correspond à une consommation énergétique annuelle estimée à 351 GWh. La structuration d’une filière locale repose donc sur une dynamique d’usages à la fois diversifiés, pilotables, et à forte intensité.

Mais au-delà de ces usages directs, c’est la production de dérivés à partir d’hydrogène – méthanol et carburants d’aviation synthétiques (e-SAF) – qui constitue le principal moteur de la demande future.

Les projections affichent 272 kt/an de méthanol vert destiné au transport maritime international, et 505 kt/an de e-SAF pour l’aviation long courrier. Ensemble, ces deux produits mobiliseraient à eux seuls plus de 480 kt/an d’hydrogène, soit une consommation énergétique dépassant les 15 000 GWh par an.

Pour répondre à ces perspectives, la stratégie table sur un potentiel de production locale évolutif. D’ici 2030, les ressources renouvelables existantes (solaire, éolien, biomasse) permettraient de produire 5,1 kt/an d’hydrogène, couvrant environ 45 % des usages directs. En 2045, ce volume pourrait atteindre 16,8 kt/an, soit plus de 90 % de la demande adressable hors dérivés.

Ce potentiel pourrait être renforcé par la mise en place d’unités de pyrogazéification, la valorisation des déchets et l’optimisation du gisement de CO2 biogénique nécessaire aux carburants de synthèse.

Bâtir un écosystème territorial autour de la filière hydrogène

La stratégie mise sur un ancrage local fort pour assurer la pérennité de la filière. Elle prévoit des infrastructures partagées – électrolyseurs, stations et unités de stockage – connectées aux réseaux EnR, conçues pour s’adapter aux besoins croissants tout en garantissant sécurité et fiabilité. L’objectif est de structurer une base technique évolutive capable d’accompagner la montée en puissance progressive des usages.

Le volet humain repose sur la formation de compétences locales via l’Université des Antilles et les centres techniques régionaux.

Environ 550 emplois directs sont attendus. Un dispositif de gouvernance territoriale, incluant le comité régional et le Club Hydrogène Guadeloupe, coordonne la mise en œuvre. La coopération avec les territoires voisins de la Caraïbe est également encouragée pour mutualiser les moyens et capter les financements européens.

Enjeux techniques, réglementaires et économiques à maîtriser

La stratégie hydrogène de la Guadeloupe repose sur une infrastructure mutualisée et adaptable : électrolyseurs, stations de distribution et systèmes de stockage devront évoluer avec la demande, tout en s’intégrant au réseau énergétique local et à l’aménagement urbain. L’efficacité, la sécurité et la modularité de ces équipements seront déterminantes.

Sur le plan réglementaire, l’adaptation des cadres nationaux et européens aux réalités des ZNI est indispensable. Il s’agit d’intégrer l’hydrogène dans les documents de planification locaux et de garantir la conformité aux directives communautaires sur les énergies renouvelables et les carburants durables. Cet alignement juridique est une condition de stabilité pour les porteurs de projets.

Côté économique, les coûts de production varient de 3,5 €/kg à 17 €/kg selon les technologies. La filière devra s’appuyer sur des soutiens publics, des contrats d’achat sécurisés et des partenariats privés pour atteindre la viabilité. La mobilisation des ressources locales, notamment la biomasse et le CO2 biogénique, jouera aussi un rôle clé dans l’équation économique.


RESSOURCE À CONSULTER :


 

La Guadeloupe ne se contente plus d’anticiper l’avenir énergétique : elle le dessine. Avec sa feuille de route hydrogène, elle ouvre une trajectoire ambitieuse, où insularité rime avec innovation.

 

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